jeudi 7 mai 2015

S'abandonner

Blond et généralement dans la vingtaine, ces êtres que j'exècre possèdent une condition physique superbe comparée à la mienne. Et ils en jouissent, auprès des hommes, auprès des filles, auprès des professeurs. Ils ont le statut d'humains à suivre, d'excitante promesse alors même qu'ils garnissent leurs feuilles d'examens de vétilles babilleuses et qu'ils reçoivent pour ça des onze déshonorants. Mais on les choie qu'importe leur bêtise parce qu'un garçon mignon est mignon pour tout le monde là où l'intelligent n'intéresse qu'une poignée.

Bien que je me compare à eux, un peu, il ne faut pas croire que je me pense doté d'un esprit merveilleux. Car si tel était le cas, je me serais arrangé pour faire de mon informe corps un temple abdominal d'autant plus en sachant qu'un tel effort serait récompensé. J'aurais brûlé mes livres et toutes mes distractions afin de faire de ma chambre d'adolescent standard un sauna terminal.

Calories et sucs gercés se seraient enfuis d'eux-mêmes et j'aurais pu m'observer dans le miroir sans avoir à jouer sur la faiblesse des lampes. J'y aurais été à plein néon. Et j'aurais aimé ça, peut-être même au point de faire partie de ces expéditions estivales dont raffolent ces gens-là...

De ce genre d'expéditions qui se font en camionnette dans des endroits paradisiaques du sud-ouest français. Avec au programme du surf, de l'alcool en quantité charmante, de la drague dans des boîtes de nuit managées par des chauves et quelques virées en rafting. Avec au programme des femmes en petites tenues, des anecdotes à n'en plus finir sur un tel qui s'est perdu parce qu'il avait trop bu, des couchers de soleil et de la tequila copieusement citronnée.

Avec aussi ces moments où l'on se prend comme des fous en photo. On fait les moues les plus indélicates, les poses les plus grotesques, les figures les plus dingues. Et on envoie ça vite fait sur les réseaux sociaux où une trentaine de gens nous disent de continuer, de bien nous amuser, de profiter surtout.

Avec ces engueulades sur des sujets mineurs et ces crises de rire dont les points de départ sont tous scatologiques. Avec aussi ces moments où l'un des plus beaux décide de sauter depuis une courte falaise avant de rejoindre les filles dans l'eau le tout en étant filmé par Christian et après avoir été poussé dans le dos par Lucas.

"...jajajajajaja ! ça va faire un million de vues sur Youtube !"
A peine deux secondes plus tard, le crâne de l'un des plus beaux de la bande explose sur un rocher chauffé à bloc par les rayons solaires.
Ça a fait vingt lignes dans le journal local, c'est déjà ça !

...

Elise - En fait, t'es juste un jaloux de merde ?

Moi - Oui...pardonne-moi.

Elise - Je te pardonne mais pourquoi tu ne ferais pas plutôt un régime ? 

Moi - Parce que c'est pour les gros !

Elise - Hm...hm...comment dire...

Moi - Tu préférerais peut-être que je sois un gros connard de surfeur à un franc ? 

Elise - Tu sais, le fait que tu saches écrire ne garantit en rien ta bonté d'âme. 

Moi - Mais...alors...quoi...?

Elise - Quoi, quoi ?

Moi - Comment je fais pour être quelqu'un de bien ?

Elise - Je ne sais pas moi...hm, tu pourrais parler du Népal par exemple. 

Moi - Du Népal ?

Elise - Oui, du Népal et du tremblement de terre, du fait qu'en tout, il y aura sans doute près de 10 000 morts...du fait qu'il y a en ligne des vidéos qui montrent les gens en train de filmer autour d'eux alors que la mort s'active sous leurs pieds...de cette forme de fascination pour l'hypernaturel.

Moi - L'hypernaturel...?

Elise - C'est un concept apparu dans les années 80. La première fois, c'était dans le journal scientifique de l'université de Boston. Ce terme est utilisé pour parler de tout ce qui est effectivement naturel mais qui paraît tellement surprenant pour le commun des mortels que cela touche presque au surnaturel.

Moi - L'hypernaturel c'est la mort. 

Elise - C'est quoi cette manie de toujours tout rattacher à la mort ? 

Moi - Ben, c'est la vérité. Tu parles de fascination pour l'hypernaturel ou je ne sais quoi mais je pense qu'il s'agit juste d'une fascination pour la mort. Ce n'est pas qu'on la souhaite...c'est que son idée-même nous dépasse tellement qu'on finit par la guetter partout...par vouloir la frôler. Tu parles de ces gens qui restent là à filmer alors que le sol se dérobe sous leurs pas mais que dire de nous qui regardons cette vidéo...en espérant...au fond de nous, que le sol fasse comme une langue qui les balayerait définitivement...

Elise - Non, moi, j'espérais qu'ils s'en sortent. 

Moi - Et ils s'en sont sortis ? 

Elise - Non...enfin, pas tous, parce que la mort n'est pas fasciné par nous. Elle fait son boulot, c'est tout, son devoir physique. 

Moi - J'aime bien cette notion de devoir physique. Et ça me fait te demander, ça serait quoi le devoir de la vie selon toi ? 

Elise - D'apaiser. De soulager, les veufs, les pauvres, les amputés, les malades et les déracinés. La vie se doit d'être ce calme qu'il y a derrière l'ouragan. 

Et nous nous devons d'être ce calme. N'ayant pour ouragan que des histoires de cœurs ou de reconnaissance, nous nous devons d'être ce calme. D'apporter de l'aide par tous les moyens possibles. Et l'écriture n'en est pas un. 

Moi - Mais...alors...quoi ? 

Elise - Alors embrasse-moi, je suis mieux ici avec toi que sur une plage d'Hendaye ou Saint-Jean de Luz. Embrasse-moi et puis ensuite allonge-toi, c'est à mon tour de tout faire trembler. 

Et peut-être qu'après ça, la Terre s'arrêtera. 


http://www.ama-foundation.org/
https://mrmondialisation.org/nepal-10-choses-a-savoir-avant-de-faire-un-don/



Tenzing Rigdol - Bouddha Personnalisé



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