dimanche 28 septembre 2014

Lever les yeux au ciel

Le soleil et la brume s'étaient donnés rendez-vous en ce matin d'été gare de Rieu. Et j'étais là, parmi ces couleurs pleines dignes d'un rêve éveillé, et j'attendais mon train. A mes côtés se tenaient une exacte dizaine de passagers futurs. Sept femmes et trois hommes, la plupart trentenaires. La brume et le soleil m'empêchèrent de distinguer correctement leurs traits et leurs cheveux. Alors j'imaginais qu'ils étaient blonds et qu'ils faisaient partie, tous, d'une seule et même corporation et qu'au sein de celles-ci, ils étaient...peintres sur ciel.

Ceux de jour traçaient le ciel des nuits profondes, à grand renfort d'étoiles et de lune laiteuse.
Ceux de nuit dessinaient le ciel de journée, à coups d'aubes, de feux et d'océans lointains où baignent des nuages.

Ce qui me fit monter en tête une pensée à ce point saugrenue tenait tant dans mon manque de sommeil que dans l'attitude adoptée par cette dizaine lisse. Car sous la brume ensoleillée, ils semblaient tous ensorcelés, non par l'apaisante majesté du tableau naturel - qui n'était pas encore couvert par la montée urbaine et ce malgré tous les grillages d'ores et déjà posés - mais par le cercueil noir qu'ils serraient dans leurs doigts.

Sur ces boîtiers étaient vissés des écrans lumineux qui paraissaient bien fades en comparaison du jour s'ébattant. Mais il aurait été malhonnête ma foi de leur en vouloir de préférer ce jour-ci à ce jour-là, quand bien même si entre les deux c'était le Jour et la Nuit. Malhonnête parce qu'ils s'abîmaient les yeux et l'âme pour une bonne raison : parce que le ciel était leur pain quotidien et qu'à la longue ils avaient fini à s'en dégoûter presque.

Et donc ils se divertissaient en plongeant dans des cadres inertes et sans beauté où voletaient de maigres informations rapidement oubliées. Ils se reposaient le cœur de toute cette nature, de toute cette campagne, bue et rebue chaque jour.

Enfin ça, c'est ce que j'imaginais tandis qu'au fond de moi, le gâchis rigolait.



William Turner - Rain, Steam and Speed - The Great Western Railway

dimanche 14 septembre 2014

Looking for Stamina

Les deux genoux brisés, les sensations ne sont plus les mêmes
J'en ai fait la douloureuse expérience...
Le corps est un orgueil et j'étais devenu le plus humble des Hommes.

Fatigue, épuisement, mal être, courbatures, membre fantôme.
Il marche au point de se désintégrer, dort très mal, se nourrit with anarchy.
Sa haine des autres va grandissante, il se déchire de l'intérieur, muscle noirci.
Ses rares passions sont devenus des poids et l'orgasme même l'harasse et le laisse froid.
Les plaintes ont passé la démultipliée.

Il a envie d'arracher la peau du visage de ses contemporains, de taper à coups de marteau contre leurs côtes merdeuses...
Se faire un festin de chaque organe vain de ces débiles mentaux, et puis, de les recracher sur la tombe de leurs ancêtres. Mais ces gens-là n'ont même pas de tombe ! On les a foutus dans de larges caveaux communs, en compagnie de cadavres de chiens et d'écureuils roux.

Ils sont le fruit de l'union entre des fluides divers : urine, diarrhée, sperme, purée d'asperges...

Comme nous le disions, sa haine des autres allait grandissante comme il ne pouvait pas se détester lui-même plus fortement qu'alors. Ventripotent, maladroit, retardataire et gras, il avait, de surcroît, perdu toute forme d'imagination. Avant dans sa tête croissaient d'illimitées forêts peuplées de fleurs déraisonnables aux parfums surpuissants qu'on croyait abolis...il se réinventait les senteurs d'origine, le goût de la lumière, de la terre et du feu.

Il faisait partie de ceux qui vivent vraiment rien qu'en fermant les yeux.
Avant.

Il n'avait pas saisi l'exact point de rupture mais la mort de son lion avait sans doute à voir.


Remedios Varo - Simpatía