lundi 22 décembre 2014

I AM ERROR

Celui qui avant moi porta cette camisole avait dû profusément saigner, elle était toute humide, comme un sexe de femme en contact avec Dieu...

Quelqu'un dans mon dos actionna les ficelles.
J'étais perdu.
Ainsi tombait le ciel.

J'avais 26 ans, et suite à la signature de différents formulaires par mes proches, frères et parents, on venait, posément, de m'arracher la tête.

Naturellement, en toute légalité, je disparaissais, futile, au fond de quatre murs où s'étiraient de longues peaux cramoisies.

Je ne serai plus lavé si ce n'est à ma mort.
Je ne rêverai plus si ce n'est par erreur.


Jackson Pollock - The Flame

dimanche 21 décembre 2014

La nuit et son contenu

"Il est impossible d'en voir toutes les graduations, même des yeux de la puissance d'un Dieu échoueraient à cela."

Froid et noir le linceul recouvre les abris de ceux qui n'en ont pas. Il peint de sa couleur les torses des plus âgés puis descend aux chevilles des pauvres jeunes-nés. Il y découpe des chiffres arrêtées à la date du jour, comme ça en une seconde, et l'on clôt des casiers déjà pleins de silence.

Ceux qui scellent ces chambres ne gagnent pas mieux leurs vies, ils boivent du café bas et ignorent la romance d'un coucher de soleil. Ils fument tandis qu'ils repensent aux organes vitaux versées dans la poubelle. Combien de vies furent bues et combien d'alcools forts ? Combien de draps changés parce que tachés de sang ?

Ces chiffres-là la nuit ne les donne à personne, pas plus qu'elle donne sa main à ceux qu'elle abandonne.

Ainsi vont les odeurs d'hommes quittant leurs corps : lentement et sans bruit pour ne pas effrayer les jouisseurs dans leurs lits.

C'est une réalité pourtant que nous mourrons vraiment et qu'il n'est pas de chose telle la résurrection. C'est une réalité pourtant qu'on finira sans rien, sinon le souvenir qu'avant vécurent les roses...les érections, les chants, les pluies que l'on veut fuir et celles que l'on prolonge, les maladies, les soins et les orgasmes longs. Les sirènes, les dangers, les corps qu'on serre contre soi avec l'encore en bouche. Les libertés et les emprisonnements. Lui, elle, et la mort tout au bout comme seul épanouissement.

Quand la nuit répugnante se pose sur la ville âme, quelques murmures parfois écharpent son armure, des sortes d'illuminations, des séries de baisers à la vitesse du son.
Et quelquefois, même, le jour se lève, se sert un thé et me regarde, nue, comme une intime copie du jeu des voies lactées.

La nuit et son conte nu


Suzanne Duchamp - Solitude-Entonnoir

jeudi 18 décembre 2014

Américaine lenteur

Il nous fallait combattre au-delà des fatigues et des résignations.
Nous relever dans la neige, dans la boue, dans le sang, sur un sol mouvant, sans aucune ration.
C'était un chemin froid, une torturante route bordée d'épouvantails à l'apparence humaine.
C'était de ça dont il fallait sortir, coûte que coûte et peu importe si un de nos bras tombait ou si une clavicule soudainement éclatait.
Nous étions sous la lune et dans une pesanteur qui nous vidait les os...

A sept mille kilomètres de là, on fêtait Thanksgiving,
A sept mille kilomètres de las, nous mourrions parce que juifs.


Moholy-Nagy - Between Heaven and Earth

jeudi 4 décembre 2014

Jésus de Nazareth, en direct du ventre des Grandes Impatiences

Je sectionnerai, à la scie, tes nerfs les plus complexes
Je te regarderai te vider de ton sang
Et j'aurai des regrets, papa, et des soulagements
Et j'aurai l'impression de n'être rien qu'un sexe
Garance et plein de dents.

Je rêverai du Sommeil et de mondes mystiques
Du fond de ma cellule...aux murs faits de plastique
Pour ne pas que je tranche, à coups de brique, mes nerfs les plus fins

Pour ne pas que je nage, noyé, dans ce lac sous-marin
Où flottent des poissons d'un âge imaginaire
Et où Dieu-même, comme Ophélie, demeure à la surface
Gonflé pire qu'une paupière.

Je brûlerai tous les livres et avalerai les cendres
Il y a trente jours de trop dans le mois de décembre.