samedi 27 janvier 2018

Claire compilation

Je ne le fais pas pour moi mais pour elle
Ballerine, merveille ///


Je n'avais du beau temps qu'une idée nuageuse
Avant de te connaître et que la mer veilleuse
Ne dévoile son plan,
Avec ces récifs et ces longs horizons
Aussi blonds que les champs quand ils entrent en moisson

///
Les fleurs sacrosaintes jouaient leurs chemises, de flanelle sanguine
Contre l'eau des cascades
...
J'avais envie, de mes doigts fatigués par trop d'escalade contre un seul et même sol,
D'écrire à la volée toutes les beautés du monde,
Des matins virginaux où s'épousèrent les singes
A ces nuits plus techniques que sont celles d'aujourd'hui où la lune se cache davantage dans flaque que dans un ciel ouvert puisque tout ciel est pris...
Et puis j'ai compris que j'étais trop crevé pour avoir tout à fait les images adéquates, que j'avais anyway pas trait assez de champs de mes mains éduquées pour retranscrire crédible ces lices laissées libres des chevaux et des hommes, et que des chevaux, du reste, je ne connaissais rien de très incontestable, sinon qu'ils étaient dotés de coeurs gros comme un crâne et que ce coeur-là, du fait de sa grosseur, propulsait plus de sang que n'importe quelle vigne lorsque, soumis comme il l'était au voeu de son champion, il se démantelait jusqu'au bout de la ligne...
Je n'avais de même pas suffisamment d'expérience dans l'anatomie du bonheur pour savoir ce que pouvait ressentir tel jockey triomphant en telle jour de gloire, tandis qu'il entamait un tour d'honneur sous les vivas de visages invisibles mais fiers de le voir, comme s'il s'agissait de quelqu'un...et il s'agissait de quelqu'un car quelqu'un est toujours de ces sommités rares soudainement capables d'interrompre le temps.
Et jockeys et montures quand ils gagnent d'un souffle sans se soucier des cotes - écrivant une musique impossible à prévoir, inventant ainsi notes faisant cesser le rance le long de cet accord qu'ils plaquent franchement sur la trace de craie blanche - sont faits de cette étoffe...

J'aurais aimé de même feinter le chronomètre...prendre diverses routes vers diverses chapelles dans lesquelles brilleraient les narines d'un cheval, mettre ensuite mes doigts au sein de ces narines qui auraient su m'élire avant de chevaucher le chevauchable et de partir en direction d'une piste régionale (puis nationale puis mondiale)...

Mais j'étais dans mon lit, quotidiennement même au matin et j'avais l'oeil constamment poignardé par une flopée d'onglets frappeurs et orgeletogènes : des "pour trouver du travail", des "pour se divertir", des "pour apprendre des choses", des "pour écrire", et enfin des "pour écrire donc trouver du travail donc se divertir donc apprendre des choses"...ces foutus ailerons oeuvraient partout et dans chaque banlieue de mon cerveau malade...
J'avais besoin de lire et de me gorger d'eau,
Comme une fleur seigneuriale en manque de cascade ou de course de chevaux...

Mais les onglets martyrisaient
Et je n'avais toujours rien écrit, ni de la beauté,
Ni du temps arrêté, ni même de mon envie...

Cette envie exhaustive
De piocher in la flamme l'odeur du brûlé
Et d'en faire le récit avec les larmes aux yeux
Parce que mon bras serait terriblement en feu...
Cette envie de dégager le clair de l'obscur
Comme le blanc du jaune
Et de faire des meringues à la feuille d'automne...
Mais les onglets perdurent,
Et il me faut dormir façon coquille vide
De tout bec donné par la grande aventure...

Jeez, je sais pourtant certaines choses très belles,
Des hauteurs de Lisbonne aux métros parisiens nous refaisant la Bible avec ses SDF...
Des odeurs douces du rail quand le cuivre l'embaume aux bouquets unanimes de ces serres chaudes frayées par le g(r)and Maeterlinck et ses mains de jeune homme...
Des peaux de ta poitrine aux peaux de ton visage
Aux peaux de ton sexe aquifère en manque d'une bouche pour soulager sa roche,
Des peaux de ton regard aux peaux de ton plaisir,
Des peaux de ton Edgar aux peaux de ton portrait, ovale, s'ensanglantant de rires...

Jeez, je sais pourtant certaines choses très belles,
Comme l'eau des cascades imprégnant la flanelle
De ces fleurs sacrosaintes jouant de leurs chemises
Tandis que se dénude la lune dans une flaque,
Que singes sodomisent...
Le temps d'ensuite venir et de venir ensuite
Sur le corps d'une nuit blanche
Puisque tu l'es aussi,
Ma ballerine, ma mise, 100 millions sur le rouge que tu portes à tes lèvres
Et cent autres millions sur ce soir où le rêve
Vient faire sauter le manque...
En t'invitant ailleurs qu'en mes contes secrets
Pour te faire revenir auprès de mon estampe
Que seule ton encre crée...

Car j'en ai assez de tous ces croquis, tous ces onglets,
Car je veux avant tout écrire la beauté
Et quoi de mieux que de l'avoir
Si jamais je la veux...?
Cette beauté, ce sprint parmi le merveilleux
Est l'unique victoire que mon coeur réclame
Depuis ce lit douteux...
Du fait de ces fantômes en guise de sommier
Et du fait que j'ai déjà gagné
En faisant gagner Claire face au référencement

J'ai sauvé une beauté
Mille-une autres suivront, telle était l'ambition
A défaut d'embrasser la claire compilation
Qu'était ton or gelé (mais l'avais-je eu déjà ?).

...ô Rusalka...
je les embrasserai toutes
jusqu'à t'embrasser toi
biscuit chaud de la route
Reine de tous mes rois.


Olga Fröbe-Kapteyn - The Mystery of Life



dimanche 21 janvier 2018

A cause et grâce à toi

J'finirai dans une authentique mare de misère éloquente pour dix.
Comme ça, comme un bol de céréales qu'on finit à coups de langue,
Comme une forme de lait qui manquerait de soleil, de sommeil et d'attrait...
Et bue de la goutte une à la goutte millionième sans qu'on s'en émeuve véritablement,
Y'aura bien que les étoiles pour avoir de la peine par-dessus mon cadavre
Et puis pour en fumer les clopes s'imposant,
De leurs cendres naîtront des nuées d'étoiles filantes
Contractant quantité de desiderata, le tout les yeux fermés comme on fait en vacances quand elles vont terminer.
Ces étoiles ensuite auront pour moi des mots savamment étudiés...
Entre la remontrance et l'applaudissement, elles me diront :
"Tu as vécu pareil à certaines de nos soeurs, dans un froid de bâtard permanent et pour l'oeil, unique comme un coeur, d'un seul adolescent t'ayant lu par hasard. Ce gars te découvrant aura cerné de suite que ce que tu vendais comme l'infini brillait par ses limites et qu'il valait mieux que son regard pélerine vers Dostoievski. Alors il lira le maître russe jusqu'à oublier tout de tes chansons stériles...
Ainsi donc ta musique s'arrêtera, et tes rêves de grandeur finiront comme ça,
Comme un bol de boucles ramollies par un lait couleur soie, faussement attractif comme était ton combat. Car tu ne t'es battu que contre ton front gras, crémé de rides et de malheureux choix.
Certes, nous te reconnaissons toutes, une sorte de talent dans l'évitement des routes
Mais à quoi bon les fuir pour les sentes intestines d'inutiles regrets ?
Tu devais sauver le monde et tu te fis seulement, son spectateur le plus impatient d'admirer qu'il s'effondre.
Tu devais faire des hommes tes frères de langage, et des femmes des mers voisines de grandes plages...mais les hommes restèrent des rocs muets et graves alors que les femmes s'asséchèrent telles des taches sur un bloc de kraft...
Ton ambition de ciel et d'éternité noire fut au final
Quelques heures sur Terre à travailler l'espoir...
Tu aurais dû savoir, toi l'enfant dont la tombe tient plus de l'accessoire que du rubis sous l'ongle, que l'espoir n'est pas une matière mais un évaporable, et qu'ici tous on tombe à la vitesse d'une balle.
Que l'homerun est rare et qu'il faut le chérir...
Que l'homerun est rare et que l'amour c'est pire...
Alors au lieu de travailler à l'usine ta chance, tu aurais dû la prendre en joignant à sa hanche
Quelques baisers immenses.
Tu aurais dû, depuis ces nuits où revenaient sans cesse sa figure et ses fesses, au lieu de les vouloir pour chasser ta détresse, construire ces ailes futures aptes à faire de cette femme, non pas une déesse basée sur ta mesure et sur ton drame, mais bel et bien un ange tout ce qu'il y a de plus pur...
Un truc sans sexe mais non sans aventure
Un truc sans sexe mais d'envergure,
Un ange sachant sauter au-dessus de tout mur.
De cette façon peut-être, elle serait revenue,
Cette fois non par pitié mais connaissance du sucre..."

"Le sucre n'oublie pas que c'est ce doux machin qui façonne les champs
Agrandit les grenouilles et trace l'air marin, que c'est lui qui dessine la nuque des printemps
Et ces chevelures blanches courant contre les pins, que c'est lui également qui maquilla la lune
Pour en faire le symbole des passions solitaires et ce sein bouillonnant où tous se sentent bien même quand le sang se perd. Le sucre n'oublie pas qu'il construisit l'arôme à cette heure où les lèvres étaient des poissons morts, et que c'est de son ventre que naquirent la cannelle, les ombrelles et les ports.
N'oublie pas tout cela du sucre et de la race humaine, alors que tu montes en suivant les racines que ton âme promène...
Tu étais un poète, tu seras une étoile
C'est-à-dire une défaite hissant sa grande voile
Vers ce pays des lettres où le flocon s'avale, non pas comme une bête mâchant sa céréale
Mais bien comme une fève où mille frangipanes tressent la couronne du rêve, le diadème idéal
Coiffant bientôt ta tête
D'un soleil magistral."

Les étoiles diront cela et me feront le serf en même temps que le roi
Tandis qu'au-dessus de moi pointeront les étincelles de cette vie toujours belle
A cause et grâce à toi.


Hilma af Klint - The Swan N°12

mardi 2 janvier 2018

The main antagonist (partie 3)

Un art dépassé ou "Du chaud murmure précédant le baiser à celui qui le suit et le glace entièrement."

Semblerait que les roses se soient toutes faites la malle
Et qu'il faille que j'arrête de croire qu'elles recroîtront
Qu'ici de toute façon, la merveille végétale
Ne pousse plus que sous les tombes de nos émotions...

Paraîtrait vraiment que tous les bouquets de rires furent vandalisés, détrempés par le vent et la quotidienneté, par l'archet des pluies activant ce violon, au ventre vide, jouant sans maîtrise dans sa suite solitaire au lit d'un froid d'Arctique et aux fenêtres dont...les vitres forment des visages tristes autant que cette musique.

Se répandrait la rumeur que le souvenir ne pourrait se relever, ni la flamme revenir, et que les amours blessées seraient de ces amours au coeur de porphyre, et qu'il n'y ait plus rien pour faire de la roche une lave et d'un coup de routine, une déchirure peu grave...

Se raconterait même partout parmi la ville que j'étais devenu fou, à voir en celle-ci des signes de beauté, tant les rues après tout s'étaient vues vérolées par la disparition de nos mains assainies, mains de savons et de lavandes, mains de ces cieux d'Albion où le soleil bande, à l'aide de ses doigts saisissant les nuages, l'arc blanc de la lune éclairant nos outrages...

Se dirait aussi que ces voyages, finalement, n'étaient que des sauts de puce, les ferrys de ces barges d'une taille de nénuphar, quant aux airbus, rien que des ailes taillées dans le papier d'une feuille d'écolier dérisoire...

Minimes les voyages donc, qu'ils disaient, et minime également le poids de nos baisers...

J'avais l'impression de coudre au fil de soie deux univers lointains, de ramener vers moi, et les mers et les liens qu'elles tissaient en-dessous avec ce gros oeuf d'or qui nous avait pondu...quand lassé de son rien, la Terre avait vécu et nous avait fait naître, chacun, sur cette planète afin qu'on s'y rencontre et que nos lèvres croisent, en un contact humain, le chemin du bonheur et la route du bien, l'équilibré sentier que nos commissures jointes, à la façon des galaxies percutant les étoiles, doucement permettaient...

Mais non, manifestement, c'était pas tellement ça mais quelque chose de moins impressionnant, genre deux escargots collés l'un contre l'autre sur le perron d'une boue bientôt les enterrant...

Se murmurait en fin de compte, que notre amour qu'avait su faire les roses - ces mêmes roses désormais partout fanées d'ailleurs - cependant que déjà, à cette époque-là, les roses n'existaient plus que dans les cinémas...il se murmurait donc que notre amour n'en fut pas un du tout et que s'il était fou, c'était de ce chagrin qui nous rendait malade à chaque nouveau jour...

Comme il semblerait, à l'heure de dire les choses, que trop de différences paissaient dans notre union et qu'à force de paître, ce mouton de fiction est devenue une bête dévorant chaque rose et chaque expédition.
Comme il semblerait, qu'aucun de nos baisers n'ait su l'abattre au fond, cette bête dont les pattes agitaient sous nos yeux la date de notre péremption,
Comme il semblerait que cette bête court toujours, malgré les illusions que je te porte encore et ces coups de fusil trouant l'arbre du soir, à défaut de son corps, tandis que du tronc noir s'échappe des lucioles identiques à tes ors...
Comme il semblerait que nul ne puisse la tuer cette bête nous tuant, et faisant de nos vies des lèvres séparées, comme des étoiles par les planètes violemment percutées finissant déchirées, telles de la toile de soie sous le joug d'une dent.
Comme il semblerait que cette dent continue son poison, en traçant des distances entre nos horizons, des distances voire des saisons, car tu vis en l'été quand je vis dans le ressassement, de ces sentiments sans précédent, sans futur non plus...
Souvenance d'un onguent accouchant d'une brûlure
Impossible à traiter...
Il semblerait que je t'aime vraiment, du moins, que je t'ai vraiment aimé,

Alors qu'importe les ragots et les désespérances et qu'importe ces roses aux couleurs absentes, car je sais la couleur et sa proéminence, depuis que j'ai pu boire à ta bouche un sommet, et d'eau et d'élégance, et choir en ton bouquet comme on choit dans l'immense d'un rêve qui, en t'embrassant, devient une évidence,..

Bien qu'il soit paraît-il, à l'instar de ces rimes, un art dépassé (voire un art du silence...
Chantant partout la même traversée
Des fixes eaux que tu laissais pour la recrue des sens
Et d'autres Nothomb niais, écrivaillons unitesticulaires *, boréales jouissances
M'ôtant toutes mes chances dans un bouche-à-bouche bée
Alors que je me noie et qu'à toi seule je pense.)

* ou pire encore d'imberbes musiciens 

Alphonse Allais* - Des souteneurs, encore dans la force de l'âge et le ventre dans l'herbe, boivent de l'absinthe


* souvent ses plats

lundi 1 janvier 2018

The main antagonist (partie 2)

Déchaîné finalement

La vérité, sur Terre, c'est que la solitude m'a toujours embrassé
Et qu'il y eut, au cœur-même de mes grands moments de joie, niché toujours l'épine d'une douleur sans pareille.

La vérité, c'est que je suis né de l'infinie tristesse de parents tristes et violents, que mon corps fonctionne un jour sur deux seulement et que je rêve davantage d'homicides que de naissances d'enfants.

La vérité, c'est que j'ai cru en l'amour comme en la sainte Vierge, comme on croit également quand on est en jeunesse que c'est dans le vitrail que dort le soleil. Je vous ai toutes vu, comme ce vitrail, d'un bleu de sein et d'un rouge méthodique, sans voir que cette vitre teintée n'était qu'un fin écran vers l'infiniment.

La vérité, c'est que j'ai suivi toutes celles que j'ai aimé à la façon des chiens, donc en tirant la langue et en léchant ma laisse, sans jamais trop chercher comment l'on se défait de telle chaîne épaisse.

La vérité, c'est que le sentiment amoureux m'a fait perdre l'orgueil, l'amitié et l'argent, qu'une vie détachée me présentait pourtant.

La vérité, c'est que je me suis empressé de prendre tous les trains, toutes les navettes et tous les océans, en me disant que ces voyages étaient ma raison d'être, alors qu'être n'est rien quand meurt l'indépendance du cœur et de la tête.

La vérité, c'est que j'ai pensé bien faire, en sacrifiant l'ensemble de mes priorités sur l'autel des siestes et de la chair.

La vérité, c'est que je faisais mal, tant et tellement qu'évidemment ces femmes ne pouvaient qu'être lasses, de ce chien que j'étais, c'est-à-dire chien sans race qu'elles promenaient doucement au bout de leurs poignet comme une plaie dégueulasse.

La vérité, c'est que sexuellement, j'étais nul, nerveusement idem, sans parler de mon goût pour la vue des problèmes.

La vérité, c'est que je craignais tant de perdre celles que je pensais avoir glorieusement trouvé, que je devenais très vite un minable ministre aux exigences dignes de celles d'un martinet.

La vérité, c'est que j'étais une croix pour ces dos de jeunes femmes ayant tout sauf envie de finir crucifiées sur le mont Golgotha d'un amour transi.

La vérité, c'est que j'aimais seul, pour moi et la beauté que vêt généralement, la romance, le roman écrit à quatre mains à l'encre d'or des amants.

La vérité, c'est que j'étais épuisant, à vouloir revivre avec frénésie ces passions que les livres avaient si bien écrites.

La vérité, c'est que je vivais des amours petites, dans un monde inférieur et sans magie puissante ailleurs que dans l'édit de sonnets irradiants dont me manquait toujours le tercet salvateur...soit trois lignes de sang aux rimes réciproques et à l'air enchanteur.

La vérité, c'est que je m'enchantais plutôt à la toxine, c'est-à-dire au poison qu'est le poème du couple dès lors que l'assassine, les jalousies et peurs.

La vérité, c'est que je reprochais sans arrêt à ces femmes de ne pas avoir su, tout de suite, sauver toute ma vie ni transformer la nuit qui débauchait mon crâne, en ces étoiles filantes rendant les voeux permis.

La vérité, c'est que j'ai fait souffrir à l'aide de ma tendresse davantage qu'attendri à l'aide de mon spleen, n'ayant vu que la ruine en matant les montagnes et le rhume en ces bruines imitant le champagne...

La vérité, c'est que j'avais peur tout le temps qu'on m'abandonne et me rejette, au point qu'on m'abandonne, au point qu'on me rejette.

La vérité, c'est que je m'y suis mal pris en m'éprenant ainsi, au contraire de ces hommes nettement mieux établis qui savent que l'amour doit tenir du futur et non pas de l'oubli.

La vérité, c'est que partout, sur tous les continents, j'envoyais mes baisers comme des lettres d'adieu, comme des pressentiments, et non comme des feux le feu réinventant.

La vérité, c'est que je ne sais de l'amour que toute mon ignorance, et de la femme que son retentissement, sans m'être intéressé jamais au divin épicentre d'où venaient toutes ses danses...tous ces aboutissements, sincères et vraies, de vos intelligences ayant eu le courage de me donner une chance en plus de votre temps...ayant eu le courage d'aimer un peu un homme ne s'aimant pas lui-même et de lui indiquer, depuis votre vitrail, où dormait le soleil...ayant eu le courage d'embrasser et mes lèvres et la nue solitude ourlant ces rubis blêmes...ayant eu le courage de croire en moi avant que je ne crois, en l'existence, natale, de ma foi.

La vérité, c'est bien que je vous aime, chères femmes ayant eu le courage d'un jour me quitter afin que puisse s'écrire la suite du poème.

La vérité, c'est bien que je vous aime, chères musiques et chères chambres ayant eu l'obligeance d'élever mes oreilles ainsi que tous mes membres.

La vérité, c'est bien que je vous aime, car vous m'avez fait voir l'emplacement du soleil et qu'il était caché, comme tout ensoleillement, à l'ombre de cet arbre inspirant la confiance.

La vérité, c'est bien que je vous aime, car vous fîtes de mon cœur - en me le redonnant - une pièce d'argent où dansent à présent, et les reflets du ciel et ceux de l'océan, déchaîné finalement.


Alphonse Allais* - Stupeur de jeunes recrues apercevant pour la première fois ton azur, ô Méditerranée 


* mais où ? Nous l'ignorons.