vendredi 31 août 2012

Nombreuses sont les défaites, perdues sont les aurores, mortelles sont mes visions

Une cohorte d'être-vivants exsangues et impolis, tous réunis pour une même mission et guidés par un seul. Leurs visages sont grossiers, leur langue est limitée, quant à leurs activités, elles furent étudiées pour les éloigner au maximum des saveurs véritables.

Ici tout n'est qu'affaire d'images et de sons, et cette mère qui, je le vois, essaie de sécher les pleurs de son enfant, n'use plus du murmure ou de la belle caresse mais allume simplement, un tout nouvel écran.
Non loin d'elle l'on trouve des amants, apparemment jeunes et beaux au sens commun du terme, la salive semble être la dernière chose qu'ils soient encore en mesure d'échanger, tant ils paraissent taiseux.
La féminine partie de ce couple muet tente bien parfois d'engager un dialogue mais l'homme, casque à bruits vissé sur les oreilles, ne bronche pas du tout.
Alors, la jeune femme ferme ses yeux, se blottit contre sa moitié avant d'appeler, fort amèrement, quelque Morphée de ses voeux.

*

Tous et chacun cherchent à se distraire par une infinité de façons, comme si l'immobilité et la contemplation, étaient devenues des puces, une poignée de mites incrustées au revers du tissu dont il faudrait se défaire peu importe le coût.

Je ne sais pas si la joie se cache là-dedans, je ne sais pas si la joie, son accomplissement, peuvent s'extérioriser sans passer par les autres. L'écran n'embrasse ni n'enseigne, l'écran est une sorte d'aquarium où coule l'eau de Léthée et avec cette eau-là, on arrose les fleurs ou étanche, malhabilement, la sèche bouche des nouveaux nés.

A tel régime le risque est grand, de faire de la nature un terrain de poussières, de faire des esprits un socle bien éduqué mais aux paupières scellées. Sachons chanter sous la pluie sans l'appui de Kelly et marcher sur les astres sans l'aide apollinaire. Pour cela rien de plus simple, il suffit de se désintéresser et d'observer gratuitement toute chose, d'aller vers la découverte plutôt que vers l'acquis et de se taire afin de questionner notre battement de coeur.

Bien sûr il faut aussi penser sans aucune idée de possession, soustraire tous ses soucis enfantins, d'argent ou de succès, qui nous obsèdent en vain. On ne possède rien que la vie et la seule chose intéressante à faire avant la fin, c'est aimer. Alors vivons et aimons, enfin.


P-S : Cette masse humaine décrite en préambule est celle du train que je prends - à destination de Marseille - pour aller là où dort l'amour. Là où dort cet amour dont je rêve la main.


Edward Hopper - Chair Car

vendredi 17 août 2012

Conjonctivite et chat errant

J'ai un chat et je l'aime, que ce ne soit un secret pour personne. Je ne connais pas exactement sa race, comme je ne connais pas non plus le nom de la capitale birmane, il n'empêche, il est beau. Enfin, il l'était. Mon chat est en effet du genre bagarreur et malheureusement, il est plutôt mauvais. Ce qui fait qu'à douze ans, il est désormais borgne, maigre, et a le pelage pauvre.

Mes parents et moi le nourrissons encore convenablement mais de toute évidence, son décès n'est plus qu'une question de mois. Si bien qu'aujourd'hui, à chaque fois qu'il sort s'aventurer, c'est comme s'il rejoignait pour moi l'étui de Schrödinger. De fait, je ne sais jamais dans quel état il va me revenir et j'espère souvent, à vrai dire, qu'il ne me reviendra pas, qu'il s'évanouira dans la nature et non pas dans mes bras, après avoir poussé un miaulement soupirant.

L'article de la mort, qu'il éprouve et écrit, je le veux fait divers, petite annonce perdue plutôt que gros titre ou dossier en pleine page. Cela serait un homme, qu'il meure sans me le dire, cela me rendrait fou mais pour ce beau félin, je désire cette fin-là. J'aurais alors tout le loisir et non l'angoisse d'imaginer qu'au lieu de l'arme à gauche, il aurait déposé les siennes aux jolis pieds d'une chatte, sacrément élégante, avec laquelle il coulerait une poignée d'années d'amour renversant.

Je ne veux pas l'enterrer, lui qui fut si vivant, lui qui, lorsque j'étais blessé, s'amusait tant avec mes bandages, lui qui la nuit, grattait contre ma porte avec le fol espoir de ronronner un peu dans mon plumard. Ce chat que j'ai caressé infiniment et que j'ai même soigné dans la foulée de ses premières défaites, lui enseignant ensuite quelques mouvements de self-defense, en vain apparemment...
Ce chat, je ne veux pas qu'il meure, je veux qu'il disparaisse, loin, très loin, là où tout est possible, surtout la vie.

Surtout la vie et ses quelques caresses sur le cou qui lui faisaient lever la tête, lui donnant l'air fat des empereurs égyptiens.


Michel - Affiche pour le Faust de Murnau



mardi 14 août 2012

Vers la rue d'Idalie

C'est là, tout près du bois de Vincennes, que tu es né.

J'étais épuisée alors, ma tournée européenne semblait sans fin, je prenais des trains pour l'Allemagne, des avions pour l'Espagne et des taxis aussi, par milliers. Mais celui-là tardait. Il devait me conduire au vernissage d'un ami - un peintre sans talent que je connus à Londres par une soirée d'ennui - réclamant ma présence, en tant que clou du spectacle. 

Je n'ai pourtant rien de spectaculaire mais que veux-tu, les vieilles croyances ont la peau dure, les gens persistent à croire que les écrivains qui les passionnent tant sont, en eux-mêmes, des êtres passionnants. Quelle regrettable erreur ! Certes, des hordes de lecteurs furent apparemment séduites à la découverte de mes magiques histoires mais ça n'a pas modifié la femme que j'étais, ni cette cruelle timidité que j'ai fait mienne depuis ma tendre enfance. 

J'ai toujours eu un peu peur des autres, et même aujourd'hui, même devenue multi-millionnaire et reconnue par tous, je me sens curieusement faible, comme si tous ces succès n'avaient pas effacé la fille triste d'autrefois. Alors pour le clou du spectacle, on repassera, à part si ce clou scelle un pénible cercueil.

Oh, je ne manque assurément pas d'humour et puis de répartie, tant qu'on me demande de m'exprimer en petit comité. En face à face, je suis la meilleure du monde, devant un amphithéâtre plein en revanche, je me sclérose maladivement. A croire que la foule, pour moi, a tout d'une Eurydice...

Il faisait chaud ce jour-là, je m'en souviens très bien, et j'avais la chance, rarissime ces temps-ci, d'être complètement seule. 
J'attendis dix minutes sans que le taxi vint, à la onzième, ma poche vibra. Comme je détestais ces vibrations ! Elles avaient prises, à mesure que ma célébrité croissait, des allures de rappel à l'ordre, de ces rappels à l'ordre hurlés sèchement par quelque geôlier nous surprenant, les yeux levés au ciel tandis que nous travaillons, les pieds liés et dans la neige, à couper du petit bois pour le foyer du général en chef. 

Bien décidée à m'évader pour de bon, j'éteignis mon téléphone, disparaissant par la même de tous les radars environnants, retrouvant également mon anonymat et toute la liberté qui s'y était mêlée. Peu après, abandonnant la borne où le taxi comptait me prendre, je me retournai et vis cet écriteau " vers la rue d'Idalie " et, dans son prolongement, une poignée d'hommes s'adonnant à un jeu de boules que je ne connaissais pas. 

C'est là, je le répète, que tu es né. Parmi ce sable où échouaient avec précision de lourdes sphères ferreuses, parmi ces rires étouffés que les joueurs faisaient après chaque lancer, réussi ou raté. Naître sur un terrain de boules, c'est assez  surprenant j'en conviens bien mais je ne l'ai pas choisi. Dans le calme estival de cette fin d'après-midi, je t'ai créé, Cédric, presque malgré moi, sans doute parce que tu me trottais depuis longtemps déjà. J'avais ton nom, manquait ton caractère, manquait ta destinée.

Pour enfin les définir, l'intervention de Cho fut décisive, le reste ensuite, coula de source. Du jeune homme excellent, objet de maints désirs et de maintes jalousies, de celui qui flirtait avec l'arrogance jusqu'à l'allié solide, jusqu'à l'ami, de tout ça jusqu'au martyr exemplaire que tu finirais par être, l'ensemble se régla vite.

Cédric, pardonne-moi, à peine t'ai-je donné la vie que je te l'ai reprise, pardonne-moi vraiment. Où que tu sois maintenant, ne va pas croire que tu fus un simple effet de manche car dans cette après-midi, j'ai préféré ta compagnie à celle de tous les autres, tu fus mon ami toi aussi, un instant de paisible clarté dans cette folle existence, digne de l'horlogerie, que je traverse au jour le jour avec maladresse.

C'est pour tout ça Cédric que je te remercie et après tout, la mort n'est peut-être rien qu'un Portoloin de plus alors j'espère, du fond de mon coeur que celui-ci, t'a mené vers un lieu où les vifs d'or sont lents et les joies multitude. 

Avec toute mon affection,

                                                                                        Joanne Rowling




jeudi 2 août 2012

Idol Collapse

On m'a vite oublié. Un discours poignant, quelques articles dans la gazette, peut-être une carte à mon effigie et hop, à la trappe. Mes parents ont dû certainement verser toutes leurs larmes, une par une, jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus. Ensuite ils ont, au temps passant, sûrement fait leur deuil. Ils ont pu compter sur le soutien de leurs amis, de leurs amants, sur d'autres mots réconfortants prononcés par Albus. Sur le soutien de la vie avant tout.

La vie est un grand mouchoir, elle parvient à résorber toutes les destructions, du chagrin d'amour à la perte d'un fils, peu importe si ce fils fut le meilleur attrapeur de son école pendant plusieurs années, peu importe si ce fils a toujours été parmi les premiers en Tout, il suffit d'un grand bonheur ou d'un malheur encore plus grand, pour qu'on l'oublie ce fils et donc qu'on m'essuie, vulgairement, comme un simple souvenir. 

J'avais pourtant fait ce qu'il fallait...élève brillant et sportif accompli, je m'étais également forgé un sérail important parmi la foule vive de mes admiratrices. Mais, ne souhaitant pas jouir rien qu'en tendant la main, je m'étais refusé au plaisir de la chair, espérant une rencontre avec une âme rétive à ma galerie de charmes.

Cette âme contraire, ce fut Cho, atrappeuse comme moi mais d'une autre maison...
Cho Chang. C.C. mon opium, pire, ma thébaïde ! Dire que je ne la reverrai plus, ni ses yeux d'encre, ni ses lèvres puissantes comme des mains, ni cette façon particulière qu'elle avait de sans cesse m'humilier publiquement, en me rabaissant avec humour, moi l'enfant prodige, au rang de sorcier ordinaire. 

J'aimais cela plus que tout, Cho n'était pas en admiration devant moi mais elle me respectait, c'était bien mieux qu'un fade fanatisme, le respect, la considération....car elle me considérait non pas en tant que futur grand mais en tant que petit enfoiré.

Elle savait que j'étais un petit enfoiré. Et elle avait raison de le savoir, je ne valais pas mieux que la plupart de mes camarades, oui ma robe n'était jamais sale et toujours lissée, oui ma baguette valait son pesant d'or et mes balais étaient changés, année après année, par des modèles plus modernes et affûtés. Mais au-delà de tous ces apparats, au-delà du gris perçant de mon regard, de ces bulles d'eau torves qu'étaient mes yeux, il y avait un raté, un très bon atrappeur mais un sorcier médiocre. 
Parce que quand même, pour se faire tuer par Queudver, il faut le vouloir ! 

Je me demande comment Harry s'en est sorti, oh bien sûr qu'il s'en est sorti, c'est Harry, il s'en sort toujours, il n'a aucun charisme et aucun talent spécial mais il s'en sort toujours. C'est facile en même temps, si j'avais moi aussi été le fils d'un couple légendaire, je serais encore en vie à l'heure qu'il est...foutu Coupe de Feu ! 

A SUIVRE !