dimanche 22 août 2021

Réplique

Encore une nuit dans la lumière


Après trois semaines de pure grisaille qui auraient dû être les miennes mais qui, comme toutes les portions temporelles, sont tombées dans le bec des autres... dans la gueule irréelle des vacanciers réussissant... Je vais demain matin (en vérité aujourd'hui même) retâter des disgrâces et des compromissions chaleureusement encouragées en réintégrant l'univers du sacrosaint travail ; je vais me recaparaçonner de politesses feintes afin que mes supérieurs hiérarchiques puissent sans trop d'effort éperonner mes flancs mous ; je vais regrimper ces seize marches de fer, rouvrir ce rideau magnétique, rallumer ma machine, rasseoir mes fesses de plus en plus en proie aux crises (gazeuses comme hémorroïdaires), ranimer les mêmes discussions flasques avec les mêmes tel ou telle collègue ayant eux aussi vieillis de trois semaines sans pour autant changer. 

Car oui, ils seront là !

On aurait pu penser que trois semaines de réflexion suffiraient amplement à ce qu'ils fassent le constat du caractère intrinsèquement mauvais du salariat tel qu'il est pratiqué partout sur la planète (qui consiste, en gros, à demander à un être humain de se figer derrière un écran puis de tenir bon durant la période de temps - généralement 540 minutes - réclamée par l'employeur) et qu'au bout de ces "vacances" assurément instructives des mouvements sociaux se lanceraient organiquement avec pour but de bousculer l'ordre établi (ou du moins de gratter une semaine de congés supplémentaire). Mais non, demain, aujourd'hui, ils seront tous là comme moi, malheureux mais fidèles. 

Ils seront là et me raconteront des plages dont ils regrettent le sable, sable qu'ils espèreront repalper un poil grâce à la nécromancie du souvenir. Sauf que dans les faits, ce sable est déjà derrière eux et qu'il l'était dès lors qu'ils quittèrent la plage et remisèrent - tête basse - leurs serviettes au placard. 


Nous ne sommes que du présent et ça me terrifie.


Dans la lumière, dernière nuit. 

Füssli - Lycidas




jeudi 19 août 2021

Mais les soleils aussi font d'horribles cauchemars

La nuit venait d'avoir / raison de mes deux yeux

S'égrenant dans le noir / le chapelet sans croix 

Priait un autre Dieu  / que celui de la Loi

Et moi j'entendais tout de sa récitation... 


Des hommes heureux se trouvent y compris de nos jours 

Ils ne sont pas nombreux mais ils sont parmi nous 

Dans les transports, les parcs, on les croise partout

Sans pour autant les voir, comme on le fait d'amour 


Comme on le fait du soir se brisant tel du verre

En morceaux de minutes impossibles à ravoir.


*

La peau clouée par-dessus l'âme,

- Rivetée par un génie, un maître de son art -

J'étouffe et mon esprit ne peut que se débattre

Au bord de l'insomnie. 


... Quand je pense qu'à l'heure où je pense mal 

Des milliers de garçons et des milliers de femmes

Voguent sur des eaux somptueuses,

Je penche vers le canal 

Où mamie Ludmila eut l'idée de s'asseoir. 


C'est notre grand problème

Que de ne pas savoir 

Faire des choix positifs 


Que ce soit dans ma famille

Ou plutôt dans la vôtre 

La voie héliotropique n'a plus du tout la cote.


La nuit de son côté s'accaparait Dieu-même

Puisqu'on priait son frère depuis cet escalier

Autrefois une échelle...

Et qu'il n'y avait personne afin de le faire taire.


... Me crever les tympans et ces beaux yeux qu'ils bercent ?

Je vais dormir en vrai

Faire genre que je m'en vais visiter l'univers

Et que huit heures sans lui m'auront bien reposé.


Lui ne se repose pas.

Lui récite et se vexe que je n'aime que toi (c'est-à-dire moi beaucoup)

Mais ne sois pas jaloux 

Car je ne suis qu'une ex bientôt laissée sans le sou...

Excepté aux paupières,


Excepté pour passer

Là où vont les prières,


Excepté pour le trou.


*


La nuit venait d'avoir / raison de mes deux yeux

S'égrenant dans le noir / le chapelet sans croix 

Priait un autre Dieu  / que celui de la Loi

Et moi j'entendais tout de sa récitation...