jeudi 12 décembre 2019

Fingers to the bone

Je déteste les siestes.
Трогательно и прекрасно настолько , что больно слушать...

Ce sentiment d'organique incurie lorsqu'au sortir d'elles-ci tout paraît bafouiller.

Vraiment je les déteste. On a déjà suffisamment mal au crâne comme ça pour pas se taper en plus cette irruption pâteuse.

Cela étant dit, ce jour-là, c'était plutôt mon rêve qui était à blâmer.

Certes, se réveiller groggy relève du comble comme de mourir étouffer par une fève au tout début janvier...

Certes, la désorientation...


Mais restons sérieux cinq secondes,
Les rêves sont plus dangereux que le reste.

Les rêves sont capables du pire.

Mourir dans son sommeil, c'est mourir du rêve.

Le mien, de rêve, venait de loin et j'ai mis du temps avant de le comprendre.
Il fallait le rejoindre.

MA VIE SONNAIT TRISTE, AUSSI, JE DOIS L'AVOUER.

Les Saints dorment autrement.
Les Agissants n'ont même pas l'occasion d'une imagination.

ILS RONFLENT INFINIMENT, tranquilles.
C'est à peine si parfois l'impression de périr les frôle, les effleure, leur souffle son fol La.

Il faisait noir dans mon rêve et ce intégralement.
Et des bruits, des grattements, se faisaient vaguement entendre.

Je ne savais absolument pas où j'étais.
Ni si j'étais moi-même.

Ni si... je... pouvais bouger.

DES FORCES BOUILLAIENT BIEN
MAIS IMPOSSIBLES 
POUR MOI 
DE FAIRE QU'ELLES M’OBÉISSENT M’OBÉISSENT
JE RESTAIS                        là

Seul. Seul dans les grattements et le noir intégral.

Des coups enfin brûlèrent au-dessus de ma tête. Je ressentis l'action d'un groupement humain. Seraient-ce mes sauveurs ? Athlétiques plongeurs venus me repêcher du mazout utérin ? 

Deux ans déjà que je ne travaillais plus. 

Deux ans...

Un nombre grandissant s'inquiétait de ma situation. 
On évoquait ma paresse. 
On sous-entendait, idem, mon inadéquation. 
Mais pas dans le sens que j'aime. Non. 
En fait, ils pensaient tous que j'étais fou... ou sur le point de l'être.

Pourtant j'étais semblable à la plupart peut-être.

Les coups s'arrêtèrent. Brusquement un silence... Une minute ? 
Et les coups de reprendre. 
Quelle agressivité !

On devait m'en vouloir de ne pas avoir su 
Ce qu'ils n'ont pas su 
Eux-même réaliser. 

On me prêtait leurs regrets.

Bientôt l'obscurité, après avoir tremblé, se fendit çà et là, découvrant des triangles, des lanternes d'urine, signifiant certainement l'apparition du jour.
Je ne bougeais toujours pas. 
Atermoiement d'atermoiements, seuls mes cheveux se déplaçaient encore, un peu mes ongles aussi. J'étais un rémanent. Une viande prise dans du verre.

Enfin entièrement éclata le couvercle. 

Cinq personnes en sortirent.
Quintet à ma rescousse ! 

Bien sûr que j'en voulais à mes parents. Qui d'autres ? Les voisins n'ont rien fait le plus généralement. Tandis que mes parents... Je dis pas qu'ils m'ont buté mais bon voilà. On ne devient pas moi sans un coup de pouce quelconque. 

C'étaient cinq enfants tout à fait ordinaires.

Le sourire aux lèvres, ils m'extirpèrent.

Quel genre de soins prodigueraient-ils ensuite ? 

Ils m'arrachèrent mes vêtements. 
J'entendis le son d'un bracelet qui se brise. 
Puis je vis des yeux au-dessus des miens, remonter et descendre. 

D'abord des bleus, puis des verts, puis des sombres. 
Je ne ressentais rien mais je captais les craquements, les remuements et les salivations.

Quand le dernier eut terminé, il m'écarta et j'en vins à rouler sur le flanc.

Ce que j'ai vu alors ? Un cercueil, le mien. 

Ce que j'ai senti ? Je ne sentais plus rien. 

Ce que j'ai entendu ? Des rires d'enfants, partout...

Ils faisaient la même chose... 

Dans tous les pays, des villes aux champs, tous les enfants du monde faisaient la même chose : ils déterraient les mortes et les morts pour les voler et les violer jusqu'à ce que ça sorte. 

CE N’ÉTAIT PAS PAR VICE
C’ÉTAIT PAR TENTATION
DE VIVRE FOLLEMENT 

SA VIE

AVANT LA CRÉMATION

Il faut bien s'amuser...
Faire quelque chose...
Quand le temps presse...
Et que ce qui s'y propose
Ressemble à la détresse.

Alors ils détroussent les cadavres et les baisent. 

Tel était donc mon rêve                                                                            (ou ma prémonition ?)




Jaroslav Panuska - Le moulin du Diable




vendredi 6 décembre 2019

Cycles

S'agirait de commencer à comprendre comment fonctionne l'astre.
Déjeuner de fruits froids n'est pas recommandable.

Ma mère, ce jour-ci comme tous les autres, meurt un peu.
Je verse le lait dans le thé chaud et de minces étincelles flottent au-dessus du liquide. On dirait des moucherons. Et derrière moi il y a cette fenêtre depuis laquelle s'écoule une rue et dans cette rue passent des voitures. Ces véhicules sont conduits par des hommes et des femmes qui ce jour-ci, comme tous les autres, meurent doucement aussi.

Au square ont lieu pourtant de grands préparatifs. Sous la terre, invisibles, des nations de matières fabriquent, copies, impriment, des effigies dansantes. Celles-ci dans quelques mois au bal seront portées et dans le regard susciteront des choses, des emballements, des envolées. Ce sont les fleurs que l'on prépare, résurrection des roses et de leurs majestés.

Il faut avoir en tête que l'autre, même s'il diffère, même s'il s'insère effroyable souvent dans le détail de nos journées, transporte tout autant de douleurs et splendeurs que l'on pense en transporter. Nous ne sommes pas seuls à follement rêver que l'épiphanie vienne ou bien qu'elle se confirme. Nous ne sommes pas seuls à douter et douter de la forme d'un rire, à mal interpréter, à supposer, s'enduire de cette encre fragile qu'on présente en dureté pour ne pas s'évanouir et ne pas inquiéter. Nous ne sommes pas seuls à sentiments mentir, à passion reléguer au rang de la broutille pour que l'absence puisse être un mal résisté. Nous ne sommes pas seuls à secrètement aimer, secrètement souffrir, secrètement mourir par crainte d'exister.

Nous ne sommes pas seuls... seuls, désemparées orties désirant une hostie au goût d'abricot frais.

Des milliards d'êtres humains actuellement cultivent, à l'ombre d'envies simples et mûrement programmées, des soleils chauds et vifs. Ces étoiles qu'ils choisissent ont fréquemment l'aspect d'un visage émotif, touché parce qu'on le touche et dont la bouche riche parle comme le vitrail lorsque, l'après-midi, le cramoisi, le rouge, en repeint les motifs au point qu'ils paraissent animés et sortis du verre qui les pressent. Comme si l'encre quittait sa carcasse passive et que son sang giclait en des feux d'artifice, en des saints expressifs qui lassés d'avertir s'ivreraient d'une gigue violente et magnifique arrachant les aiguilles des tours d'Apocalypse. Ils remueraient l'Amour afin qu'il envahisse les nappes phréatiques, que le printemps avance et que pas en avril mais à la mi-décembre, tout contour s'éclaircisse.

C'était ça ce baiser qu'ils s'imaginaient tous - soit qu'ils le connaissaient, soit qu'ils l'avaient connu - l'éclosion prodigieuse d'une Cantabrie nue dans une Bruges triste et l'impression qu'alors ils empruntaient la rue, ce n'était pas la mort mais la vie qu'ils portaient, un précoce bouton d'or tel celui qui s'ouvrait dans ces cérémonies aux luxuriants décors, miroirs, étoffes, gravures et chandeliers, où ils esquisseraient ces dessins de phosphore que les murs garderaient.

Ceux-ci ensuite, un siècle ou deux plus tard, sauteraient de leurs socles, inonderaient de couleurs les territoires proches jusqu'à ce que grotesques, le labeur et l'effort, fassent jaillir du sol une identique fresque. Et les fleurs et les bois, portraits d'une même goutte de liqueur de poire, inspireront aux passants des clameurs d'espoir.

On en fera des poèmes de ces hurlements-là, de quoi narguer l'hiver, savourer les fruits froids.

Et ma mère, si elle meurt, sait au moins que je l'aime
Et que ça restera.


André Evard - Les tournesols





mardi 26 novembre 2019

Visage de Mars

Une forme difficilement identifiable se tenait à côté de ma mère.
Les yeux tirés, dramatique, elle avait la couleur du vin de messe.

J'avais seize ans... 
Une vaste étendue d'herbes soufflées, piétinées çà et là de racines, donnait aux citadins un extrait du regret. 
Qu'on me comprenne, je n'avais pas envie d'assister à tout cela ! 

*

J'avais toujours aimé l'odeur de brûlé des ampoules trop chaudes et ces carrés aléatoires, cadres légers et jaunes, s'inscrivant dans la pierre tandis que je me rendais chez elle. Elle, l'odeur de brûlé suprême, c'est-à-dire le parfum préféré, meilleur encore que les jardins humides ou que ces devantures harmonieuses de fleuristes lorsqu'avril est en fête. C'était difficile de lui parler pourtant, et de la voir aussi, elle avait eu mille vies avant de me connaître. Moi, j'en saisissais des bribes et pas les plus amènes : d'anciens petits amis d'une grande tendresse dont je ne savais jamais ce qui les conduisit à ne plus la satisfaire. Si j'avais su, j'aurais pu, peut-être, éviter certains pièges...

Mon obsession envers la perfection, la fluidité totale, ayant été souvent la cause de ma perte, je ne pouvais pas vraiment lui en vouloir. Sans doute mes errements étaient-ils nécessaires. Elle devait deviner combien je l'attendais... mais comme vaine serait la patience insincère... et comme il serait bête au lieu d'aimer de plaire. 

*

On aurait dû de ça en mourir déjà ! Mes mains, mon maillot munichois (extérieur 1995-1996) mais surtout une quantité non négligeable de briques blanches vaguement cartonnées... toutes noires ! Nous mourrons tous tellement bientôt. A l'instar de ces livres que l'humidité a prestement vieillis... Dans le lot il y avait quand même un Dracula d'origine, la correspondance entre Joyce et Nora et puis, sacrilège d'importance, les Sonates Cartésiennes de William H. Gass...

Je me sais atteint d'apophénie chronique depuis pas mal de temps mais quand même. Il y a cinq ans de cela, j'avais écrit un texte contant ma relation avec Nosferatu (petite amie de l'époque et génie dans son genre), texte entamant une sorte de correspondance (unilatérale) avec Gass précisément au sujet, en plus de l'amour, de ses Sonates Cartésiennes et d'écrits que je pensais perdus. Coïncidence pur sucre ! Je n'irai pas jusqu'à croire que la Bohème qui me coule dans le sang - merci maman - m'a doté d'un talent pour la divination car je me sais voyeur davantage que voyant. Mais quand même...
Certains signes me vouent à la perplexité.

*

Trois Fausts aussi furent touchés dans cette catastrophe terreuse et résurgente : La Première Partie en français, rentrée dans un mince volume vert ; la Première Partie encore mais en allemand cette fois et dans un volume rouge ; et celui de Valéry, énigmatique et beau. Trois fois Faust enterré. Heureusement, l'étrange version donnée par Pessoa est quant à elle intacte... parce que je l'ai perdue deux ans plus tôt, dans le métro new-yorkais...

Je m'en souviens. J'allais alors sous la terre presque quotidiennement, de Long Island vers Manhattan, et je lisais, histoire que le temps passe et que je ne songe pas trop à quel point il était insensé de circuler ainsi sous la masse de l'Hudson, les yeux vaguement ouverts les lignes de Caeiro. Je lisais ça et des passages du "Meneur de Lune" de Bousquet. Je n'en comprenais rien sinon un sentiment de damnation jouasse. Comme si Faust comme Bousquet étaient contents du diable.

Faust, détruit mentalement, et le poète de Carcassone, découpé physiquement, des lambeaux immobiles, tous deux ravis du maléfice...

Sans doute parce que le diable restait la seule personne susceptible d'aider et de promouvoir au fond de leurs couloirs interdits, la venue d'une femme.

Visiteuse Marguerite, visiteuse à cheveux blancs, à chapeau fin, étoffes courtes, nimbée chacune et respectueuses, au-delà du réel, des affligés croupissant là. Que de valeurs faut-il pour veiller les vieillards et les paralytiques ! Diable ou pas diable, injonction démoniaque ou non, elles étaient supérieures à toutes les comtesses aperçues.

*

C'était toujours une question de visite.
Que la Mort côtoie comme un marteau l'ange m'ayant fait naître. Que je me rende à guillotine, enamouré mais très fautif parce que désirant l'au-dedans du souvenir. Que mes livres s'altèrent, s'encrassent, noircissent, sous l'offense climatique d'une pièce mal nettoyée.

C'était toujours cela : le démon de Laplace, ce visage de Mars sur lequel mon front bat.


Alfred Kubin - Oublié, perdu

mardi 19 novembre 2019

Un jour quand j'irai mal...

Un jour quand j'irai mal
Que mes jambes seront lourdes et ma tête légère
Je ferai d'une forêt
Un feu élémentaire

Dans celui-ci iraient
Et mes jambes lourdes et ma tête légère
Mais aussi tous mes textes
Cahiers
Carnets
Feuillets, intercalaires...

Le tout partira en poussière
Dans une grande flamme
Qui
Parce que projetée depuis un bois secret,
Une forêt mystère,
Restera invisible
Comme je l'ai été

Oui,
Un jour quand j'irai mal
Je me jetterai dans l'air
Comme une braise pâle,

Et vous pourrez pester
Protester de vos larmes
Il sera bien trop tard pour recoller l'histoire !


Aristotle Roufanis - Alone Together (7)

lundi 18 novembre 2019

C'était ainsi...

C'était ainsi, à la périphérie d'astres énormément mobiles et froids, qu'avançait sous la pluie ma tête fatiguée :

Avec en elle...
Des millénaires inespérés d'appels de la main...quand ce papier froissé de veines s'ouvre et cherche dans la mienne, des couleurs, des colliers, d'aurifères étrennes...
Un peu de quoi s'enthousiasmer, redéfinir chemin, rafraîchir l'occis voire revivifier le colchique défunt...
Attila réversible que l'attirance née entre des doigts sensibles...

On ne savait où aller
De la rose liminaire
Aux roses éliminées...
On ne savait que faire...
Pour l'entretenir, ce désir allusif allumé à nos nerfs...

Attendre ?
Périr pour conserver plus joliment la cendre ?
Rester sur un souvenir, vague, une distance, une blague mais sans qu'elle soit mordante...
Drôle uniquement peut-être et rire de temps en temps alors qu'elle reviendra taper à la fenêtre...

L'eau sous mon pied s'infiltrait amèrement.
J'avais de plus en plus de mal à allonger le pas.
Et à pousser tout ça, tout ce corps gros d'effroi
Et d'années...
Monstrueuses
Fanées
Tracées au sein d'une terre outrageuse et brûlée.

Un autre monde ici était pourtant possible
Dans cette main nouvelle, dans ses yeux,
Marcassites
Gravées de deux prunelles...

Mais il était déjà en train de se noyer
Comme moi sous la pluie, fatigué,
Avec mais sans elle
Soit sans la volupté de son humide ombrelle.



Remedios Varo - Moon Reflection

mardi 12 novembre 2019

Massacrons, je vous prie

Il faudrait essayer de parvenir, ou parvenir à essayer, à l'heure d'écrire, à l'ambition qu'au moins la moitié de nos phrases soient suffisamment chargées qu'elle explosent aux visages, désemparés, liquides, des puissants de ce monde.
Il faut écrire des bombes pour les bureaux ovales, déflagration de chevrotine pour la bouche creuse de l'âne élyséen, gros sel dans le buffet des deux dirigeants coréens ! Sinon à quoi bon faire ?
Entretenir bourgeoisement la lettre, à grands renforts d'alexandrins, de fourbis d'épithètes, de liaisons, de tendresses...ce n'est pas là licence, c'est permis d'ennuyer, gratification basse que tout être, cabochard, débauché, saint-cyriens, débrouillards, peut empocher en pas trente génuflexions à la bibliothèque auprès des livres rares.

Temps n'est plus aux rivages butinés avec joie, femme aimée dans une main, poème allemand dans l'autre. Temps n'est plus aux histoires d'amour et de Volga...
Les fleuves sont morts messieurs et dames ! Du Rhin au Nil jusqu'au Guadalquavir, tous ont séché, noircis, comme ça : des landes de terre sans âmes qui vivent, même pas celles de flétans gras !

Donc bon vos romantismes, gardez-les vous ! Veillez plutôt à la batterie, à la tenue des comptes et de l'abri, du trou, où vous bâtissez songes. Faites gaffe à votre lit et à pleinement dormir, c'est là la seule issue du rêve, la seule aussi possible où pas drone nous crève !
L'ère du meurtre plastique, vert et télévisuel, et du divertissement qui nous perce les yeux, telle est l'ère actuelle !

J'exagère !

Mais bon...
Même le bon désormais a le goût de misère. De tels fossés d'accession se sont coup sur coup entrouverts (par la pelle des fictions) qu'à présent nulle mer ne paraît assez belle...
Surtout qu'elles-ci rejettent, quotidiennement, des asphyxiés garçons et d'abusées fillettes...

Avant, en France, on se méfiait des Noirs...
Maintenant les français redoutent les verdâtres, cadavres qui leur rappellent que le bonheur va mal.

C'est pas faute pourtant d'en créer des cortèges d'aises le remplaçant, des textes saints à ceux des mails promettant en substance que peut-être demain on se tapera la stagiaire...et tant pis si elle rechigne, son chemisier cédera, et si elle porte plainte, le commissaire aidera.

Ce même exact commissaire qui par ailleurs fait plutôt correctement son travail question humiliation, il sait faire preuve d'intransigeance, qualité quatrième pour notre belle nation !

Liberté - Egalité - Fraternité - Autorité.

J'exagère, je le sais. Mais c'est plus fort que moi ! La montée des violences et des aliénations, la bêtise installée, choyée, répandue, régulée, laisse un rance fond de peste dans ma supposition. Comme si c'était souhaité qu'on s'abrutisse à ce point...
Voulu par quelques-uns...ces fameux quelques-uns ayant vu l'opéra autrement qu'en maquette ou bien rediffusé, après Ruquier où des analphabètes exercent - ou prétendent exercer - le métier d'écrivain.

Ou alors quand ces cons connaissent l'alphabet, ils confondent, malheureux, l'hindouiste svastika avec la croix gammée ! C'est ballot putain de merde. Comme d'inviter encore des violeurs avérés à défendre leurs steaks...

"Il faut savoir pardonner !"

Pardon est-il offert à l'arabe en baskets ?
Pardon est-il offert aux mères sénégalaises ?
Pardon est-il offert aux couples sri-lankais ?
Dont l'unique défaut, jusqu'à preuve du contraire, est de ne pas nous ressembler.
Dont l'unique défaut est, jusqu'à réception diluvienne des papiers, de ne pas être exactement français.
Dont l'unique défaut est...d'exister...
Seulement exister, partager l'air voire oh oh oh attention, un peu du sacrosaint - edelweiss most wanted - national respect !

"Le respect d'un blanc, ça vaut tout l'or du monde, ils ont tout intérêt à bien m'en remercier !"

Imagine ta vie étant dévisagé
Où que tu ailles
Quoi que tu envisages, fournisses et prouves
Qu'importe ton travail et si c'est grâce à toi que s'esquintent les touristes sous le dôme du Louvre.

C'est grâce à toi toutes ces photos prises
A l'infini
Par des privilégiés aux cerveaux engourdis...

Grâce à toi également que le métro pas rouille
Alors qu'on dit qu'il grouille pourtant à cause de toi...

Grâce à toi qu'on a chaud
Puisque les tiens ont froid !

Enfin bon j'exagère ! Il y a aussi deux trois musulmans pas très nets et sans doute une poignée de blancs recommandables...

Il s'agirait pas de faire un lot, pas d'amalgame ! Il y a de nobles pauvres ! Y a qu'à voir en Pologne comment devient la chose...C'est beau ces bandes, ces manteaux, ces marches dans le vent sur un parterre de roses...

*

Que les dents donc explosent ! Voilà ce qu'il faudrait en tant que conséquences pour ceux qui versent en prose...
Cessons d'affûter branlottant nos couteaux, attaquons à l'atome ! Tant pis s'il y a des morts, tant mieux si ce sont des mômes, de toute façon qui s'en soucie ? Certainement pas vous !
Ou alors on me cache depuis tout petit quelque chose...

Ce quelque chose, le bonheur - encore lui ! - pourrait être son nom...

Il se serait sûrement endormi sous les pierres...
Celles qui faut qu'on réveille
A coups de canon à rampe et de rayons laser,

En écrivant pour tuer
Et non plus pour soi-même.

En écrivant pour tuer
Avant de dire je t'aime.



Francisco de Goya - Le Grand bouc


jeudi 10 octobre 2019

Encore !

Le Temps courait à demi-nu sur moi
Son sein chaud et sa hanche
Son mi-sourire m'émoustillaient
Et ses cheveux en avalanche,
Et sa joue, mon chevet,
Ma rive, mon livre, sa tranche...

Il fallait que je dorme mais c'était impossible
Avec Elle dans ma tête
Et Lui contre mon bide.

Je me mis à relire
Pour peut-être
La huit ou neuvième fois au cours de la même nuit.

C'était toujours après une question, dans un dialogue, que je fermais les yeux.
"Qu'est-ce que tu fais ici ?"
"T'es vraiment sûr de toi ?"
"As-tu fait bon voyage ?"
"T'es pas malade au moins ?"

Et puis je les rouvrais,
Pareil le livre,
Pareils les regrets
D'une histoire finie
Dont je connais pourtant

Par cœur

L'histoire de la suite...

*

Une margelle à Venise sur laquelle m'étendre...
Longtemps, longtemps,
Le temps de devenir une poignée de pièces
Tombant, tombant,
Dans cette fontaine tiède :
Froide de mort
Chaude d'amour
Et des chances qui restent
Même quand le corps cède...

L'éternité toujours...
Là-bas, sous ces pommiers
Inversés
Aux fruits brumeux et gourds
Mais cachant aux trognons
Des incendies, des fours,

Là-bas, disais-je,
Je descendrai à ta rencontre
Jusqu'aux sommets des tours
Où ta mine est bâtie,
Et je battrai ma coulpe
Et je ramperai sans honte
Parmi ce paradis
Que ton visage propose
Quand il se réalise...

Masque de fresques aux frasques roses,
Licencieuses bêtises,
Ce faciès opérait une métamorphose,
Alchimie clandestine

Chez qui pouvait le voir
Comme je t'imagine...

Il fallait que je dorme, que je me branle ou relise une question pour la forme...
"Mais quand serai-je libre ?"

*

La nuit me répondit par trois heures de calme.
C'était déjà ça de pris,
De regagné sur l'âme.


L'arbre rouge - Piet Mondrian

vendredi 23 août 2019

Les génies

Quand vous autres à ma jambe faites ce regard-là de dégoût pictural, ce démon gingival qui vous peint en abbé, en sanie pastorale, genre que vous seriez en vérité, du fond des yeux, un flacon de douceurs, d'herbes médicinales, et que mon petit passage vous auriez ébréché, touché l'aorte anale, au point de culminance de toutes vos pitiés...Vous me donneriez la main, le bras, l'épaule et des béquilles, et du jambon, et des aiguilles pour le tricot d'on ne sait trop quoi dire. "Si c'est pas malheureux ça tout de même tout ce qui vous arrive ! Vous méritez de l'aide ! De la laine empathique. Tenez tenez je vous tiens la porte enfin pas trop tout de même, je ne suis abbé qu'en rêve ! Néanmoins comme Dieu s'est montré là vulgaire ! En vous filant les jambes dans du barbelé clair ! Il aurait pu joliment faire.

Allez, sur ce, je vous laisse. Bon courage et puis chance !" Et le gus disparaît serti d'une bonne action...

Mais je l'avais pas demandé sa pupillaire onction ! Qu'il m'ait en pitié, en considération, comme un rat sur les rails, je m'en serai bien passé comme l'alcyon d'un trou de balle. Ces salauds font de ma jambe une mine épouvantable où piocheraient immenses, dans des égouts bavasses, tous les embastillés et reclus dégueulasses ayant tué de sang froid suite au choix d'une face des galeries de gamines en pleine fleur de l'âge. Ils font de mon handicap le crime des apaches, sacrifiant, scarifiant, le cheveu de son crâne tandis que moi mon âme, puisque en état de marche, ne fait que sautiller entre les nénuphars.

Et quand c'est pas la pitié au coulé maquillage, c'est la haine gauchère qui fournit la menace. On me regarde mortellement, en une incarnation européenne du diable. On me regarde comme ça, j'exagère pas d'un watt, comme une portion maudite d'un cancer possible rien que par mon contact. Comme un truc qu'on veut pas et que pourtant on croise. Et souvent c'est les femmes, des mamans la plupart, qui me la servent cette passe. Elles craignent que je déteigne, sur leurs ovaires par contumace et qu'en m'ayant vu là, leurs ovules se crassent ou pire...quand elles sont plus enceintes, que ma pétée démarche n'atteignent leurs philintes. petit machin fort démocrate qu'est cet enfant âgé de cinq qu'à leurs poignes elle trimbale. Cachez donc ce cradingue que je ne saurais voir ! Et donc elles baissent les yeux, guérissant quelque escarre que je produirais sur eux...

Mais putain moi je marche, je fais que ça sur la pointe : me déplacer dans ces couloirs de métros et de gares où on aimerait que je crève, d'un souffle au cœur barbare. Si je pouvais camper constamment dans le noir, me tapir infini dans le tissu du soir, soyez sûr que ce serait fait, je veux pas gêner, je veux pas d'histoire ! Mais faut encore que je vois des squares et que je m'y déplace...
M'en veuillez pas messieurs et dames !

Et puis il y a les Monstres de cette monstrueuse race, guildes de banlieusards et d’illettrés notoires qui sont parmi mes préférés, paradoxalement, parce que moins dans le détail quand il s'agit du sens. Eux me détestent sans égard, me fourbissent des oeillades ouvertement bestiales sans l'idiot double-jeu du semi-paroissial ni l'once de "Dieu m'en garde" des poulettes ovipares. Eux m'abhorrent, tout couillons qu'ils sont, au moins à la loyale. Il se fiche de moi comme il se doit et comme l'amour se propage, c'est-à-dire à l'horizontal. Ils m'imaginent sans état d'âme, avec tout ce qu'il faut de recueillement sauvage pour que je sois certain de ne pas être un humain mais un mage, de ces genres de sorciers sur lesquels on crache avant de les brûler...sûrement pour lubrifier les flammes.

Eux, qui sont majoritaires dans mon quartier actuel, et qui de par ma jambe en rien me considèrent sont cependant les rares vrais amis qu'ils me restent. Etant donné qu'un frère se doit de nous pousser à prouver le contraire, et que ces maints connards, via l'uniformité de leurs soins détestables, m'obligent aux poèmes ainsi qu'à dénicher tel ou tel génie sur le coin de ma table...

De beaux génies qui se promènent
Et que nul ne regarde.


Max Ernst - Le baiser

jeudi 18 juillet 2019

Une enfant au plafond

Ce que les shakespeariens ignorent, pour la plupart du moins, à propos du William, c'est qu'il laissa derrière lui (avant ses os et sa postérité) une ébauche d'histoire tout à fait stupéfiante dans laquelle un homme - trente ans pas plus - préfère à la mondanité une vie quotidienne passée dans le fromage (unique nourriture et boisson) et dans le fond d'une malle (unique habitat, peu d'ouverture, mailles tressées).

*


Il pleuvait et la môme qu'on devait garder dormait.
Ses paupières étaient plus fines que des cheveux, du fil, et donc en plein été, le soleil tapait dedans quitte à la rendre folle.
Mais il pleuvait.
Et elle dormait et nous la regardions faire, s'exprimer dans ses rêves.

Bientôt, ses mains serrant le vide à la recherche des couleurs...seraient assez solides pour caresser.

Ou pour écrire ceci : "Il n'y a que les gens seuls qui s'intéressent aux autres." sur quelque vieux cahier.

Bientôt, à la place de la môme qu'on gardait,
Un sénescent sucerait son pouce...hagardement...dépossédé.

Il aurait alors sûrement cessé de pleuvoir.

Et nous de nous aimer, ou de nous dire au revoir, ou de nous dire d'aller voir ailleurs si... il ou elle y était.

Il pleuvait et la môme qu'on devait garder dormait.

Elle faisait ça si sérieusement !
Derrière nous l'observant, sur un meuble adossé contre un mur de la chambre, se tenait immobile mais toujours à deux doigts de se mettre à danser, un haut miroir coupé flamberge.

Le voyant il me vit et me vit l'embrasser.
La môme dormait certes mais c'était pas génial d'ici empassionner un moment solennel.
C'est ce que me dirent exactement ses lèvres.

Refroidi j'acquiesçai au délai de la fièvre.

Et le miroir retourna à sa place, continuant de se taire sans nul mouvement de plus signifiant ma disgrâce.

Il pleuvait davantage et j'avais très envie que la môme se réveille.
J'avais envie d'action, de ruées et de jouer avec elle au jeu de la fusée.
Mais elle dormait de toutes ses prunelles

Comme la môme première
Et le miroir-épée.

Il n'y avait rien à faire alors qu'à regarder.
Devenir vieux peut-être
Et chercher avec elles dans le creux des journées
Des couleurs assez belles pour qu'on puisse les toucher :

Des mauves, des jaunes, des verts.
Des gouaches et des pastels,
Et de la pluie d'été
Et des enfants qu'on veille
Comme sur une araignée...

Car chacun de ses pas nous amusent et fascinent autant qu'il nous effraie.
Car on souhaiterait qu'elle parte tout en voulant l'avoir, pour soi, le plus longtemps possible.
Parce que si peu pourrait, par malheur, l'écraser...
Ce petit torse orange aux paupières valeureuses par le soleil chassées...
Et que si peu existe...si peu, c'est vrai...existe et terrorise...inonde de décès...

Mais tant aussi de forces feront qu'elle s'y fera, au soleil, aux malheurs, au monde et caetera.

Et qu'elle deviendra grande comme je ne l'ai pas été.

Il pleuvait moins mais plus (+), à cause de mes yeux.

Et dire que ce n'était même pas ma fille ! Juste une nièce, qu'est-ce que tu veux...
Les enfants ont le don fantastique d'attendrir
Même les plus soucieux...et les plus en péril !

Y compris ceux qui voient...d'anciennes petites amies
Et de futurs vieillards
Dans les nuques engourdies et le nœud des miroirs

Alors qu'il n'y avait rien
Sinon un oncle et une enfant
C'est-à-dire en fin de compte
Plutôt énormément :

De la pluie, du silence
De mignons ronflements
Et des couleurs en double...

Des yeux de la rêveuse
A ceux, plus sombres, se les imaginant

Quel merveilleux couple !

(Mais au-dessus des poutres
Je sais que suçait son pouce
Un complet sénescent
Me ressemblant
D'une goutte.)


Margaret MacDonald Mackintosh - A sleeping princess




mercredi 17 juillet 2019

Hangwoman. Everland #2

"Ces navires, goélettes et autres brises-glaces, qu'essayaient-ils de faire, au juste, en grattant la surface illimitée des mers ?"
Citation anonyme







Un visage d'abeille joufflue découpé dans le cartoon décrivait, outre descentes et montées, des cercles mécaniques et indifférenciables.

Le père râlait de ses émanations qui, d'habitude joyeuses, toupies de rires, vaisseaux de chamailleries aux conséquences tendres, désormais se taisaient, plus silencieuses encore qu'aucun climatiseur installé de série.

Dans un costume porté mille fois, armature velue d'où la sueur filtrait jusqu'à tomber en flaques sur ses baskets neuves, le travailleur-chimère voyait passer chaque jour des visiteuses sublimes qu'il n'aborderait pas mais dont la joie de vivre justifiait à elle seule sa répétée torture et ses kilos perdus pour le bien du spectacle.

Le cerveau, projeté depuis le sommet à une vitesse folle, imaginait l'estomac grimpant sur les poumons et ces derniers sortir par l'une ou l'autre des narines si la vélocité continuait, quelques instants de plus, son terrible abattage.

La viande, autrefois vivante, coulait au fond des gorges d'étudiants enthousiastes sans qu'aucun des lurons, pourtant farouchement opposés à toute espèce de guerre comme de maltraitance, ne s'émeuve du délicat parcours de ces bêtes mises en pièces.

En des loges cachées, non loin de quelque estrade donnant plein sur les sexy soleils qu'entamaient des dauphins contre de la poiscaille et de timides caresses, une mère angoissée attendait qu'apparaisse son enfant à l'écran.

De là-haut, deux amis s'efforçaient de fixer les nuages afin de ne pas lâcher prise complètement avant l'amorce du plongeon mettant à rude épreuve ces harnais, ces ceintures, les bloquant sur leur siège.

Une glace touchait terre emportant avec elle, à cause du chaos des bactéries terrestres, dix minutes de sucre hautement vanillées.

A des dizaines de kilomètres de là, dans une ruelle sans prétention, un homme que l'alcool avait mis dans sa poche tentait de se souvenir du titre d'un livre qu'il avait lu en entrant au collège tandis qu'aujourd'hui tout autour de lui complotait, murmurant que la soif devait être son unique inquiétude s'il ne désirait pas considérer comme un acte possible le fait de se jeter piteusement sous un bus.

Les pandas près des grilles, pris en photo à la chaîne par des hordes humaines, commençaient à tousser et à saigner du nez.

Visiblement ailleurs, un garçon de seize ans enchaînait les attractions en souriant avec peine malgré l'exhortation démoniaque au bonheur de son raté pater.

Le sol se fissurait par endroits, laissant croire à ce groupe de trentenaires cherchant à s'amuser que le parc était mal entretenu et qu'ils auraient mieux fait en lieu et place de ce charivari pâlement orchestré de se tuer en cocktails et grillades.

Etienne et Soraya vomissaient de concert.

Dix ans plus tôt, le père de famille avait découvert cet endroit et géré la journée de main de maître, ramenant à sa suite deux marmots endormis aux têtes garnis de rêves.

Dix ans plus tôt, l'abeille n'existait pas car son manège non plus et le travailleur-chimère hésitait entre sa voisine et une amie de sa sœur.

Dix ans plus tôt, allongée sur une table, les yeux tirés par les nuits déjà courtes, une mère angoissée attendait qu'apparaisse son enfant à l'écran.

Dix ans plus tôt, le premier ami prenait de haut celui qui, après plusieurs déménagements l'ayant forcé à mûrir trop vite, souhaitait avant toute chose qu'on le laisse tranquille à sa contemplation ainsi qu'à ses lectures.

Dix ans plus tôt, une glace touchait déjà terre tandis qu'un jeune ado s'efforçait de déchiffrer ce qu'il venait d'acheter de tout son argent de poche histoire de séduire la jolie camarade avec laquelle, chaque matin, il prenait les transports.

Dix ans plus tôt, les pandas mis en cage étaient pris en photo mais peut-être un peu moins souvent et peut-être par un peu moins de gens.

Dix ans plus tôt, le garçon, presque toujours niché dans les jupes de sa mère, entendait accueillant le thème musical du parc - sorte de comptine modifiée - tout en ne saisissant pas que celui-ci l'accompagnerait pendant encore cinq jours entiers.

Dix ans plus tôt, le sol exhibait certains fendillements, mais des si fins, des si imperceptibles, qu'il aurait fallu être sacrément tatillon pour y voir là la marque d'une ruine prochaine.

Dix ans plus tôt, Soraya n'allait pas tarder à se mettre en chasse et Etienne écrivait, dissimulé sous le lit de Patience, une lettre d'amour qui causerait sa perte.

*

Enfin, au cours de la demi-seconde précédant son sacrifice, l'Algieux vit tout ça.

(Et cent millions d'autres choses : l'arbre d'Amsterdam, le périphérique en fusion, le visage du Roi Pourpre, ses premières crises dans le jardin familial et l’œil protecteur de ses deux grandes soeurs, la fin de "The Thing", la chute attendue de Venise mais aussi et surtout alors qu'une lune s'ouvrait sous la grande roue - l'engloutissant ainsi que sa victime - deux mains d'une extrême finesse avec dedans comme de la lumière...et comme de la fraise.)

jeudi 27 juin 2019

Les lunes à l'intérieur ///////////////

Assez du bruit régurgitant de l'ombre.
Et des formes en silence.
Assez des chambres closes...
Tendres étendues de membres que le Temps fauche roses.

Assez de ces maisons,
Médicales et poignantes
Qui maudissent d'absence
Tant de passées saisons.

Assez d'aberrations courant dans tous les sens,
Et de ces projecteurs sur des rivières d'écrans
Et de ces projections de planètes en souffrance...
Qu'on se défie de voir par peur d'avoir mal
Comme à la vue du sang.

Assez de pattes blanches
Montrées
Avant d'être griffées par des coffrets de dents.

Assez d'asservissement
Sans rébellion
Ni transe
Assez des lions bêlants tandis qu'on les balance
Sous des perceuses ardentes.

Assez d'aimer immense
Doué du baiser géant
De caresses et séquences
Enchantant puissamment
Le puits des puits de songes

Et puis sans gants d'apprendre
Que cette eau, ce mélange
De rivières et d'Orient
N'est en fait qu'une goutte
Au goût raté d'outrance.

Assez des séductions
Des apparences.
Des apparentes célébrations,
De l'extinction des chances
En séances tenues par la stupéfaction.

Assez qu'on nous étende
Les amours sur des draps
Où les soifs s'étanchent
Et que ces mêmes draps servent lâches à nous pendre.

Assez des pierres précieuses,
Des claires évidences
D'abord portées comme des prothèses
Avant d'être jetées
Dans le dos de nos têtes
Sur une place marchande.

Assez du merveilleux marchant voûté, étrange,
Comme s'il cherchait ses yeux dans cet asséché Gange
Que sont de fait ses yeux
De quand volait l'enfance.

Assez du souvenir et des sourdes violences.
Assez d'adieux des lyres aux radieuses dansantes,
Licencieuses bacchantes
Dont les rires à présent
Chantonnent à mi-voix
L'hymne lésé des voies où vont les délivrances.

Assez de ne plus entendre
Et de ne plus ressentir,
L'oiseau parmi les arbres
L'arbre parmi zéphyrs
Et zéphyrs parmi vent.

Assez d'appartenir à cet appareillement
D'armées se déplaçant
Du ciel à l'océan
Avec la même aisance...
Là et ici tuant,
Paisibles
Et paysans
Comme s'ils plantaient des graines
Et que ce blé faisait sens.

Assez des champs de bennes
Acheminant sous terre
Des mille et des cents
D'épouvantes humaines.

Assez des guerres,
Des garçons s'épuisant
Et des femmes qu'on perd
Sous le plomb ou les bites
De garçons s'épuisant
Par devoir militaire.

Assez de ce qu'on sait et de ce qu'on ignore...
Et que l'or est rincé et qu'il tient au corps...
Quand on l'obtient d'une dent.

Assez des revirements
Des rêveries d'antan

Synonymes de mort
Lorsque vient le printemps...

Parce qu'il fait chaud ici
Et que cela commence
A taper sur les mers...
Sur ces glaçons luisants
Garantissant l'hiver...

Parce qu'il fait chaud ici

Assez de l'incendiaire !

Et vivent les vivants,
Les récits d'icebergs
Des poètes froidement
Ressuscitant
La plaine
Où la neige va pissant...

Ressuscitant la grêle
Pour qu'elle casse les écrans
Les pares-brises, les usines,
Ces nids de revolvers pour la ruine s'artisant.

Assez qu'on préfabrique du bruit se vomissant
S'écoulant sur la brique
La frappant d'un serment,
D'un cauchemar magnétique.

Assez qu'on les attire les étoiles avec ça
Et le soleil
Et ses plans,
Assez d'assassinats * pour qu'arrivent
S'accouplant
Chaque constellation
En concerts d'éclats...

Assez de l'opéra
Cosmique et meurtrissant
Annoncé depuis là
Où plus rien n'est cru grand.

Repoussons ces trépas que nous fîmes pousser
A coups de repas blancs,
De trémails glaireux épousant nos deux doigts
Quand sous la pollution,
Nous crachions notre Foi.

Repoussons ces climats
Bientôt engloutissant
En nous revigorant
Du goût des nuages lents...

Du goût des rageurs pas
Des petits s'affalant
Sur du sable encore gras
De l'écume l’amarrant...

Du goût d'amoureusement
Revenir vers toi
Soit l'étoile filante
Qui le demeurera
Alors que tu t'approches
Et qu'une croche à ton bras
Inaugure une aria...
Une musique de roche
Que déride des soies,
Des rideaux de galoches
Des cascades d'émois !

Assez de bruit et d'ombre
Et de nuits aux lourds poids
Allégeons-les, allongeons-la
Et nageons dans son songe
Dans son monde framboise
Où l'angoisse flamboie

Et où la joie, en fin de conte,
N'en a jamais assez
D'asséner ses leçons

Ou d'éclaircir l'ardoise
Ou d'embrasser la proie
En proie à la passion,
Fut-elle source de noises
Ou d'électrocution

Sous les joules d'un visage
Et les joues de l'orage
Où s'écoule l'union
Des lois fondamentales :

Il faut aimer et l'astre
Et l'âme qui le garde

Assez
Au moins

Pour que l'astre se sache
Et poignarde la main...

D'une ligne ou d'une tache
D'un fils ou d'un chagrin

Assez
Au moins

Pour quand l'ombre s'acharne
Pouvoir lui dire "Regarde !
J'ai serré mon prochain comme tu serres mes entrailles !"
Et que la nuit s'en aille

Assez
Au moins

Pour que les journées passent...

(Et massent tant bien que mal

Les fruits, les orphelins

Et les tueurs mémorables.)


Merci à Misha Mishenko pour son aide secrète.


Zdzisław Beksiński - Painting AE78




* d’ingénieries et d'industries

vendredi 17 mai 2019

Questions d'habitude

Qu'est-ce que tu as fait de ta journée ? J'ai écrit.
Qu'est-ce que tu as fait de ta vie ? J'ai écrit.
Qu'est-ce que tu as fait de ton cœur ? J'ai écrit avec.


Leonor Fini - Le long du chemin

jeudi 9 mai 2019

Client n°13

Comme cela faisait plusieurs semaines que je peinais à ressentir quoi que ce soit, mes amis, mis au courant de mon sinistre ensorcellement par un épisode de colère durant lequel je les invectivai sans raison apparente avant de m'effondrer dans les larmes et les babillements, se cotisèrent pour m'offrir un week-end hors de France. Au départ, il était question que deux d'entre-eux, les plus jeunes, m'accompagnent mais ayant accepté malgré moi ces vacances, j'insistai pour les passer seul, leur assurant, du peu de forces qu'il me restait, que si la solution devait venir de ce dépaysement, il ne saurait être apprécié qu'en tant qu'aventure intime. Ce choix, risqué, ne fit en rien l'unanimité mais comme aucune sorte de compromission de ma part ne semblait pouvoir dévier la réalisation de leur souhait initial, ils s'y plièrent douloureusement, priant pour que mon désir d'exclusion ne recèle pas au fond d'une pointe d'autodestruction dont j'étais désormais le porteur supposé depuis l'acte glaçant où j'avais enragé. Précisons d'ailleurs que celui-ci se passa en public et qu'il fut si violent qu'il m'interdit l'accès, par pudeur et par honte, de ce café où j'avais pourtant contracté, avec le temps, d'excellentes habitudes. Je ne pouvais me résoudre à revoir ces serveurs et serveuses, bons avec moi et s'étant dessiné au fil du temps un portrait séduisant de ce visage dorénavant capable des pires déformations, sanglots et fracassements. Tout comme je ne pouvais accepter qu'on me souffre pendant deux jours entiers, en tant que médecins particuliers à l'affût de mes sautes d'humeur ou de la moindre de mes améliorations. Je voulais qu'on me laisse tranquille, et si c'était ailleurs et par voie de conséquence susceptible de leur faire plaisir, ainsi en serait-il.

Je déplaçai donc ma solitude ce matin de juillet où montant dans un train dont les mouvements humains (retrouvailles et séparations) me donnèrent immédiatement une franche envie de vomir, je ne pus qu'en descendre le teint pâle comme un linge. Étais-je vraiment malade ? Atteint d'une incurable défloration, d'un grave désherbement ? Moi-même je l'ignorai. Certes, il y avait quasiment une saison maintenant que mes émotions m'apparaissaient meurtries, dégradées, asséchées du vin fauve de l'enthousiasme et de la construction, mais j'avais depuis si longtemps déjà flirté avec cette apathique position, avec tel malheureux coudoiement quotidien qu'à présent celui ne m'étonnait plus ni ne me dégoûtait. C'était comme ça, comme on se fait d'un panaris, d'un orgelet, d'un deuil, d'un romantique chagrin. Nous sommes à vrai dire toutes et tous composés de cette façon-là : en résistant des maux divers, en blessé etc., en bref en compagnie d'infortune, qu'elle soit physique, mentale, ou d'un genre moins tangible. Mon cas différa seulement parce que j'avais explosé quelques soirs plus tôt et que ma déflagration contraria l'idéal faux-semblant de ma sphère parisienne mais je mettrais volontiers mes deux mains à couper que si quelque Saint-Pierre, un jour, s'éprenait du loisir d'interroger, scalpel en paume, les plaies secrètes de chacun de mes proches, ceux-ci céderaient tous à furie similaire après une ou deux questions bien tournées par l'Altesse. Je mettrai même tout mon cœur en pari qu'au-delà de mes amis, tous et tout le monde ici, en face d'un pareil purgatoire, craqueraient sur le champ et fileraient à leur tour se ressourcer aux tulipes...

Nous sommes les survivants d'une infinité de désagréments enjambés vaille que vaille, qu'on s'imagine anodins, secondaires et légers mais qui en fin de compte langent un lit de punaises qui ne demandent qu'à nous mordre. Selon quoi et s'il on veut guérir (mais le veut-on seulement ?), il faudrait avoir la modestie de montrer ses morsures voire le courage - miraculeux ! - d'oser changer de matelas...

J'avais, pour mon week-end, réfléchi à une poignée d'activités supposément heureuses et rassurantes. Dès la porte franchi du premier musée cependant, je compris que mon agitation n'était pas de ce genre qui se règle par la promenade ou la contemplation. Je n'en sortis pas du musée pour autant mais pour ne pas mentir, je confesse que chaque tableau vu ce samedi-là me tomba sous les yeux comme une très nette représentation du dénuement et de la fatalité. Pire, car si la Mort dirige l'Art depuis la Nuit des Temps, cette fois-ci elle se surpassait car elle semblait l'avoir, l'Art, totalement digéré. Et c'était ce gargouillis, cet entrelacement de contentes viscères, que je voyais battre dans la toile...
L'intestin frissonnait de la joie du Roi vieux grossi par la potée : la pomme de terre, le lard, la sauce et les jus de viande, tous pressés jaillissant dans un réseau de couleurs roses...et grasses, derrière la peinture et dessous les tenants, techniquement banales, d'un Nicolas Poussin. Pareil pour les espagnols ou les argentins, les Nabis ou les suisses, la congestion pulsait et s'entendait bien au-delà du pigment. Vomir encore mais où ?

J'avisai une gardienne de mon incontinence, elle me désignait des toilettes situées un étage plus haut. Moi je voulais descendre ! Alors...insigne éclaboussé et...disons que je ne retournerai plus dans ce haut lieu non plus, par pudeur et par honte.

Revenu dans la rue, chassée par un ciel chaud comme un four pâtissier, traquée par l'affreuse nue, brûlante mais pas comme un printemps, plutôt comme une fièvre ou une douche quand on souhaite la baisser. Revenu dans la rue, pistée, hameçonnée par les nuages et les grands aplats bleus, je fus contraint - réflexe de survie - de la quitter très vite et d'entrer dans un bar quelconque. Là-bas j'y consommai un œuf, enfin...une omelette et une grappe de raisins. Qu'étrangement ils proposent ce romain mets m'enchanta d'une excentricité qui simula l'effet d'un retour à la normale. Et si tout ne dépendait pas finalement de si peu que d'une grappe de raisins dans un bar d'Amsterdam ?
J'étais en larmes une minute plus tard, ça sala mon omelette, je l'avalai en deux bouchées, je payai et la rue me revint, continûment traquée, fliquée et très bientôt tasée.

L'orage ne dura pas, ceci étant, les microscopiques fraîcheurs qu'il raviva m'excitèrent là encore le moral. Peut-être était-ce ce mois de juillet, de fait, qui ne convenait pas ? Trop chaud, trop le textile sur la peau sans arrêt, trop les paupières gouttantes et d'odeurs sous les bras. Peut-être était-ce ce mois sa faute et pas la mienne ou du moins pas tant celle d'une fatigue nerveuse sévèrement installée et dégénérescente. Crachant par terre alors que je détestais ça, je me mis ensuite en quête d'un hôtel, m'appuyant sur les quelques adresses que l'on m'avait laissé.

Je ne vis jamais un hall et m'engouffrai plutôt, tandis que l'été soir se transformait en une ignoble bouillie grisâtre au goût relevé par d'étranges grumeaux noirs, dans le quartier des prostituées. Ce festival de jeunes enfants, nues et moquées hagard par des touristes trop proches de leur confort pour envisager de se joindre, autrement que pour la blague, à ces galeries de forcés gémissements, me provoqua au corps un réveil tertiaire. Et si le sexe me sauvait ?
N'ayant de sous que pour une passe si je voulais garder de quoi payer l'auberge, je suivis sans comprendre l'invitation scabreuse d'une vingtenaire au cabossé profil. Elle était belle comme de la tourbe, comme un morceau de mur duquel on aurait fait, en ces heures médiévales où la torture avait la cote, un pour sûr envoûtant cercueil vertical.

Nous nous allongeâmes, elle passa sur mon membre gonflé par politesse, un avatar d'eau froide, puis, une derme nouvelle, plastique et lubrifiée. Elle harnacha ses hanches sur mes côtes en pagaille, et, sans ressentir davantage qu'au cours de ces dernières semaines, elle maltraita malgré tout si bien mes intentions que je finis par être entièrement en elle. Après quoi l'unisson, fébrile, fiévreuse, fielleuse, fétide, flapie - comme l'aquarelle d'une cousine sans talent - prit des airs plus charmants au point que j'en eus presque l'agréable impression de faire l'amour avec quelqu'un.

L'amour ! C'était cela que ma disparition. L'amour ! Le chantage obsédant d'une paire d'âmes qui se consacrent au troc païen des ambitions, espérant par la chair que cette perfidie accouche d'une rédemption ainsi que d'un moyen, efficace et gratuit, de toucher aux onguents refermant les lésions...de réaliser ses rêves...d'éloigner le bas-fond en l'empoignant de plus belle !

Orgasmant mécanique dans un fantasme que cette jeune femme, de par son expertise, avait su ranimer, je me réjouis tout de suite en pensant au récit érotique que j'allais pouvoir faire auprès de mes amis. Comme quoi ce n'était pas vain que de m'avoir offert ces scandaleuses vacances puisque j'avais baisé, preuve que j'étais vivant ! Après quoi sûrement ils me laisseraient tranquilles voire, et j'en croisai les doigts, ils me laisseraient partir...

Mais je partis avant ça. La jeune femme avait un plan et j'étais le détail, minable et suffoquant, manquant à son exécution.

Elle m'exécuta.

Pourquoi ? Comment ? Je ne le sais vraiment pas mais je peux dire que quand son couteau souleva un à un le pli de mes boyaux, j'avais ressenti comme un truc. Imperceptible certes mais un truc, un souvenir de sensation comme quand j'en avais, à la pelle, de ces saletés-là et que moi aussi je prenais des trains non pour fuir mais pour rejoindre, non pour aller là-bas, mais pour retrouver ça : le sentiment de s'oindre avec autre que soi.

Quand tout fut fini et que mon évanouissement, préliminaire sans doute d'une absence totale, fut acté, je peux même dire que j'eus, à la place des creux constituant mon visage, une sorte de sourire.

Je me souvenais d'elle. Ce n'était pas si pire.


Georges Lacombe - Marine bleue

mardi 23 avril 2019

Les lunes à l'intérieur ♦ II

Souvenons-nous des lanternes éclatées et du jus couleur os qui souvent en sortait...


Toxicité paroxystique de la dame rouge
Debout sur mon livre 
Et qui regarde ailleurs
Tandis qu'à ses côtés jonchent d'autres dames rouges 
Émanant d'autres cœurs :

Coffrets de hiéroglyphes et traquenards sensibles
Que je possède en centaines 
Sans cependant les lire ou du moins pas autant que je lis la lumière, 

Le temps
Et les cris haineux faits 
Par mes proches passants.

C'est que dans ma rue ça meurt ouvertement
Que ce soit chez les jeunes ou chez les vieillissants...

Ils échouent tous, 
S'écharpent et se soumettent
A la dure loi du sang 
Poissant sous la pommette.

Ils sont vicieux comme des dents
Teigneux comme des celtes 
Ces complets ignorants de la bibliothèque.

Y en a certains les voir me terrifie
Du fait qu'ils ont des yeux ambitieux d'agonie
Et plus tellement de lèvres. 

Rien ne sert de parler quand morts sont tous les rêves. 


Le silence était notre toute première langue. 
Idiome naturelle de la mousse et des gangues 
De la pelouse et des mangues, 
De cette épouse exsangue qu'est la mer quand elle saigne. 

L'écume a coulé hors de scène,
Électrifiant d'eau fraîche ce qui devait se taire 
Et rester sous la graine. 


On dira ce qu'on veut de moi 

Que je suis veule et lâche
Inutile telle une bâche 
Voulant remplacer toit 

Mais au moins je sais lire
L'âme
Et lui dire :

Que j'aimerai qu'elle prise 
Un vent un poil moins triste. 


Vieillards comme enfants 
Disparaîtront 
Au fond d'une même absence

Quel avantage ce sera...
Quelle magie, quelle chance 

Que de déserter tous cette quête du sens 
Finissant
Par définition 
Dès l'élection des panses...

Lorsque pancréatiques chacun chacune nous nous évanouirons 
Dans une bile d'obédience et de malversations...

Comme heureux en substances nous nous rencontrerons !


La dame rouge est encore parmi la couverture 
J'ai beau être malade, m'affaisser, m'éclipser, 
Elle continue d’œuvrer à l'oeuvre du papier 
En pic méticuleux...

Son image peut-être quand viendra la Faucheuse 
Me tirera sourire
Lait de babines 
Sperme des commissures
Et je partirai dans son souvenir

En preums 
Non en deuz

Car avant moi fuira ce cheval à ma poitrine
Ayant fait vœu d'aller
Où s'ouvriront tes bras
Où rougira ta mine 
Où s'ourdira l'éclat de ton bassin d'ondine. 

On dira ce qu'on voudra mais je t'aime, Toxine ! 


Je n'ai tendu la main qu'aux muses 
Les gus, je les ai laissé cuire
Leur œuf au pied du mur. 

Je sais qu'ils ont pas poussé d'eux-mêmes Humpty Dumpty
Et n'ont fait que se servir de l'éventrée coquille,
Je sais que c'est les riches qui commanditent
Des fantaisies tout l'homicide 

Mais c'est pas là mon île 
Que cette histoire odieuse où rien ne ressuscite. 

*

Moi mon île est ton sein et sa fraise subite
Moi mon île est ton sein et le lien de ce fruit 
Avec l'ordre cosmique, 

Constellation conique d'inconnus paradis
Que mon encre sublime
A défaut de saisir ce qui les retient ici.



Unica Zürn - Echo



lundi 22 avril 2019

Les lunes à l'intérieur ♦ I

Souvenons-nous des coursives noires qu'immatriculent chaque forêt


Des cerisiers tombait la grêle
Et avec elle l'herbe.
Toutes ces paillasses, ces parcs,
Brûlèrent 
Comme la glace
En gerbes d'étincelles.

Le printemps peignait à la flamme
A la bougie inconsumable.


Quelle est cette impression de fil suppurant ?
Il est fiché entre mes doigts, en retient les phalanges 
Tel un mal amphibien, et lie les os entre eux.
Lorsque j'essaie d'ouvrir la main, de desserrer un peu le poing, 
Tous ces ponts se rebiffent et me laissent, s'écroulant, élastiques,
Dans la paume un corps brun modérément humide.
Un cadavre de chien
Mais sous forme de pluie.


Malachites en épis sur des arrondissements
Avec aux pieds d'eux-ci des vigiles diamants
Et autour des racines, en bracelets de cheville
Des brassières de rubis d'un genre étourdissant.

C'étaient ces sapins-là d'un Dieu les cure-dents.
Mais pas d'un Dieu fictif,
D'un Dieu délibérant quotidiennement l'esquive
Selon qu'il faille dormir ou alors brûler vif,

Il était embêtant et pour dire fanatique de la seconde option,
A venir prochainement.


Quand neigera-t-il de nouveau sur nos dos ?
Ta peau et puis ma peau et puis la peau des autres nous voyant en photo.
Quand les yeux rouges du coup de foudre 
S'égaieront d'une larme de joie d'orgie des foules 
Parfum de nos deux armes mêlées au même moule...
Copies carbone,
Copiées car bonnes,
Ivoirée ivre houle
Dont l'hiver va mendier 
Dans le lit de la goule...
Elle mordille et nous onyx, 
Quand neigera-t-il jeunes phénix ? 

*
Des cerisiers tombait la grêle
Et avec elle l'herbe.



Unica Zürn - Mercies