dimanche 17 mai 2015

Travail autour d'un précipice ou "Comme on le fait des ronces..."

L'histoire est la même chaque fois
Il fait froid
Notre corps s'est diverti de mille et une manières, on l'a rempli, vidé, rempli.
Et les enfants dehors chahutent comme on faisait aussi.

Ils s'inventent des noms, des jeux, des héritages
Des collections de souvenirs si durement incrustés
Que même un bain de lave ne les décollerait pas.

Ils boivent sans le savoir le vin de la jeunesse
Et ce cépage, étrange, tient dans une bouteille aux qualités bizarres
Car elle paraît toujours vide et pourtant, il suffit d'un peu de chance, d'un peu d'effort, de sentiment
Pour que monte à nos lèvres son or rosacé.

...
On parle de passion bien souvent quand on veut faire du mal
On invoque ce terme aux contours rouges et clairs
Pour ne pas s'avouer notre mépris de l'autre,
On ne veut pas vivre sa passion...
On veut trôner en haut du monde et que tous nos suiveurs lèchent nos pieds en pleurant.

...
Non, en fait
Ce n'est pas une histoire
C'est juste un dénouement

Un point critique
Parce que la nuit est longue et qu'elle est habitée par des astres défunts
Parce que ces lignes d'étoiles mortes ne sont là pour égayer nos yeux
Elles sont là pour nous dire que tout ici s'éteint

Et qu'il est inutile de s'en faire pour autant
Parce que le feu gagnera
Dans deux mille millénaires
Le feu gagnera et emportera tout

Il n'y aura plus alors de pauvres dans les rues,
D'enfants dans les charniers
Ni de coeurs que l'on brise à l'autre bout du monde, comme ça, pour se distraire.

Il n'y aura plus que le feu, impassible, juteux
Allongé dans l'espace comme une baigneuse anglaise,
Le feu cessera de poser des questions,
Il sera la réponse et elle nous suffira,
Car le feu fera mieux que tout l'amour humain, que tous les traités de paix,
Que tous les dons de reins,

Car le feu réussira là où tous échouèrent,
Qu'ils fussent fiers astronautes ou ouvriers des mers,
Qu'ils fussent frères de dentiste ou fils d'infirmière,
Le feu réussira en les contentant tous

Tandis qu'il effacera des âmes la frustration,
L'absence, la maladie, la mauvaise digestion
Et qu'il les remplacera par l'intime sensation
De ne faire qu'un
Avec rien.

Nous mêmes devenus lignes d'étoiles que nul regarde encore
Nous serons riches et beaux
Acclamés et prospères, tous et toutes sans distinction
Ni d'esprit ni de corps.

Le nouveau-né d'Afrique au sang déjà bouillant
Sera au même niveau que l'atroce sultan
Faisant danser des reines au bout de sa ceinture
Et l'égal également d'un dignitaire allemand

De ce genre de dignitaire allemand qui fit sa vie
Sur l'expulsion du gaz aux travers de poumons
De femmes et puis d'enfants,

De ce genre de dignitaire allemand qu'on adora
Qu'on avait envie d'inviter à sa table le temps d'un morceau de viande
Ou d'une blague graveleuse,
Et que sa femme aima avec le coeur ardent.

Nous serons tous égaux cette fois sans plaisanter
Monstres et sauveurs, femmes et violeurs,
Et nous serons tous ensemble qu'importe notre peur...
Ainsi...celle qui fut harcelée par toute une armée d'hommes
Celle qui fut abusée sommairement
Trois nuits par semaine
Par quatre hommes différents,
Celle qui ramassa ses dents quand ils étaient trop ivres
Ou bien comme ils disaient : "quand ils brûlaient de vivre"
Celle qui fut réduite à pire que le suicide,
C'est-à-dire au silence et à l'oeil tremblant

Celle-là
Quand le feu se pointera
Aura à son tour une place au premier rang

Voilà pourquoi le feu est nécessaire
Voilà pourquoi je regrette de ne pas être dans deux putains de millénaires
Parce qu'ici pour l'instant tout est froid,
Tout est comme loin de moi, comme la guerre
Et donc omniprésent.

Je vois les chairs s'écrouler
Les foules se lever puis sourire à nouveau
Avant d'être frappé par une bombe au phosphore,
Je vois les couples qui finissent et les boîtes de nuit
Pleines à ras-bord d'hommes désespérés,

Je vois l'alcool, la cigarette, le café, le travail
Les stores qui donnent sur des zones qu'un aveugle fuirait

Je vois aussi de merveilleux décors
Mais ils sont loin...
Soit dans ma tête
Soit dans celle du voisin

Aurore...non, toi, je ne te vois plus
Depuis que tu es partie aux bras d'une inconnue
Une grande blonde, dans les 1m90,
Architecte de son état, originaire de Suisse

Autrement dit un rêve qu'on ne peut pas partager
Ou on pourrait mais non c'est impossible
La vie ne dure qu'une fois et vite on est âgé
Alors on ne refuse pas la douce main de Cybil

Sous prétexte qu'un type
Un peu bancal et sans courage
Promet de grandes choses
Qu'immédiatement il lâche...

C'est toujours la même histoire
On essaie d'explorer les planètes, les mondes, les univers
Et on retombe toujours sur notre trou de verre
Cercle de glace que soi, la terre entière,
Où il fait froid
Comme en hiver
Là-bas...

Où les enfants chahutent et s'inventent des noms
Tandis que derrière eux chuchote le démon :
"Jalousie
Excès
Mondovision
Je prendrai toutes les formes et toutes les divisions
Pour que la nuit soit longue et glaciale comme il faut
Pour qu'elle vous suggère ce qui sûrement arrive
A savoir que votre homme se fait sucer par Eve
Ou bien que votre femme jouit sur son meilleur ami
A savoir que les hommes sont des merdes
Et les femmes des salopes
Qu'il n'y a pas d'amitié qui tienne
Et que votre petite fièvre
Est un staphylocoque...
J'userai de tous mes dons pour que vous ayez mal
Coincé comme vous êtes dans cette prison d'étoiles
Je jetterai dans vos crânes le regard de ces autres
Qui savent vous rendre fragile à l'instar du cristal
Et je jetterai pareil le sourire prénuptial de celle qui s'est cassée
Sans dire un mot, par un matin,
Alors que vous l'aimiez.
Je plierai vos boyaux, assécherait votre langue, irriterait votre sexe
Le plus longtemps possible et avec rudesse.
Je ferai de vos yeux des phares clairs de sanglots
Mais sans le soulagement des larmes qui traversent
Elles resteront là, comme collées sur vous, comme vous regardant
Miroirs salins de vos tourments.
Parfois, mêmement, selon l'humeur
Je ferai paraître à vos veines des fleurs
Et pas des hortensias mais des bien mémorables
Des fleurs extraordinaires, de vraies fleurs de fable,
Simplement pour que vous pensiez à la beauté des champs
A l'élégance du vent, à la grâce du printemps...
Jusqu'à ce que le souvenir vous rattrape brutalement :
Ici il fait moins trente et même s'il y a du vent
On ne le sent pas passer sur son fauteuil roulant.
Car c'est là que vous êtes malgré tous vos avions
Vissés au siège pâle d'une seule destination
La plus banale qui soit
Direction le trou noir où seul le regret voit.

Votre fille grandira sans vous
Vos livres ne seront pas lus
Votre veuf aimera une femme qu'il baisera comme un fou
Votre mort ne fera pas de déçus.
Car c'est comme ça que ça marche
Ici il pleut à mort et il n'y a pas d'arche."

...où les enfants chahutent jusqu'à la nuit tombée
Avant que maman appelle, que tous les chats s'affrontent,
Avant que toutes les rues ne se remplissent de honte
De honte qu'on achète, qu'on troque, qu'on revend,
Pour que plus supportable soit la fin du présent...

Il aurait fallu que maman appelle éternellement
Qu'elle nous empêche d'aller dans ces éternuements
Au coeur de ces corps cassés, quasi nus, cocaïnés
Parmi ces trottoirs émaciés où cèdent le périnée

A coups de lame...contre quelques billets...

Il aurait fallu que maman appelle éternellement
Pour m'empêcher d'avoir peur à chaque retardement
Peur qu'il t'arrive quelque chose
Ou qu'au fond de toi se recourbe la rose

Celle que j'avais posé il y a bientôt cinq ans
Amoureux que j'étais d'un esprit indécent
Un Djinn troué...pour mieux laisser passer la lumière
Ta lumière, celle du first rayonnement

Avant qu'on construise tout, les villes, les océans
Avant même que Dieu nous mette la main dessus,
Elle était là
Tu étais là

Le feu dont on parlait qui chaque plaie guérira
Ma foi, la seule façon que j'ai pour être heureux sur Terre
Toi, ton bras, et ton visage fin qui me regarde fière
Fière pourquoi ? Parce que tu es avec moi ? Parce que tu ES avec moi ?

Ou parce que tu sais que même dans la Longue Nuit
Avec les diables et tout, avec l'infini froid,
C'est toi qui gagneras et resteras debout ?

...enfin
Sache que je t'aime
Et que si effacer ce texte suffisait à te faire t'approcher ne serait-ce que d'une once
Je l'effacerais sans hésiter
Avant d'aller brûler - au cas où - toutes les bibliothèques
Comme on le fait des ronces...


Thorvald Niss - The drowned man's ghost tries to claim a new victim for the sea



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