mercredi 19 novembre 2014

Le ciel s'éclaircissa quand tu soudain vers moi

Néron quand il laissa Rome à la merci des flammes, des viols et des pillages, ignorait que l'hiver serait incompétent.
Il pensait comme un singe que les nuits floconneuses suffiraient à faire taire son fleuve rougissant,
Que la pluie et le froid feraient l'affaire et blanchiraient bientôt ces rues pavées de sang.

Contre ses dents les fruits explosaient des saveurs, des goûts de profondeur,
Des fièvres dont on ne veut pas guérir chahutaient ses viscères alors que lentement
Il pénétrait les chairs de ses jeunes servantes.

Néron allait mourir mais pas sans avoir joui
Dans le plus de conduits à sa disposition.
Néron allait mourir mais pas dans l'incendie
Mais dans son lit, dans sa maison.

Sous ses draps, il allait rêver comme au temps de la sieste obligée.
Il allait rêver des rêves d'une Rome renaissante
Lavée par le feu, toute nue, éblouissante.

Ensuite, un homme viendrait recoudre ses paupières et lui couper la gorge.
Ensuite il coulerait, perdu sur les eaux blanches,
Serein comme un enfant et sage comme un mort.

*
La vie devait reprendre son cours normal, 
Avec ses rebellions, avec ses esclavages, 
Avec ses gladiateurs face à des lions en nage.

La vie devait tuer d'un coup sec l'Image
De ces grises parois concassées ardemment,
Ce symbole émouvant d'un monde qui s'achève et de l'Art revenant.

La vie devait tout ça et même plus :
Construire des usines et des places pour les bus. 
Mais la vie elle aussi ignorait l'essentiel ;

Cachée, là, dans la pierre, à deux cheveux du ciel
La flamme avait survécu bizarrement.

*

Et comment et pourquoi on ne le savait pas 
Mais elle était bien là cette légendaire fournaise...
Quelques siècles plus tard...en banlieue parisienne...
Elle était là.

Tableau qu'on ne peut pas peindre
Musique sans oreille
Impossible à éteindre 
Étendue dans mes bras. 

Je prends, chaque jour à cause d'elle, 
Des bains d'onguents et de pommade.
Je prends, chaque soir grâce à elle, 
De puissants bains de lave espérant la noyade. 


Arnold Böcklin - L’Île des morts

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