jeudi 12 février 2015

Le thème de la suppuration

La littérature a cela d'attrayant qu'elle permet, pour peu qu'on s'en donne la peine et qu'on change de braquet, d'aborder chaque feuillet comme une zone décisive où, selon la forme empruntée par le siècle et s'il on a décidément de la chance, l'on peut du doigt toucher, un peu, l'éternité. C'est-à-dire que, vraiment, une feuille blanche, à condition qu'on soit dans un état typiquement génial, peut, quelques heures plus tard, être et devenir une Joconde inédite. Quand on y pense, c'est fabuleux.

Les idées un instant bataillent dans notre tête et puis, quelques instants et mois plus tard, les voici allongées et humides sur le lit frileux de notre inspiration. On aurait pu avoir une migraine ou se reprendre une pinte mais non, on vient de faire le coup du siècle. Et devant nous notre crâne prend une pose suggestive, sphère lumineuse et tatouée de fragments infernaux, il brûle qu'une main étrangère s'approche et le caresse. Il brûle qu'on le pénètre avec les yeux et les poumons. Il brûle d'être lu et aimé pour de bon.

C'est là le souci de la plupart des crânes quand ils sont bien formés, ils sont tous persuadés que leurs os vaguement dépoussiérés suffiront à séduire et les fous et les forts. Mais les forts s'en foutent des crânes tant que ceux-ci ne leur rapportent rien. Quant aux fous, ils prêtent bien trop attention au teint de leurs crânes personnels pour s'enticher de celui d'un troisième, fut-il révolution.

Alors restent les pauvres, cette nation sans dents et sans robot-mixeur. Eux rêvent seulement de manger mais comme c'est compliqué et qu'il est plus probable de tomber sur une bible que sur un faux-filet, ils leur arrivent de lire. Malheureusement, les pauvres lisent lentement. Très lentement. Trop lentement. Aussi lentement que la lenteur peut faire. Tellement lentement que lorsqu'un de leurs maîtres, les défroquant, met la main malgré lui sur votre crâne de mille pages et demi, vous êtes déjà mort comme un enfant d'Afrique. Votre gloire vous est passée sous le nez comme une chenille maintenant et vous n'avez pas d'héritier.

Tant pis. Tant mieux. De toute façon même l'éternité ne dure qu'un an ou deux.


Silent Hill 4 - Ost Back



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