dimanche 22 février 2015

La violence comme la beauté / Fantasy Star

    Samus Aran est une femme. La combinaison bleue arpentant cent et un couloirs obstrués par des jets de vapeur ou des vagues d'aliens mécontents est une femme. L’amas de cubes en mouvement qui passe d’une salle à l’autre et bleuit progressivement la carte est une femme. Le souffle paniqué, rapide et décisif qui gonfle sous la pèlerine de ce scaphandre ultramoderne est une femme. Samus Aran est une femme mais mon père est un homme.

Mon père, il est un peu comme moi, mais en plus gros, mais en plus gras. Une sorte de version ratée de moi-même. Sans grâce aucune et tout en défaillance. Je suis, certes, moi aussi, une version ratée de moi-même mais mon père vraiment, il s’effondre dans les grandes largeurs. Parce qu’il est un menteur patenté dont la mauvaise foi ferait verdir d’envie tous les politiciens. "Il est plus fort que nous ce gars, il ne se démonte pas d’un pouce, même la main plongée dans le pot de rillettes, il oserait prétendre qu’il ne mange que des fruits ou des produits laitiers !" C’est un piège humain, mon père. Un piège façonné par des années d’usine et de repli sur soi. Un piège humain qui tue ma mère avec habilité.

Alors pour ne pas mourir ma mère est partie à la neige et j'ai dû rester seul avec mon père. Sept jours ensemble, dans la nuit continue du nord de la France. Sept jours passés davantage avec Samus Aran qu’avec mon géniteur au corps de crapaud lourd. Mon Dieu, mon père, quand il mange, c’est bien un mélange entre une saloperie de grenouille et un bovin putride ! Quand il mange, mon père, on dirait qu’il sort des camps et que la nourriture remplit jusqu’à son cœur. Il garde la bouche ouverte aussi, quand il mange mon père. Et cela me répugne follement et fait des dîners avec lui des moments douloureux.

Pourquoi es-tu un monstre, papa ? Je lui pose cette question, presque de travers, presque en me reculant. Je ne suis pas un monstre. Je suis ton père et j’aime ta mère. Pourquoi tuer ma mère alors si tu l’aimes tant ? Je ne la tue pas. Je l’aime. Elle, elle aimerait seulement que je fasse plus de choses dans la maison, comme le ménage ou la bouffe le soir mais moi, je n’aime pas ça, ce n’est pas mon rôle. Quel est ton rôle dans ce cas ? Je ne sais pas. Puis, ses deux yeux bleus plein d’abattement me fixent, puis, il esquisse un sourire que je sais forcé et faux - et sans doute commandé par les familles d’antidépresseurs qui s’ébattent actuellement dans sa cervelle vieillie.
Mon père mange toujours. Il me promet qu’il va faire attention une fois que ma mère rentrera et il mange toujours. Son ventre est gros. On pourrait y faire vivre des enfants sans problème. Il reprendra le sport. Il me le promet. Le sport et la vie civilisée. Tandis qu’il me ment et mange à l’aide de ses mains et la bouche grande ouverte, un de mes nerfs explosent.

Le fantasme que j’ai eu tant de fois logé au creux des yeux se réalise enfin. Je viens de prendre mon couteau à steak et de le planter dans la joue gauche de mon père. Le fantasme se réalise enfin ! L’action prend forme, enfin, j’agis ! Je ne suis plus là à imaginer d’impossibles scenarii alors que l’existence réelle me passe sous le nez, alors que les baisers se font sans moi et que tout le monde gagne en baignant dans mes larmes. Je fais, je suis ! Un premier coup de couteau bientôt suivi d’un second puis d’un troisième. Le sang coule dans l’assiette et sur les œufs au plat préparés par mon père.

Il est choqué. Son cœur rempli de nourriture lâche prise sous l’effroi. Le boom boom graisseux devient silence total. Le petit chien, d’habitude surexcité autour de la table, est parti  se réfugier dans le salon. Il n’aboie pas. Il sait que j’ai raison. Une plaie se dessine largement sur la joue de mon père en train de trépasser. La suite de mon fantasme me dit qu’il faut qu’elle s'épaississe.

M’appuyant sur mon couteau et aidé de mes deux mains boostées par la musculation, j’agrippe la chair ensanglantée de la joue paternelle. Et j’écarte, j’y vais de toutes mes forces, parmi les nerfs, le sang, et les articulations. J’enfonce mes doigts dans un réseau de dégueulasseries cartilagineuses qui semblent ne pas avoir de fin. Et j’écarte, encore et toujours. Les os craquent, les nerfs sifflent et font un bruit d'éponge. Et j’écarte, vraiment, j’écarte de toutes mes forces. Le trou doit grandir, je dois effacer au maximum le visage de mon père. Parfois, je reprends mon couteau, je le plaque à droite, je le plaque à gauche, histoire de gagner quelques centimètres. Je le repose ensuite et je reprends mes mains. Je les enfonce profondément et continue d’écarter comme on déchire du papier cadeau.

Mon père est mort et la moitié gauche de son visage n’est plus qu’un trou béant. Qu’un humide fossé où repose une langue molle. Mon fantasme, sorti de mes yeux bleus et posé sur la table, me dit que ce n’est pas fini. Je vois le trou. Je ne reconnais plus mon père. J’agis. Sous la faible lumière d’une ampoule bon marché, je sors mon sexe et commence à l’exciter. Je vois le trou. Entrebâillement sanglant, ouverture sur le monde.

 Une fois durci, j’insère mon sexe dans le trou devant moi. Et je vais, et je viens, la peau de mon sexe frotte contre les os brisés et la salive recouvre la pointe de mon gland. Et je vais et je viens, pendant cinq bonnes minutes. Avant d’éjaculer sur ses dents ébréchées et sur sa langue molle.
Je me retire. Le plus dur est fait. Je passe dans le salon où le chien flippe sa race. Je l’attrape par le col et le flanque dehors. Qu’il se fasse bouffer par les chats du voisin, je n’aime pas les chiens (je n’aime pas non plus les chats du voisin parce qu’ils ont tué le mien mais je les préférerai toujours aux chiens). La télé est allumée. Elle parle d'importantes chutes de neige du côté des Etats-Unis. Je ressens pour ma part une forte chaleur au niveau de la nuque. Sans doute est-ce là mon âme qui essaie de s’enfuir ?

Je remonte dans ma chambre. La nuit est là et Samus m’attend. Samus est une femme armée d’un rayon plasma qui peut OS nombre de ses ennemis. Mais Moi, je ne suis pas son ennemi. Je suis même tout le contraire ! Et je vais lui prouver en la sortant fissa de cet enfer. J’appuie sur START. Le thème principal se fait entendre. Les couleurs crient et balaient ma rétine. J’appuie sur DROITE. J’agis ! Enfin...

...Pendant que dans la cuisine, mon père, après avoir débarrassé la table, s’apprête à manger, ni vu, ni connu, un bon morceau de flan.


 
Super Metroid Bluie Suit Glitch - BlueBandanaJake


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