dimanche 19 avril 2015

Concrétude

J'aurais dû me souvenir que j'étais à jeter
Mais non j'ai continué à me voir tel une feuille de papier
Où l'on pourrait écrire de raffinées histoires
Et non comme une boule, repliée, déchirée, promise au désespoir

J'aurais dû me souvenir que j'étais à jeter
Et du genre incapable de faire quoi que ce soit
Sinon me plaindre, sinon rêver de moi
Au lieu de m'exister, de m'accomplir, d'ouvrir enfin ma voie

Celle du réseau bleue, de la toile saphir
Celle des veines haineuses qui deviennent soupirs
De joie, de musiques, d'arômes et d'opiums
Celle de l'enfant peureux qui se déguise en Homme

J'aurais dû me souvenir que j'étais à jeter
Comme tous les masques,
Comme toutes les frontières
Parce qu'au fond nul succès ne me sauvera du vide.

Et même s'il y arrive,
J'irais presto sprinter au bord du précipice
Où j'attendrai
Soit qu'on me tende la main
Soit qu'on me pousse bien

J'aurais dû me souvenir que j'étais à jeter
Car après tout, j'ai été créé tout à fait pour tomber
Depuis que mes deux jambes sont comme deux yeux qui louchent
Depuis que l'oxygène a manqué à ma bouche

Et donc, je tombe !
En me souvenant, durant ma chute longue
Du soleil et de sa coiffe blonde
De ses rayons épanouissants
De sa bonté
Et de comme il me semblait près
Alors même qu'il était à 100 millions de kilomètres

Parce que c'est ça la vraie puissance astrale
Ça vous irradie, même à distance, même dans les rêves,
Ça vous sauve la vie, vous illumine la moelle
Et c'est pour ça que vous vous en souvenez
Alors que vous tombez
Dans les bras de la nuit
Et de la médiocrité.

Vous n'avez rien fait de votre vie sinon tomber de haut
En prenant mille un fruits au passage, chaque fois les plus beaux.


Andrea Mantegna - Autoportrait extrait de la Chambre des Époux

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