samedi 17 janvier 2015

A chocolate croissant, some cold milk and the infamous leader of the Nazi Party

Au matin, Adolf Hitler aimait plus que tout tremper son pain au chocolat dans un grand bol de lait bien froid. C'était pour lui un fondamental rituel, une base inaliénable qui garantissait - en cas de parfaite exécution - l'éclosion d'une journée réussie. Alors Adolf se levait tôt afin d'arriver le premier à sa boulangerie préférée et c'est avec de lourds cernes sous les yeux qu'il en ouvrait la porte et qu'il entendait la clochette tinter. Ding ding. C'est moi, c'est Adolf, je viens chercher mon pain au chocolat ! La boulangère, une allemande toute en rondeur et charme, l'accueillait avec un sourire tout de même légèrement feint tant elle était crevée par sa nuit passée sur les reins du fils de l'imprimeur. Le pain au chocolat, encore chaud, à peine moulée, frétillait au fond de son sac de papier blanc. Il avait un peu peur d'être mangé bientôt mais il pouvait, heureusement, soulager une partie de sa peine en en parlant avec son voisin, un pain au chocolat quasi identique à lui, qui tenait dans le même sac de papier blanc. Parce qu'Adolf Hitler était quelqu'un d'absolument prévenant et qu'il savait très bien que pour que son plan n'échoue pas, il valait mieux qu'il ait le droit à l'erreur. Voilà pourquoi tous les matins il achetait non pas un mais deux pains au chocolat afin de s'assurer qu'au moins l'un des deux soit tant en terme de taille, de texture que de goût à la hauteur de ses solennelles espérances.

"Gardez la monnaie ma brave !" disait-il tout excité à l'idée d'être sous peu chez lui en train de déguster son délicieux pain au chocolat trempé dans le lait froid.

Une fois rentré et doté des viennoiseries adéquates, il lui restait à régler le problème du lait et de sa température. Car le lait, tout comme chacun des liquides extraits d'un animal aussi téméraire que la vache, est un véritable casse-tête pour la conservation. Il peut tourner, il peut perdre sa saveur, il peut devenir crémeux, il peut être si froid qu'il aura le goût de l'eau etc...Par conséquent, c'est non sans angoisse que chaque matin Adolf Hitler sortait sa petite bouteille de lait de ferme du réfrigérateur. Il savait que le moindre trouble vécu par ce lait d'une grande préciosité risquait de plonger dans l'amertume l'intégralité de la journée à venir. Il commença, malgré l'importance de la tâche, à verser plutôt tranquillement son lait dans son bol de céramique des Alpes. Ses yeux, ivres d'excitation, étaient comme penchés au balcon d'un opéra fantôme entièrement dédié à son plaisir intime. Et les pains au chocolat conversaient, tour à tour morts de peur et de rire comme lorsqu'ils comprenaient toute l'absurdité de la vie, de la mort. Le chocolat, en barres, était issu d'un artisanat sublime, il avait été confectionné par quatre personnes terriblement qualifiées, de vrais maîtres chocolatiers mais pas de ce genre de maître chocolatier vieux et obtus, non, c'étaient des maîtres chocolatiers jeunes, ravissants et tout à fait géniaux. Le chocolat, enfoui sous le pain, n'avait pas vraiment peur, il restait digne, il savait que sa destinée était d'être haché par des forêts de dents et des scies de salive. Vraiment, l'attitude du chocolat dans cette situation était exemplaire, elle aurait pu mériter une médaille et tout sauf en lui-même.

Adolf Hitler tira l'un des pains au chocolat du sac en papier blanc. Il y avait comme une pointe de quelque chose dans son sous-vêtement. Enfin, après presque une heure d'attente et de préparatifs, il plongea le plus chaud des deux dans le lait à la fraîcheur mystique - lait qu'il avait goûté juste avant, d'une moitié de lèvre, histoire d'être certain qu'il n'allait pas gâcher ce moment d'absolu. Il le ressortit du lait, son corps pâteux était imbibé et annonçait un fondant des plus miraculeux.

Adolf mit le pain au chocolat dans sa bouche impatiente.
Il se moquait bien des possibles éclaboussures du lait, il avait taillé sa moustache aérodynamiquement de sorte que pareille gêne sur lui ne pouvait exister.
Il mordit. Grumpf. Chantant désormais dans le même chœur, le canon du lait et de la pâte moelleuse touchait à des harmonies folles. La pâte était douce et sucrée et le lait propulsait des injections subtiles de paradis latin contre le palais abasourdi du Führer. Et c'est là, tandis que tout paraissait déjà bien orgasmique, que le chocolat rentra dans la partie de toute sa profondeur...sorte de baiser gigantesque capable de recouvrir une tête toute entière, le chocolat serre dans ses bras ceux qui savent s'y soumettre et les relâche seulement pour qu'ils puissent souffler et crier de jouissance.

Adolf Hitler, après sa première bouchée, était dans un état d'ataraxie complète.

Nous étions en 1919 et quelques années plus tard, sa boulangerie favorite fit malheureusement faillite.

Dépité mais pas abattu, Adolf Hitler se consola par la suite comme il put.
Il essaya d'autres boulangeries - toutes décevantes - puis le thé, l'alcool, la codéine mais rien n'arriva à la cheville du pain au chocolat trempé dans son lait froid.
A part, peut-être, le fait d'abattre à bout pourtant un père de famille juif implorant le pardon.
Mais là encore et même s'il adorait cette occupation, il n'était pas heureux comme à l'époque, bénie, du lait et de la viennoiserie.

 Adolf Hitler mourut le 30 avril 1945 à Berlin après une vie politique des plus mouvementée.
La boulangère, du nom réel de Gertrude Erderle, quitta l'Allemagne pour les États-Unis (toujours avec les reins du fils de l'imprimeur) en 1924 et devint, deux ans plus tard, la première femme à traverser la Manche à la nage.
Le fils de l'imprimeur, ainsi que ses reins, ne devinrent rien de palpitant.
Le chocolat, quant à lui, resta digne jusqu'au bout.
Respect.


Parade pour Gertrude - NY 1926

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