lundi 1 mars 2021

Tuer la poésie est mon rêve le plus cher. 

Mais la tuer bien hein, définitivement sans laisser d'os, jusqu'aux racines des racines ! 

Pourquoi un tel désir de meurtre ? 

Parce qu'il est temps, grand temps, pour elle de dire au revoir. Elle a trop paradé, trop défilé à la façon des chars un jour de Mardi Gras. La poésie n'est pas un char.

Au mieux, elle est ces confettis qui les suivent...

Pas un char en tout cas. 

Si elle s'était contentée de son existence ridicule de grêlon, du genre qui fendille un pare-brise hyper rarement, initiant par la même un tout début de brèche pouvant vite devenir, à condition qu'on l'aide, une ouverture vers

Si elle s'était contentée de ça, je n'aurais pas eu ce rêve de lui briser, de mes mains nues, et la nuque et les doigts. Je l'aurais laissé tranquille continuer son commerce jusqu'à ce que toutes les averses soient devenues trop chaudes pour produire le moindre échantillon de grêle.

Mais elle a paradé, adressé des éclats à la foule etc.

Au point que chacun a pu s'en faire une image précise, un poster, une photo, une affiche. 

Hérésie isn't it ? I agree mais c't ainsi, la poésie est désormais une icône publique, un outil marketing, une figure de proue du sacro-saint steam-boat info-merchandising.

La poésie s'est définie en entrant, hautement maquillée et étoiles de plastique collées sur les deux joues, dans le hall du réel, c'est-à-dire à Wall Street. 

Tous les jours son cours grimpe, pour la joie stalinienne de traders rimbaldiens connaissant sur le bout des doigts - en plus de leurs ongles élimés everyday par l'action régulière de gencives ultrasaines - "Le bateau ivre" et "je crois un truc d'Apollinaire", et peut-être du Yeats, du Keats ou du Quetches.

Tous les jours la poésie fait des émules immenses tentant de la reproduire dans des laboratoires d'une extrême récence où tout est soigneusement disposé et poli, des béchers à la fulgurance. Et c'est de ces labos-là que sont quotidiennement déjectés d'adorables rectangles à l'odeur de fourniture scolaire emplissant les bassins déjà bien infectés des revendeurs et des libraires. 

Certaines et certains s'obstinent à qualifier ces pollueurs de "sensation" voire de "nouvelle sensation" voire de "poète / poétesse" (mais cela est plus rare parce que le mot fait peur)(et le mot fait peur parce que là où la poésie, de par sa belle pénétration sur le marché mental, fait figure d'emblème libre permettant toutes les pitreries possibles, le mot poète / poétesse oblige son récepteur à posséder beaux yeux, bel œil et connaissance profonde des variétés de fleurs. Il ou elle doivent de surcroît s'intéresser toujours à cet autre phénomène par le passé vagabondant en pagne et désormais flottant constamment dans les cervelles caféinés des boursicoteurs les plus graves : le dénommé Amour)  mais de mon côté, le mot pollueur me paraît mince compte tenu de l'impact désastreux de tous ces livres-livarots sur le devenir de notre espèce. 

...

Tuer la poésie est mon rêve le plus cher. 

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