lundi 28 décembre 2020

LMDLJB

 Il y a, ici où je dois être avant que de descendre encore, une fenêtre donnant sur une portion de ciel. Je peux y voir s'y promener librement les nuages, morceaux choisis d'un Dieu pulvérisé. Aussi, deux colonnes de fumée, l'une suivant la lente marche des restes consacrés, l'autre immobile, invariable et gelé, s'y lisaient de tout temps. Pendant une longue période de ma vie ordinaire, durant laquelle les allers et retours n'étaient pas un problème, je me suis senti proche de la première colonne. Maintenant qu'enfermé, si la seconde me parle, bien sûr, davantage, ce n'est qu'avec regrets que je constate notre gémellité. 

J'ai couché nu, par le passé, avec une dizaine de femmes dont au moins la moitié, dans mon esprit, étaient pensées comme la dernière. Mais les aléas, allant de la perte du désir à l'éclat particulier d'une matinée délivrant sous ses plis jaune cire un message d'abandon ou de fuite, décidèrent mon erreur et j'ai donc continué à rencontrer et à séduire. L'ultime femme qui me quitta, ou que je quittais selon qui contrôlait les circonstances de la discorde, me laissa en cadeaux deux tapis de valeur. Elle aurait aimé les prendre mais l'idée d'une énième confrontation avec moi sur la base de ses seuls tapis lui était impossible, il ne valait pas pareil sacrifice, bien que subtilement tissés et coûtant chacun beaucoup. Je peux comprendre son refus. N'ai-je pas laissé moi-même des livres et des vestes dans des chambres non par dégoût pour eux mais défiance à l'égard de leurs gardiennes d'un soir ? 

Ces tapis sont dominés, en plus des fleurs et étoiles d'usage, par la figure du losange. Le losange, montagne dans un miroir, m'a toujours poursuivi où que j'aille et sans que je le cherche : là présent à l'encre sur le front d'une amie, ici sur la porte d'un frère désormais disparu. Losange, losange, losange. Il doit sûrement y avoir dans un ouvrage, chinois ou scandinave, une explication concrète quant à la permanence de ce symbole pour moi. Je veux dire, au-delà de cette notion de reflet et de sa ressemblance, évidente, avec l'entrée du temple de Vénus, peut-être rhombe ailleurs équivaut à la puissance d'un lion ou à celle d'un torrent, et peut-être que grâce à ce savoir, j'aurais pu mieux me préparer à pénétrer l'arène ou veiller à bien avoir sur moi mon gilet de sauvetage en cas de cataracte. Je ne le sais pas mais les tapis cependant restent là.


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