dimanche 8 mars 2020

Traversière

Tu sors. Une porte, une clef qu'il faut enfoncer largement pour que verrou se fasse, un couloir et près de six étages, une cour, toujours pavée et comme trempée de pluie, une seconde porte, rouge celle-là mais surtout bien plus haute. A peine l'as-tu poussé que déjà se découvre, en plus de la ruelle, un horizon de magasins perpétuellement ouverts. On y trouve notamment une épicerie fine et cotée apportant l'Italie par ses plus beaux aspects : des vins, des pâtisseries et des laitages. A côté d'elle se tient une menuiserie dans laquelle, au-delà des meubles anciens, un pantin se retape. Le patron le bichonne, lui fait bras, des jambes, lui simule un bassin... Et puis, au bout de ces commerces là où la plupart des quartiers parisiens proposent ou des transports ou bien d'autres commerces, chez toi on trouve un arbre... mais pas n'importe lequel !
Il est maigre, il est froid, affreusement voûté et donne l'impression qu'une simple bousculade le casserait en entier. Enfin, il est comme ça uniquement pour les autres...
Parce qu'avec toi, c'est-à-dire dès que tu t'en approches, et ce même en automne, il est paré de couleurs étonnantes... une palette d'A à Z, azurs et zinzolins, céladons et groseilles, et même des cuisses de nymphes et de blondes vénitiennes... c'est soleils et planètes ! Et c'est cela qui le tient malgré sa mine blême pour ceux de tes voisins qui le voient apparaître.

La raison de ces teintes réservées à ta tête ? Des oiseaux par centaines, masse de plumes qui s'agrègent et forment un bouquet saint histoire que tu l'observes... puisqu'après tout, c'est pour tes yeux qu'ils viennent. (Pour tes yeux également qu'au-dessus dans le ciel un invincible bleu douceureusement progresse, qu'importe qu'il fasse nuit ou qu'à deux pas du gris dépose pire qu'un couvercle. Pour tes yeux la Nature conspire des prouesses, quitte à se déchirer et risquer par échos d'engloutir tout Vincennes...
Et pour tes yeux, pareil, je deviens un poète... aimable et beau, en un mot un esthète mais qui aurait compris la vérité secrète : à savoir que tu es tout ce qu'il faut qu'on célèbre !

 *

Tu sors et à ton cou, tel qu'un collier de pierres, tous mes baisers se jettent.
On ne peut qu'adorer une force aussi nette.)


Carlos Schwabe - Dessin de rose en illustration de "Au jardin de l'infante"

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