lundi 1 janvier 2018

The main antagonist (partie 2)

Déchaîné finalement

La vérité, sur Terre, c'est que la solitude m'a toujours embrassé
Et qu'il y eut, au cœur-même de mes grands moments de joie, niché toujours l'épine d'une douleur sans pareille.

La vérité, c'est que je suis né de l'infinie tristesse de parents tristes et violents, que mon corps fonctionne un jour sur deux seulement et que je rêve davantage d'homicides que de naissances d'enfants.

La vérité, c'est que j'ai cru en l'amour comme en la sainte Vierge, comme on croit également quand on est en jeunesse que c'est dans le vitrail que dort le soleil. Je vous ai toutes vu, comme ce vitrail, d'un bleu de sein et d'un rouge méthodique, sans voir que cette vitre teintée n'était qu'un fin écran vers l'infiniment.

La vérité, c'est que j'ai suivi toutes celles que j'ai aimé à la façon des chiens, donc en tirant la langue et en léchant ma laisse, sans jamais trop chercher comment l'on se défait de telle chaîne épaisse.

La vérité, c'est que le sentiment amoureux m'a fait perdre l'orgueil, l'amitié et l'argent, qu'une vie détachée me présentait pourtant.

La vérité, c'est que je me suis empressé de prendre tous les trains, toutes les navettes et tous les océans, en me disant que ces voyages étaient ma raison d'être, alors qu'être n'est rien quand meurt l'indépendance du cœur et de la tête.

La vérité, c'est que j'ai pensé bien faire, en sacrifiant l'ensemble de mes priorités sur l'autel des siestes et de la chair.

La vérité, c'est que je faisais mal, tant et tellement qu'évidemment ces femmes ne pouvaient qu'être lasses, de ce chien que j'étais, c'est-à-dire chien sans race qu'elles promenaient doucement au bout de leurs poignet comme une plaie dégueulasse.

La vérité, c'est que sexuellement, j'étais nul, nerveusement idem, sans parler de mon goût pour la vue des problèmes.

La vérité, c'est que je craignais tant de perdre celles que je pensais avoir glorieusement trouvé, que je devenais très vite un minable ministre aux exigences dignes de celles d'un martinet.

La vérité, c'est que j'étais une croix pour ces dos de jeunes femmes ayant tout sauf envie de finir crucifiées sur le mont Golgotha d'un amour transi.

La vérité, c'est que j'aimais seul, pour moi et la beauté que vêt généralement, la romance, le roman écrit à quatre mains à l'encre d'or des amants.

La vérité, c'est que j'étais épuisant, à vouloir revivre avec frénésie ces passions que les livres avaient si bien écrites.

La vérité, c'est que je vivais des amours petites, dans un monde inférieur et sans magie puissante ailleurs que dans l'édit de sonnets irradiants dont me manquait toujours le tercet salvateur...soit trois lignes de sang aux rimes réciproques et à l'air enchanteur.

La vérité, c'est que je m'enchantais plutôt à la toxine, c'est-à-dire au poison qu'est le poème du couple dès lors que l'assassine, les jalousies et peurs.

La vérité, c'est que je reprochais sans arrêt à ces femmes de ne pas avoir su, tout de suite, sauver toute ma vie ni transformer la nuit qui débauchait mon crâne, en ces étoiles filantes rendant les voeux permis.

La vérité, c'est que j'ai fait souffrir à l'aide de ma tendresse davantage qu'attendri à l'aide de mon spleen, n'ayant vu que la ruine en matant les montagnes et le rhume en ces bruines imitant le champagne...

La vérité, c'est que j'avais peur tout le temps qu'on m'abandonne et me rejette, au point qu'on m'abandonne, au point qu'on me rejette.

La vérité, c'est que je m'y suis mal pris en m'éprenant ainsi, au contraire de ces hommes nettement mieux établis qui savent que l'amour doit tenir du futur et non pas de l'oubli.

La vérité, c'est que partout, sur tous les continents, j'envoyais mes baisers comme des lettres d'adieu, comme des pressentiments, et non comme des feux le feu réinventant.

La vérité, c'est que je ne sais de l'amour que toute mon ignorance, et de la femme que son retentissement, sans m'être intéressé jamais au divin épicentre d'où venaient toutes ses danses...tous ces aboutissements, sincères et vraies, de vos intelligences ayant eu le courage de me donner une chance en plus de votre temps...ayant eu le courage d'aimer un peu un homme ne s'aimant pas lui-même et de lui indiquer, depuis votre vitrail, où dormait le soleil...ayant eu le courage d'embrasser et mes lèvres et la nue solitude ourlant ces rubis blêmes...ayant eu le courage de croire en moi avant que je ne crois, en l'existence, natale, de ma foi.

La vérité, c'est bien que je vous aime, chères femmes ayant eu le courage d'un jour me quitter afin que puisse s'écrire la suite du poème.

La vérité, c'est bien que je vous aime, chères musiques et chères chambres ayant eu l'obligeance d'élever mes oreilles ainsi que tous mes membres.

La vérité, c'est bien que je vous aime, car vous m'avez fait voir l'emplacement du soleil et qu'il était caché, comme tout ensoleillement, à l'ombre de cet arbre inspirant la confiance.

La vérité, c'est bien que je vous aime, car vous fîtes de mon cœur - en me le redonnant - une pièce d'argent où dansent à présent, et les reflets du ciel et ceux de l'océan, déchaîné finalement.


Alphonse Allais* - Stupeur de jeunes recrues apercevant pour la première fois ton azur, ô Méditerranée 


* mais où ? Nous l'ignorons.




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