mercredi 23 septembre 2015

Oni-risme

J'ai rêvé que je vomissais.
Ce n'est pas le genre de rêve qu'on recommande aux autres.
J'aurais préféré rêver d'incendies sur la lune ou de plages peuplées d'insectes bien membrés
Mais au lieu de ça j'ai rêvé que je vomissais.
Pas à flaques non plus je vous rassure mais suffisamment pour que ça marque.
C'était comme une gerbe de sang pour être plus exact.
Un reflux chaud, indésiré et rouge.
L'exacte sensation que la mort serait là si par mégarde on ravalait.

Voici mon rêve et rien de plus.
Des ruines eussent été plus avenantes.
Pareil pour les rêves consacrés à l'inceste.

Il fait tiède à cette période de l'année et c'est peut-être à cause de ça que mes rêves vomissent.
A cause de la tiédeur, de l'infinie tiédeur du jour septembrien.
A cause de ceux qui meurent et qui font nos défunts.
Ou bien est-ce la faute d'éléments invisibles, de menaces tapies, de trahisons longuement dans la pénombre ourdies.
Mon entourage prépare possiblement une surprise gigantesque pour mon anniversaire.
Il allumera la lumière en me voyant rentrer puis m'annoncera qu'il souhaite, qu'il espère, ne jamais me revoir.
Ma petite amie, mes frères, mes parents, tous me quitteront en même temps, comme seul sait faire le vent.
Il se trame, hypothétiquement, de telles barbaries en coulisses !

Rome défaite en une nuit.
Parce que Rome déjà fuit.
Parce que Rome est une ville dont le crâne s'est fendu tant de fois sur de précieux miroirs.
Parce que Rome manque de souffle, de charme et d'invectives.
Parce que Rome a mangé tous ses anges.
Parce que Rome dans les flammes se sent mieux, dans les flammes se sent vivre
Dans les flammes se sent feu.

Enfin, nous nous écartons de mon rêve premier et de la vomissure.
Tout en nous rapprochant, grandement, de ce qui tient les murs :
Poutres, architectures plombantes et pattes d'araignée,
Ce sentiment qu'un toit n'est là que pour brûler,
Derrière un éclair, une bombe,
Ou un poème raté...

Il aurait fallu taire ce rêve d'émétique
N'en faire mention nulle part
La littérature n'est pas le lieu où recueillir ces fluides
Elle est là pour le vin, l'urine et le torrent
Mais pas pour le sang d'un rêve dégueulant.

Alors oublions-le et concentrons-nous
Sur mon cauchemar

Mon cauchemar s'appelle ma vie à quelques détails près.
Puisque mon cauchemar est plus que possible.
Je vais vous dire mon cauchemar, laissez-moi...

Donc, la nuit
Une sorte de nuit qui n'en finirait pas et dont le jour serait une nuit encore plus imbattable.
La nuit et la présence en grand nombre des autres.
Hommes, femmes, enfants, de toutes les tailles et de tous les versants.
Ils conversent avec moi, je m'en sens détaché.

Ils me parlent et je les prends de haut, je ne devrais pas pourtant
Car ils ont une situation et moi je ne travaille pas, moi, je ne fais rien sinon le côtoyer.
Ils ont des rentrées d'argent régulières, des cercles de connaissances, ils vivent des instants de goût, des orgasmes certainement quelquefois et je me permets d'incarner celui qui les domine.

Je ne domine rien de plus qu'un cimetière nommé crâne
Dans lequel chaque jour s'enterrent des idées et sont brûlées
Des rames.
Je ne domine rien de plus qu'un océan noirci
Qu'une étendue liquide et pétrolière où je ne peux bouger
Car j'ai brûlé mes rames par peur d'avancer.

Avancer vers quoi ? Le succès est une aiguille qui a, trop souvent, pris l'habitude de passer entre les deux oreilles des têtes les mieux faites. Je ne veux pas de ça.
Je ne veux pas de ça...(j'en rêverai, j'en crèverai, de la reconnaissance, de la connaissance et du respect...mais...au fond de moi)

Les gens me parlent donc et je les écoute, sagement.
Je leur raconte ce que je suis, ce que je fais, et je vois bien qu'ils me méprisent.
Je vois bien qu'il pense que je suis un cran en-dessous d'eux
Mais je m'en fous, car j'ai mon océan, fut-il sombre
Car j'ai mon cimetière, fut-il plein à craquer.

Sauf que dans mon cauchemar, l'affaire est pire encore.
Un doute a pénétré dans mon cimetière pour y taguer ses croix gammées en rang.
Tandis qu'un grain de sable a coulé l'océan.

Je me dis que mes textes, tout ça, tout ce que vous voyez, tout ce que je vois
Ne sont finalement pas si bons.
Que je ne suis en fin de compte pas le maître d'un archipel parfait
Que ce n'est pas parce que je ne le veux pas que je ne suis pas lu
Mais parce que je suis tout bonnement illisible.

Mon cauchemar me place dans la peau d'un écrivain qui confondrait les "ça" avec les "sa" et qui n'aurait de cesse de parler des banlieues pour dire comme elles sont sales et dangereuses pour l'Homme.
Mon cauchemar me place dans la peau d'un écrivain sans talent, sans profondeur, ni chance, du genre qui pense que le mot mauve ne fait penser à rien d'autre qu'au mot "mauve"

Alors que le mot "mauve"
Fait penser
En soi
A toutes les couleurs, toutes les fleurs, toutes les émotions
Car c'est par elles qu'on passe avant de choisir mauve.
Parce qu'on doit aller dans une centaine de parcs nationaux et de bibliothèques anciennes avant de choisir mauve.
Parce que dans mauve il peut, il doit, y avoir ce qui sauve le monde.

Mon cauchemar me place dans la peau d'une personne
Qui aurait perdu cette idée-là
Qui aurait chassé de son esprit tout ce qui l'a mis au monde.
A savoir qu'un mot peut rassasier la Terre
Et tant pis si pour ça il faut vivre en-dessous.

(et rêver qu'on vomit, et vomir ses rêves à chaque refus venu d'un éditeur fou)


Suspiria Movie Poster

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