dimanche 21 décembre 2014

La nuit et son contenu

"Il est impossible d'en voir toutes les graduations, même des yeux de la puissance d'un Dieu échoueraient à cela."

Froid et noir le linceul recouvre les abris de ceux qui n'en ont pas. Il peint de sa couleur les torses des plus âgés puis descend aux chevilles des pauvres jeunes-nés. Il y découpe des chiffres arrêtées à la date du jour, comme ça en une seconde, et l'on clôt des casiers déjà pleins de silence.

Ceux qui scellent ces chambres ne gagnent pas mieux leurs vies, ils boivent du café bas et ignorent la romance d'un coucher de soleil. Ils fument tandis qu'ils repensent aux organes vitaux versées dans la poubelle. Combien de vies furent bues et combien d'alcools forts ? Combien de draps changés parce que tachés de sang ?

Ces chiffres-là la nuit ne les donne à personne, pas plus qu'elle donne sa main à ceux qu'elle abandonne.

Ainsi vont les odeurs d'hommes quittant leurs corps : lentement et sans bruit pour ne pas effrayer les jouisseurs dans leurs lits.

C'est une réalité pourtant que nous mourrons vraiment et qu'il n'est pas de chose telle la résurrection. C'est une réalité pourtant qu'on finira sans rien, sinon le souvenir qu'avant vécurent les roses...les érections, les chants, les pluies que l'on veut fuir et celles que l'on prolonge, les maladies, les soins et les orgasmes longs. Les sirènes, les dangers, les corps qu'on serre contre soi avec l'encore en bouche. Les libertés et les emprisonnements. Lui, elle, et la mort tout au bout comme seul épanouissement.

Quand la nuit répugnante se pose sur la ville âme, quelques murmures parfois écharpent son armure, des sortes d'illuminations, des séries de baisers à la vitesse du son.
Et quelquefois, même, le jour se lève, se sert un thé et me regarde, nue, comme une intime copie du jeu des voies lactées.

La nuit et son conte nu


Suzanne Duchamp - Solitude-Entonnoir

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