samedi 15 mars 2014

Un sens de la vie

J'errerai les jambes lourdes le long d'une avenue
J'attendrai le métro pour ma correspondance
Je serai au cinéma devant un film allemand
Je sortirai de l'eau salée des Caraïbes
Je commanderai un thé à la menthe vanillée
J'essaierai des larmes de pure peur, de folle jalousie et d'infériorité
Je mettrai cent savons différents au fond de ma baignoire
J'observerai la mer, bleue, noire, premier écran du monde
Je serrerai la main d'un proche que j'avais perdu de vue
J'aimerai
Je sourirai à la serveuse débutante et essaierai de trouver son prénom
Je mentirai à mes parents en leur disant que tout va bien
J'enjamberai une rivière en prenant soin de ne pas choir sous les yeux de ma femme
J'avalerai mon café froid en tirant, léger, sur une cigarette
Je serai au stade avec autour de moi, du rouge, du bleu, des parisiens
J'avalerai trois antidouleurs différents dans la même gorgée
Je demanderai à Célia de se pousser parce qu'elle m'écrase un peu
Je demanderai à Célia de ne surtout plus bouger, de rester avec moi
J'appliquerai de la crème sur mon visage blindé par le soleil
Je tenterai de danser, entre alcools, honte, et totale liberté
Je ferai une scène dont j'oublierai immédiatement la raison
Je regretterai
J'enchaînerai les jeux de mots les plus abominables pour que rient mes amis
Je prendrai mon mal en patience, sur une place où la pluie embrassera la neige
Je remonterai la couette sur tes épaules nues quelque peu frissonnantes
Je regarderai les gens, tous, droit dans les yeux, comme pour comprendre
J'appellerai l'ascenseur et approcherai ma main de ta poitrine ferme
J'apprendrai une nouvelle langue, sous les néons d'une classe où il fera très chaud
J'exécrerai les misogynes propos d'un auteur à la mode
Je retirerai de l'argent, en guettant le miroir, tant par crainte de vol que par souci d'allure
Je voyagerai en mauvaise classe, rempli de la tête aux pieds par la musique de Philip Glass
J'aimerai
Je plongerai mes reins dans les reins de mon rêve, priant pour qu'elle aime ça
Je m'étendrai sous les étoiles en pensant malgré moi à de vaines préoccupations, allant de l'état de mon compte en banque à la parution prochaine d'une bande-dessinée
Je descendrai les marches de la cathédrale de Rouen, passablement effrayé, en me tenant partout pour ne pas tomber
J'avancerai mes lèvres vers ton cou, passablement enjoué, en me tenant partout pour ne pas tomber trop
Je me questionnerai quant à l'utilité vraie des hommes d'affaire et des familles nombreuses
J'arracherai les tubes qui me retiendront et déambulerai, perdu, en quête d'un peu d'eau
Je mimerai la mort devant une jeune nièce ayant fait un fusil de ses mains
Je tiendrai le bras de mon ami, là-bas, à Liverpool, au moment où les premières notes éclateront dans l'espace
Je ruminerai des idées noires par centaines, sans les dire jamais, sinon en explosant et en blessant les miens
Je regretterai
Je ferai un massage crânien à la femme de ma vie en espérant, de mes doigts, lui donner des orgasmes ou du moins, de géniales visions
Je m'assoupirai devant un téléviseur diffusant un classique hongkongais
Je jouerai, manette en main, jusqu'à ce que ma vessie geigne extrêmement
J'écouterai, dans un club new-yorkais, un quatuor de jazzmans aux envoûtants accents
J'appellerai Etienne, Romain, Violette et Célia pour attirer leur attention
Je dormirai
J'aurai des suées, la bouche pâteuse, le cœur gris
Je reculerai, infiniment, le plus vite possible...
Je songerai à dix millions d'Apocalypse...
Et, la seconde d'après.

Je mourrai, laissant derrière moi,
Quelques écrits de choix
Et des souvenirs
Dores et déjà, en train de disparaître.


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