mercredi 21 juin 2017

The scheme

Fallait-il frapper l'enfant ou le laisser sur la plage avec ses membres informes
En guise de seules armes contre les rouges cuirasses de la nature bretonne ?

Fallait-il seulement se reproduire et mettre de la machine parmi les grains de sable ?
Si tout était resté à l'état de cible incroyablement plane sur laquelle aurait dû, un moment l'autre, se planter les étoiles, n'aurions-nous pas été plus heureux en fin de compte ?
Savoir que l'on va mourir dans un mouvement d'écume obstruant les courroies de l'oxygène, du sang et de la joie, est-ce là une destinée enviable sur l'amibe ?
Cette grosse amibe qu'est l'enfant sur la plage et qui n'est traversée que par l'électricité, sans aucune sorte de logique ni de masque, entre chacune de ses morts.

Il aurait certainement été plus sage pour toute la race humaine que de s'éteindre après la première gâterie, le premier oeuf au plat ou le premier homerun.
Vouloir multiplier ses sensations divines et en donner l'accès à tous les êtres humains était un acte d'une crasse ignominie.
Déjà parce que toute multiplication sous-entend un appauvrissement de ces nues découvertes
Ensuite parce que cet appauvrissement évidemment veut dire que beaucoup de personnes n'auront jamais la chance (si l'on se fie aux froides dramaturgies comprises dans les mathématiques), soit de goûter au sexe, soit de toucher à l'oeuf, soit de taper une balle lancée à 100kmh.

Quand notre Dieu réel, celui qui ressemblait du visage à un singe et du corps à un adolescent, a pris la décision de nous propager comme des champignons, il a à mon avis franchement manqué son coup.

Combien de couchers de soleil inutiles et de nuits invisibles ont-ils eu lieu depuis ?
Combien de fosses pleines de marmots tracées par le fil d'une balle ?
Combien de crimes irrésolus et de pièces d'opéra, magistralement pensée par une vie cérébrale supérieure à la moyenne et désireuse d'un peu sauver le monde, invariablement tombées dans un mutique oubli ?
Combien de glaces à la crème sur des tee-shirts vifs nettoyés à la hâte dans les toilettes d'un centre commercial ou d'un restaurant bondé creusé en plein milieu d'un parc d'attractions au-dessus duquel, indifféremment, les nuages transportent les rires apeurées et les larmes sérieuses de ces jeunes adultes coincés dans des costumes d'écureuils géants pour un salaire encore plus ridicule que tout ce ridicule qu'est cette vaste entreprise qu'est le divertissement ?
Combien de femmes battues pire que la Terre ?
Et combien de noyés, comme on dit, en plein air ?

Toutes ces recopies ininterrompues du délitement humain, de ce tibia brisé par l'avant d'une voiture à cette gorge tranchée par la caméra que tient le terroriste, toutes ces répétitions de guerres, de pestes et d'infanteries valent-elles vraiment la peine d'être "mourrues" en face de ces orgasmes et de ces oeufs se battant en duel dans la poële imbécile de la Mortalité ?

N'avoir pour certitude que l'idée fondatrice qu'un jour notre coeur crachera du sang par terre et un qu'on le rejoindra après un dernier rail de sueurs et de calmants...tout en vivant avec pour unique entourage une nef de frustrations dont les vitraux éteints vous rient à la figure à chaque éternuement (ou geste immaîtrisé)...et ce bien sûr en côtoyant une quantité astrale d'idiots et de catins, infichus d'aimer ou de serrer une main sans planquer sous leurs langues ou sous leurs ongles sales, d'inélégants miroirs ignorant tout d'eux-mêmes et de la majesté d'un bouquet de chats noirs...

Quand ceux-ci sortent et puis se battent, musique répétitive mais toujours réjouissante de miaulements atroces où les félins se griffent, sous l'oeil poché des lampadaires actuels, jusqu'à ce que mort s'en suive ou que flotte dans l'air un parfum de passion voire de viande prise.
Celle d'un rat
Dont les infatuations envers l'automobile le précipitent chaque jour vers un sombre futur
De ventre déchiqueté.
Et bien ce ventre, gris de poils et rouge de sang, ce ventre en vérité est la Lune elle-même.

La Lune oui la Lune n'est rien de plus qu'un abdomen de rat percé par la vitesse et rongé par les chats.

Ne croyez donc pas tout ce qu'on dit sur elle, à savoir qu'elle guiderait les marées ou les physiologies des hommes endonjonnés et des femmes mariées ! Ce sont de pures bêtises et j'en veux pour preuve qu'en ce soir où ce couple, visiblement gagné par l'ivresse, a déposé son fils comme une lettre sur la plage, il n'y avait pas de lune dans le ciel et donc pas de marée, ce qui n'empêcha pas, pourtant, les vagues de le décacheter et d'en faire au final, la chose de l'océan.

Tout comme nous sommes, après tout finalement, la chose de la Terre
Et des êtres vivants qui n'ont bien de vivants que le nom de leur père
C'est-à-dire quelques lettres trouvables facilement dans n'importe quel cimetière de chaque métropole
Tout comme les oeufs brûlés, les jouissances piteuses ou les balles captées avant qu'elles touchent le sol.

Avant qu'elles touchent le sol...
La vie, c'est sans doute cela, c'est faire le deuil du présent au profit de son illusion et accepter que cette balle, destinée ou au gant ou au sable et qui quoi qu'il arrive sera bientôt salie, soit par la main de l'homme, soit par celle de la plage, peut encore aller ailleurs (là où il fait beau par exemple et où les petites lèvres pleuvent génialement) puisqu'avant qu'elle ne touche le sol, cette balle est la nôtre.

*
Note à l'attention des lecteurs émotifs ou par trop désireux d'obtenir des réponses : Rassurez-vous, l'enfant a survécu à son voyage en mer. Il vit désormais en Russie où il attend d'être pendu parce qu'il a le défaut d'apprécier différemment ses oeufs. Quant à ses parents, ils sont restés en France à prospérer, comme beaucoup de salauds, avant qu'un accident du quotidien (dans ce cas précis, la vieillesse) ne les cloue pour toujours au dossier d'une chaise. Bien fait pour eux !

JV-mindmap1



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