dimanche 21 février 2016

Fire-crackers

"Aimons le soleil tel une partie de nous
Et tant pis s'il est fait d'ombres indisposées" < devise d'un incendié, quelques amputations plus tard


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Ceux qui ne sont pas restés ne savent pas tout à fait d'où vinrent les premières flammes. Elles venaient peut-être de ces cimetières où seuls les rois s'endorment ou bien de ces montagnes conçues tout à l'envers dont les pics s'abreuvent aux mares des sauterelles. L'origine, réelle, de ces flammes mondiales est purement inconnue. Certains prétendent pourtant la connaître par cœur. Ils racontent que c'est la faute des voitures, du gaz et du pétrole. Ou alors qu'elles ont jailli de la forêt pour la protéger des haches, des sillons et des fouets. Toutes ces versions se mentent entre elles. Pas une n'est pas trouée, ne serait-ce qu'un peu, par une incohérence. Pareillement ces chiffres, en nombre impressionnant, qu'ils ont intégré dans leurs différentes commissions d'enquête et qui n'ont plus l'allure d'ondine ou d'épée douce, ils ne sont plus que des taches dissemblables les unes des autres.

8 millions est comme quarante et 1.

Les flammes ont dirait-on brûlé jusqu'à l'encre pompée par le cerveau. L'alphabet est en fauteuil roulant depuis qu'une poutre, rouge pire que l'aube, a écrasé ses jambes. De fait, les quelques millionièmes humains ayant survécu aux dramatiques explosions balsamiques ne s'expriment désormais plus que par énigmes. Que par questions, comme un Enfant. Les flammes ont effacé dans la foulée l'affirmation et son pouvoir, brutal, sur les êtres. De là, en dehors des raconteurs qui théorisent le début de la fin ou la fin du début du haut de leurs trente-2 dents sévèrement ébréchées, il n'est plus sur la Terre que des marcheurs aux mains ouvertes et noires.

Leurs mains sont noires de cendre et ouvertes à cause de l'amour fou. C'est que, quelque part, les flammes ont fait du bien. Elles ont dépossédé. Tous et toutes choses. Les meubles, les courts de tennis, les installations de dépeçage du bœuf à peine née, toutes ces sphères éloignées de l'eau et de la vérité ont été reprises, vertement, par le sarcle igné. Certes, une immense partie de l'humanité en a payé le prix et on ne compte plus - faute de chiffres - les foyers désunis et autres nourrissons engloutis sous les braises. Mais, cette immense partie de l'humanité n'était-elle pas au fond qu'un chœur robotique ? Qu'un assemblage terrible de tuyaux malfaisants aux indignes préoccupations, sans désir de plage ni d'entraide, et rien que guidé par l'éventuel profit et son probable impact sur l'ouverture disciplinée de cuisses adolescentes ?

En clair, les flammes ont permis, qu'on se le dise, à la Terre de se défaire de plusieurs millions d'animaux aux costumes et tiares bien taillés et dorés. Des Fils de. Mortellement blancs et incapables de lire le miracle d'un œil avec le cœur battant. Et aujourd'hui, grâce à ces territoires de lave survenus sans qu'on sache, nous sommes débarrassés de ces chiens de l'enfer que sont les téléticiens, et bizarrement, le coeur bat de plus belle. Et les mains, sauvées et noires, observent le soleil - ses rayons, son univers, sa floraison - avec les larmes aux yeux tandis qu'une tête amie rêve sur leurs épaules.

"Nous ne savons pas d'où viennent les flammes mais nous les remercions.
Similairement pour tout, ainsi faire, nous devrions." < devise d'un incendié, quelques tendresses plus tard


Hans Ruedi Giger - Biological Landscape

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