lundi 29 juin 2015

Mon visage vide

Je vais encore être en retard
Constamment
You can't photoshop the stars 

Chaque matin on dépeuple le lit des morts de la veille. On remplit les fosses et cadavre après cadavre, on se dit qu'on ne vaut pas mieux qu'une poignée d'os. De la poudre grise voilà ce que nous sommes. Et ni les souvenirs, ni les instants gracieux n'altéreront cela. C'est une nuit que la vie et des fenêtres pleines de lumières éclatées. Derrière elle des cous que l'on tranche aisément et quelques hommes et femmes adeptes du missionnaire. En nous nous ne gardons que peu de choses et elles sont bien souvent inutiles pour les autres.

Un trésor égoïste que la pensée humaine. Avec ces grandes percées et ces angoisses multiples. Avec ces volontés, neuves mais déjà rabougries parce que le dehors salit tout ce qui lève la tête. Avec ces vaccins pour le manque d'érection ou de pièces couleur or mais jamais ces remèdes contre les Maladies. Les vraies, pas celles qui font vaguement désespérer du nez mais celles qui oblitèrent, qui marquent et qui détruisent. Ces machins qu'un de nos voisins a vu de près, dont il a quasiment aperçu les narines. Ces cancers, ces escalades terroristes, ces abandons et ces technologies.

On y pense pas vraiment à ces horreurs quand on pense à comment faire pour que l'autre nous aime.
Alors qu'on devrait savoir que l'autre nous aimerait si l'on sauvait le monde.

Mais le monde est trop grand, même s'il donne l'impression de tenir dans la main, sur le bord d'un écran, le monde est trop grand et on n'y pense pas. Parce qu'il est plus fancy de caresser les seins d'une belle adolescente que de voir un gamin se faire couper en deux par une fine balle traçante.
Parce qu'on ne peut s'empêcher de penser qu'on crèverait de chaud sous ses combinaisons où se cherchent les cures aux fléaux du futur. Parce que boire un soda est bien moins fatiguant que d'aider son prochain...

" Z'auriez pas une petite pièce ?" qu'ils disent...
Et vous aimeriez bien en avoir une, de petite pièce. Un endroit rouge et isolé de tout.
Un monolithe, une dimension perso. Sans pauvrets ni clodos. Sans l'odeur de tout ce qui n'a pas le quartt de notre intelligence. De tout ce qui suinte et parle la bouche pleine. Impunément.
Une petite pièce rien que pour vous. Sans la timide grogne des syndicats ou bien des étudiants. Sans ces attentats qui n'en sont pas et sans ces idoles interplanétaires dont le seul fait d'arme est de savoir que 2 et 2 font quatre tout en ignorant que 2 et 2 peuvent très bien faire cinq sans que ce soit moins charmant.
Une petite pièce...un endroit où glisser son corps quand tout, autour, glisse déjà.
Pouvoir ouvrir les yeux et capter les points noirs que l'aube d'aube dessine.

Vous rêvez d'un cercueil avec air conditionné parce que tout vous effraie
La fête, le jeu, le sexe, le sommeil, l'alcoolémie,
Vous murmurent tous ensemble que les lésions sont proches
Et que c'est vrai, qu'au fond, vivre c'est moche

C'est sauter de pierre en pierre en sachant pertinemment que la prochaine basculera sans doute
Et qu'avec elle s'ouvriront les abysses de l'handicap et de l'alitement.

De là nous mènerons les lunes avec la bouche du mort et les yeux du soldat.
De là, déchiqueté par les éclats, sanglé par la morphine
Nous serons obligés de fixer le plafond d'une perpétuelle façon
De là, nous finirons par voir le ciel revenir
La Nue : la version sage du rire.

*

Mon visage vide se remplira d'écrans à détruire vite et bien
Mon visage vide alors aura l'oeil du chien
Qui croise un loup sauvage après deux jours de marche
Mon visage vide, dans la foulée, tournera la page

On verra mon cerveau et des veines en pagaille
On verra ce qu'il restera dans ma dernière couche
Quelques poussières grises et quelques pousses d'ail
Et aussi tout au fond posé délicatement
Un cadavre de mouche au corps fait de vitrail

Je vais encore être en retard
Evidemment
Il reste tellement de temps !


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