mercredi 13 août 2014



Il serait tout à fait abject de faire ça.

Pour ma famille, mes enfants et mes petits-enfants, pour les amis que je me suis fait et que j'ai su garder. Pour Susan aussi, qui essuya tant de fois ces larmes brûlantes sur mes joues. Pour ceux qui souffrent plus que moi, ceux qui n'ont pas connu la joie, même en vitesse. Ceux qui sont nés dans ces pays où la guerre est tout le temps voisine, où l’on a le choix seulement de mourir d’une balle ou de la maladie.

Cela ne serait pas sain de disparaître ainsi, sous prétexte que mon corps me fait mal atrocement et que je m’enlaidis à force de vieillir. Mais je ne vois pas comment faire autrement. Je suis fatigué de devoir jouer la comédie même en fin de carrière. Fatigué de devoir sourire, toujours, quand je vais à la pharmacie prendre des antidépresseurs et que les autres clients s’attendent à ce que je sois gentil, beau, aimable et bon comme dans mes films…

Je sais que je ne suis pas le plus à plaindre et qu’il s’agit-là de la rançon d’une gloire que très peu connaîtront mais j’en ai assez…Que ce soit ces clients de pharmacie ou mon entourage proche, personne ne peut plus compter sur moi…

Je suis devenu un triste épouvantail, une figure en pleurs constamment, une angoisse sur pattes.

Je ne veux pas que la vie de Susan se résume à me rassurer jusqu’à la fin de ses jours, je ne veux pas que mes enfants se souviennent de moi comme d’un fou. Je veux qu’il se souvienne que si j’ai joué tous ces braves personnages, c’était parce que j’aspirais à leur ressembler ne serait-ce qu’un peu…

Je sais que j’ai échoué là-dedans en faisant preuve d’une vanité sans race mais certains continuent de penser le contraire alors…
Je ne veux pas que le temps noircisse tout le tableau ni que le maquillage ne s’efface jusqu’au bout…Je dois partir en laissant quelques illusions, quelques rêves, intacts derrière moi.

C'est une œuvre égoïste et minable mais elle permettra de ne pas oublier le bien que j'ai pu faire, que ce soit dans mes rôles ou dans la vie réelle. De toute façon, je n'en peux plus, mes articulations me donnent le tournis et je ne pense qu'au pire à longueur de journées et ce même aux mariages et banquets où je suis poliment invité. J'aimerais garder en mémoire mes plaisirs plutôt que mes effrois. La dentelle plutôt que les hôpitaux. Je veux arrêter de jouer avant de perdre tout.

En fin de compte, je ne serai ni bicentenaire ni doué d'une éternelle jeunesse. Je serai Robin McLaurin Williams, mort futur comme tout le monde. Tétanisé de peur comme tout le monde. Amoureux de la vie comme tout le monde. Enfin, ici s'achève la romance et non l'amour j'espère...

J'espère...que mon deuil n'éclipsera rien...que l'on continuera de parler de l'Irak, de la Palestine et d'Ebola.
J'espère que mon geste idiot ne sera dans les journaux qu'une colonne discrète car c'est tout ce que j'ai toujours voulu être. Une colonne discrète sur laquelle tous les gens que j'ai aimé pouvait s'appuyer en cas de pâleur. Une colonne discrète maintenant rasée, détruite, rien. Sinon un comédien.

R.W.




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