mardi 12 novembre 2019

Massacrons, je vous prie

Il faudrait essayer de parvenir, ou parvenir à essayer, à l'heure d'écrire, à l'ambition qu'au moins la moitié de nos phrases soient suffisamment chargées qu'elle explosent aux visages, désemparés, liquides, des puissants de ce monde.
Il faut écrire des bombes pour les bureaux ovales, déflagration de chevrotine pour la bouche creuse de l'âne élyséen, gros sel dans le buffet des deux dirigeants coréens ! Sinon à quoi bon faire ?
Entretenir bourgeoisement la lettre, à grands renforts d'alexandrins, de fourbis d'épithètes, de liaisons, de tendresses...ce n'est pas là licence, c'est permis d'ennuyer, gratification basse que tout être, cabochard, débauché, saint-cyriens, débrouillards, peut empocher en pas trente génuflexions à la bibliothèque auprès des livres rares.

Temps n'est plus aux rivages butinés avec joie, femme aimée dans une main, poème allemand dans l'autre. Temps n'est plus aux histoires d'amour et de Volga...
Les fleuves sont morts messieurs et dames ! Du Rhin au Nil jusqu'au Guadalquavir, tous ont séché, noircis, comme ça : des landes de terre sans âmes qui vivent, même pas celles de flétans gras !

Donc bon vos romantismes, gardez-les vous ! Veillez plutôt à la batterie, à la tenue des comptes et de l'abri, du trou, où vous bâtissez songes. Faites gaffe à votre lit et à pleinement dormir, c'est là la seule issue du rêve, la seule aussi possible où pas drone nous crève !
L'ère du meurtre plastique, vert et télévisuel, et du divertissement qui nous perce les yeux, telle est l'ère actuelle !

J'exagère !

Mais bon...
Même le bon désormais a le goût de misère. De tels fossés d'accession se sont coup sur coup entrouverts (par la pelle des fictions) qu'à présent nulle mer ne paraît assez belle...
Surtout qu'elles-ci rejettent, quotidiennement, des asphyxiés garçons et d'abusées fillettes...

Avant, en France, on se méfiait des Noirs...
Maintenant les français redoutent les verdâtres, cadavres qui leur rappellent que le bonheur va mal.

C'est pas faute pourtant d'en créer des cortèges d'aises le remplaçant, des textes saints à ceux des mails promettant en substance que peut-être demain on se tapera la stagiaire...et tant pis si elle rechigne, son chemisier cédera, et si elle porte plainte, le commissaire aidera.

Ce même exact commissaire qui par ailleurs fait plutôt correctement son travail question humiliation, il sait faire preuve d'intransigeance, qualité quatrième pour notre belle nation !

Liberté - Egalité - Fraternité - Autorité.

J'exagère, je le sais. Mais c'est plus fort que moi ! La montée des violences et des aliénations, la bêtise installée, choyée, répandue, régulée, laisse un rance fond de peste dans ma supposition. Comme si c'était souhaité qu'on s'abrutisse à ce point...
Voulu par quelques-uns...ces fameux quelques-uns ayant vu l'opéra autrement qu'en maquette ou bien rediffusé, après Ruquier où des analphabètes exercent - ou prétendent exercer - le métier d'écrivain.

Ou alors quand ces cons connaissent l'alphabet, ils confondent, malheureux, l'hindouiste svastika avec la croix gammée ! C'est ballot putain de merde. Comme d'inviter encore des violeurs avérés à défendre leurs steaks...

"Il faut savoir pardonner !"

Pardon est-il offert à l'arabe en baskets ?
Pardon est-il offert aux mères sénégalaises ?
Pardon est-il offert aux couples sri-lankais ?
Dont l'unique défaut, jusqu'à preuve du contraire, est de ne pas nous ressembler.
Dont l'unique défaut est, jusqu'à réception diluvienne des papiers, de ne pas être exactement français.
Dont l'unique défaut est...d'exister...
Seulement exister, partager l'air voire oh oh oh attention, un peu du sacrosaint - edelweiss most wanted - national respect !

"Le respect d'un blanc, ça vaut tout l'or du monde, ils ont tout intérêt à bien m'en remercier !"

Imagine ta vie étant dévisagé
Où que tu ailles
Quoi que tu envisages, fournisses et prouves
Qu'importe ton travail et si c'est grâce à toi que s'esquintent les touristes sous le dôme du Louvre.

C'est grâce à toi toutes ces photos prises
A l'infini
Par des privilégiés aux cerveaux engourdis...

Grâce à toi également que le métro pas rouille
Alors qu'on dit qu'il grouille pourtant à cause de toi...

Grâce à toi qu'on a chaud
Puisque les tiens ont froid !

Enfin bon j'exagère ! Il y a aussi deux trois musulmans pas très nets et sans doute une poignée de blancs recommandables...

Il s'agirait pas de faire un lot, pas d'amalgame ! Il y a de nobles pauvres ! Y a qu'à voir en Pologne comment devient la chose...C'est beau ces bandes, ces manteaux, ces marches dans le vent sur un parterre de roses...

*

Que les dents donc explosent ! Voilà ce qu'il faudrait en tant que conséquences pour ceux qui versent en prose...
Cessons d'affûter branlottant nos couteaux, attaquons à l'atome ! Tant pis s'il y a des morts, tant mieux si ce sont des mômes, de toute façon qui s'en soucie ? Certainement pas vous !
Ou alors on me cache depuis tout petit quelque chose...

Ce quelque chose, le bonheur - encore lui ! - pourrait être son nom...

Il se serait sûrement endormi sous les pierres...
Celles qui faut qu'on réveille
A coups de canon à rampe et de rayons laser,

En écrivant pour tuer
Et non plus pour soi-même.

En écrivant pour tuer
Avant de dire je t'aime.



Francisco de Goya - Le Grand bouc


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