jeudi 18 juillet 2019

Une enfant au plafond

Ce que les shakespeariens ignorent, pour la plupart du moins, à propos du William, c'est qu'il laissa derrière lui (avant ses os et sa postérité) une ébauche d'histoire tout à fait stupéfiante dans laquelle un homme - trente ans pas plus - préfère à la mondanité une vie quotidienne passée dans le fromage (unique nourriture et boisson) et dans le fond d'une malle (unique habitat, peu d'ouverture, mailles tressées).

*


Il pleuvait et la môme qu'on devait garder dormait.
Ses paupières étaient plus fines que des cheveux, du fil, et donc en plein été, le soleil tapait dedans quitte à la rendre folle.
Mais il pleuvait.
Et elle dormait et nous la regardions faire, s'exprimer dans ses rêves.

Bientôt, ses mains serrant le vide à la recherche des couleurs...seraient assez solides pour caresser.

Ou pour écrire ceci : "Il n'y a que les gens seuls qui s'intéressent aux autres." sur quelque vieux cahier.

Bientôt, à la place de la môme qu'on gardait,
Un sénescent sucerait son pouce...hagardement...dépossédé.

Il aurait alors sûrement cessé de pleuvoir.

Et nous de nous aimer, ou de nous dire au revoir, ou de nous dire d'aller voir ailleurs si... il ou elle y était.

Il pleuvait et la môme qu'on devait garder dormait.

Elle faisait ça si sérieusement !
Derrière nous l'observant, sur un meuble adossé contre un mur de la chambre, se tenait immobile mais toujours à deux doigts de se mettre à danser, un haut miroir coupé flamberge.

Le voyant il me vit et me vit l'embrasser.
La môme dormait certes mais c'était pas génial d'ici empassionner un moment solennel.
C'est ce que me dirent exactement ses lèvres.

Refroidi j'acquiesçai au délai de la fièvre.

Et le miroir retourna à sa place, continuant de se taire sans nul mouvement de plus signifiant ma disgrâce.

Il pleuvait davantage et j'avais très envie que la môme se réveille.
J'avais envie d'action, de ruées et de jouer avec elle au jeu de la fusée.
Mais elle dormait de toutes ses prunelles

Comme la môme première
Et le miroir-épée.

Il n'y avait rien à faire alors qu'à regarder.
Devenir vieux peut-être
Et chercher avec elles dans le creux des journées
Des couleurs assez belles pour qu'on puisse les toucher :

Des mauves, des jaunes, des verts.
Des gouaches et des pastels,
Et de la pluie d'été
Et des enfants qu'on veille
Comme sur une araignée...

Car chacun de ses pas nous amusent et fascinent autant qu'il nous effraie.
Car on souhaiterait qu'elle parte tout en voulant l'avoir, pour soi, le plus longtemps possible.
Parce que si peu pourrait, par malheur, l'écraser...
Ce petit torse orange aux paupières valeureuses par le soleil chassées...
Et que si peu existe...si peu, c'est vrai...existe et terrorise...inonde de décès...

Mais tant aussi de forces feront qu'elle s'y fera, au soleil, aux malheurs, au monde et caetera.

Et qu'elle deviendra grande comme je ne l'ai pas été.

Il pleuvait moins mais plus (+), à cause de mes yeux.

Et dire que ce n'était même pas ma fille ! Juste une nièce, qu'est-ce que tu veux...
Les enfants ont le don fantastique d'attendrir
Même les plus soucieux...et les plus en péril !

Y compris ceux qui voient...d'anciennes petites amies
Et de futurs vieillards
Dans les nuques engourdies et le nœud des miroirs

Alors qu'il n'y avait rien
Sinon un oncle et une enfant
C'est-à-dire en fin de compte
Plutôt énormément :

De la pluie, du silence
De mignons ronflements
Et des couleurs en double...

Des yeux de la rêveuse
A ceux, plus sombres, se les imaginant

Quel merveilleux couple !

(Mais au-dessus des poutres
Je sais que suçait son pouce
Un complet sénescent
Me ressemblant
D'une goutte.)


Margaret MacDonald Mackintosh - A sleeping princess




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