mardi 14 mars 2017

La belle saison (poème écrivaillé en cinq minutes trente)


Au bout de nos jours étranglés
Il y aura cette nuit d'une parfaite étrangeté
Panorama de corps creusés par les pilules
Et par les résidus de l’œil de la lune

Et ce soir dont la colocation sera abominable
Fera de nos amours des pièces d'échec
De longs ongles de marbre
Des destinées de cœurs écrabouillés et graves.

Comme un baiser terrible que les dents produiraient
Avec la volonté de toute chair arrachée
Comme un ciseau entre des cuisses
D'une blancheur de papier.

C'est là l'orgie future promise à nos espoirs
Entre deux retrouvailles avec l'asphyxie
Et tout ce qui se tait, à cause de la nuit noire
Quand on jouit sans s'aimer, pour continuer l'histoire

Car la fin fait trembler
Car la fin fait revoir
Nos jeunesses démodées
Dans le sillage suave de nos rêves brisés.

*

La vie de ces enfants qui se pensaient adultes
Puisqu'ils n'étaient en somme, que des femmes, que des hommes
Épargnés par la lutte
Des froids soleils d'automne
S'épuisant chaque jour, passant du rouge au jaune

Comme des sexes au ciel, soumis, qui s'abandonnent
Au rythme des coups de reins d'un triste métronome
Dont la musique inspire l'encens des floraisons
Et ainsi chaque naissance, et ainsi chaque mort

De la belle saison.


Henri Gervex - Rolla. 

1 commentaire:

  1. Un très beau texte, empreint d'un réalisme à la fois tranchant et mélodieux, un peu comme un réveil difficile après une belle soirée de fête... Magnifique et évaporé comme la campagne au petit matin.
    J'aime beaucoup.
    Aurore

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