dimanche 5 mai 2013

Si la lune n'était pas pleine

Il y avait un peu de moi dans ces bombes à Boston, de la poudre et des clous, du plastique et des vis...
Il manquait seulement deux trois alexandrins conçus maladroitement pour que la signature soit parfaite.

Qu'on se comprenne, je n'aime pas que les gens meurent et ce même s'ils se sont réunis pour courir benoîtement. Mais j'aime les explosions, les membres qui s'arrachent, la poussière qui s'envole et les cris qui s'accordent.

Parce que les cris d'amour aujourd'hui n'émeuvent plus personne. Ce ne sont pas eux que l'on diffuse sur les chaînes nationales, non. Nous préférons diffuser le fantasme et la mort et faire de nos âmes, soit des mensonges, soit des peurs. La réalité pure a perdu son visage quand elle a rencontré le premier cinéaste...

Depuis, plus rien, ou presque, les baisers se consomment un écouteur sur les oreilles et les yeux des enfants ont pris une teinte rouge. L'écran explose la pupille, le bruit abrutit les tympans et tout deux distribuent d'imbéciles clichés.

Il n'y a pas de coups de foudre mais des coups de désir. Il n'y a pas de crise et si crise il y a, elle durera toujours. Notre belle planète bleue n'est pas en danger mais elle est déjà morte. Alors, des bombes, des cris, et du silence enfin, à défaut d'amour fou.


*

Nous vivons dans un monde où la lune ne se vide jamais plus, où le jour est sauvage, où la nuit assassine. Bien sûr par endroits l'espoir a survécu, il s'habille de soie et d'idées grandissimes mais cet espoir est aux abois. Il est moqué partout, parodié dans l'instant, c'est un cercueil débordant que l'on ressort pour se distraire. Les bombes au moins n'amusent qu'à moitié, bien que ce soit très drôle de ramasser ses jambes tranchées par les éclats...

Peut-être fais-je fausse route, peut-être suis-je horrible ? Peut-être n'ai-je pas vu hier soir dans le métro un homme à terre, à l'agonie, allongé sous les sièges disposés sur le quai. Peut-être n'ai-je pas vu les passants, tous ces passants qui prirent bien soin de l'éviter.

Ils l'évitèrent tous jusqu'à ce jeune couple qui s'assit juste à côté de lui, juste au-dessus de lui. Peut-être ne les ai-je pas vu être joyeux, rieurs, malgré l'évidente détresse de cet homme abattu à leurs pieds. Peut-être ne les ai-je pas vu, ensuite, prendre en photo, lentement, naturellement, précautionneusement, ce cadavre annoncé ?

Enfin, si jamais je l'ai vu, ça n'est pas ça le pire. Le pire, c'est que, alors que j'étais atrocement révolté, je n'ai pas su agir, je n'ai pas su l'aider. Mon récit est puissant mais ne le sauvera pas. Rien ne le sauvera plus. Silence.

Voilà pourquoi les bombes font des crimes chérissables, elles amputent et laissent elles aussi silencieux.

Silence, la lune était pleine hier soir, elle le sera sûrement encore cette nuit, et demain, très certainement.


Georgia O'Keeffe - City Night

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