dimanche 3 janvier 2021

Un diamant dans la tombe

 J'ai pourtant fait beaucoup histoire de ne pas naître...

Mon refus de participer au brouillard (en devenant tel ou tel milliardième point blanc servant à sa constitution) paraissait aller de soi. 

Mais il a fallu que je descende et que je fruit d'entrailles.

On aurait pu m'épargner ! Ca n'aurait pas été si déconnant compte tenu que tous les jours des milliers de petits cadavres, qui ont même pas connu la chaleur du froid, sont archivés dans les chemins ou dans les hôpitaux. Il m'aurait suffit que d'être l'un d'entre eux pour échapper à tout ce que j'ai vu. 

On me retorquera qu'on m'aime, on me parlera de couchers de soleil.

Mais venez, gentes âmes dans ma tête ! Venez dans ce cloaque où bisques de cafards repeignent murs et plafonds, où l'air est saturé d'horreurs, où ça vomit jusqu'à plus soif. Venez je vous prie dans ce crâne, dans ce char duquel deux chevaux bleus prétendument s'évadent, pour voir que mon regard répète en vérité la chute de l'azur caravane. Venez tous et toutes dans mes larmes, pour voir, pour boire, tout le malheur d'une vie dont ni l'intelligence ni la plus grande paresse n'ont su soulager la lacune. Laquelle ? Mais celle de me sentir à ma place sur Terre ! au milieu du fracas permanent des odeurs et des sons, et toujours proche des autres.

Si seulement j'avais pu m'en sortir en restant intérieur. Quitte à être inutile, autant l'être sans produire d'attentes chez autrui. Celles-ci nous détruisent.

On dira que j'exagère et que je manque de respect en cela aux parents malheureux. 

Je dis à ses parents qu'aucun enfant n'a jamais demandé à vivre. 

Qu'il s'agit là d'une pulsion qui leur appartient à eux exclusivement tandis que ma vie, et mon inconfort mortel en celle-ci, ne m'a jamais appartenu en rien. 

Comprenez que je suis sous le pendule et que la lame n'est plus très loin.

Comprenez que chaque jour, dans ma tête, je m'imagine bomber le torse pour avancer l'affaire et redevenir une masse d'organes disparates mais qu'à chaque fois, je finis par rentrer le ventre. 

Je ne souhaite ni mourir ni vivre. Et du changement peut-être.


Dorothea Tanning - Autoportrait 





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