Mes deux yeux disjonctaient
A cause des larmes retenues... détenues, maintenant bêtes nues...
Barrage friable que deux yeux !
En témoigne le grand dégoulinement d'eau et de sang actuel,
En témoignent mes joues trempées comme un miroir
Lorsqu'on le lave,
A fond,
Pour le mieux vendre.
J'aurais pu, j'aurais peut-être dû, pleurer tout ça bien avant, ça aurait évité le nettoyage et des soirs de colère à ne pas savoir quoi faire. Mais comme on nous encourage à ne chialer qu'à bulletin secret, agenouillé dans l'isoloir, et qu'il y a toujours autour de nous des autres, alors on garde, on garde et on ravale.
On ne sait pas mais ce qui vaut pour les pleurs vaut peut-être aussi pour d'autres fluides.
Peut-être qu'il ne faut pas se refuser de saigner, de morver, de spermer et de baver dès l'occasion.
Peut-être qu'en retenant tous ces spumantes et tous ces jus dans la barrique malhabile du corps, peut-être qu'on se fait quotidiennement du mal. Et c'est peut-être à cause justement de ces acides gardés pour la forme que notre squelette grince : tiges et anneaux vaguement tenant les cercles de bois mous.
On ne sait pas mais à voir ainsi mes yeux suspendus à l'extérieur de mon jeune crâne
A voir ainsi mon visage et le sol, et bientôt le palier, et bientôt l'appartement voisin, peint de la sorte par mes larmes aspergeant à tous crins,
Je me dis qu'il serait non seulement bénéfique de se vider tous idem évidemment de son surplus salin
Mais aussi donc que verser le reste - semence, pus et sueurs - pourrait être expérience à conduire prochainement.
Je dis pas que je vais m'ouvrir le ventre. Juste et seulement que ça fait tellement de bien de vomir des pupilles qu'une vidange générale me paraît coup tentable...
Ça ferait des arcs-en-ciel de texture entre tous les pavés de la place d'Aligre
Et de quoi glisser pour les enfants en mal de prise de risque.
On verrait là une flaque d'urine, ici de grosses glaires brunes et là-bas un mélange de sucs et de pertes,
Et on jouerait à la marelle ou au morpion géant entre lait maternel et liquide synovial.
Enfin on, les gosses... des gosses heureux et vides, exsangues de tout reproche, de toute angoisse possiblement nocturne, de tous désirs mal assouvis dans l'œil ou dans la burne.
Sacré spectacle que cette humanité entièrement libre de glaviotter, de chier, de jouir où bon lui semblerait ! Je paierai cher pour ça.
Et mettrais à vrai dire déjà toutes mes fortunes si l'on pouvait, toutes et tous, à la mine comme ailleurs, pleurer quand ça nous prend sans craindre moquerie, malheur ou déclassement. Ça éviterait bien des pavés, bien des lettres écrites à l'encre de l'esprit, sur le papier de la pensée, qu'on se jure d'envoyer mais qu'on laisse moisir au fond d'un secrétaire par peur de froisser ou nos parents ou la femme qu'on aime. ↕a permettrait de plus, par vases communicants, à d'autres larmes, cette fois lumineuses, de venir mettre leur grain de sel dans le coin de nos yeux.
Des pleurs de joie, imaginez ! Des torrents riants, des cataractes douces, pures et décontractées...
Ce serait génial je pense, genre hommes et femmes ensemble dans une chambre, serrées l'un contre l'autre, serrées l'un avec l'autre, l'ambroisie distillant parce que le bonheur serait revenu, redevenu à la mode.
Pleurer ensemble gracieusement, ce serait génial non ?
En attendant je m'en vais essuyer la tache laissée par mon chagrin et revisser mes yeux dans ces chevilles prévues pour qu'ils tiennent bien.
J'ai rendez-vous bientôt avec un employeur, il s'agirait de pas passer pour un fou, pour un de ces dingues qui pleurent à qui nul tend la main.
J'ai beau savoir qu'en fonctionnant de cette façon, je vais vite accumuler de nouvelles larmes puissantes et contrariées, je ne peux faire autrement...
Pour le moment du moins.
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