Des histoires de voix s'habituant doucement à se taire et de corps qui se jettent sur le chemin de fer.
Des isolations franches suivies de néons lourds, vissés à chaque plafonds, comme des travaux omniprésents.
Des "en attendant le vin", la télévision et l'horreur commune du gamin qui gamine alors qu'il est adulte.
Des morceaux d'évasion cloués à même le sol, sosies d'inquisition opérées par des hommes aux cerveaux incertains.
Et tellement de voitures, dans tout cela, et tellement de bruits sur ces routes où s'épuisent ces vies aux volants de bolides aveugles et sans issue. Seulement Point A. Point B. Point A.
Ah ces nuances absentes dans leurs crânes semblables, ceux-là qui rasent l'herbe et songent au radar comme à l'ultime peste. Le monde de ma région est un monde d'automobilistes résignés à mourir, quelque part en campagne ou au fond d'un dossier. C'est un univers aux valves soudées à l'os dont le moindre mouvement romprait les cartilages, et donc qui ne bouge pas, ni ne pense, ni ne se noie au sein des longs génies ou bien des marécages. C'est une brochure en faveur du Silence placée sous tous les essuie-glaces et lue avec entrain avant d'être rangée dans la poche intérieure où bat sans plus se battre, un fantôme de coeur.
Les villes du Nord sont des villes désertes car les Hommes les ont fui de leur intelligence.
Les villes du Nord sont des endroits spéciaux où seuls se reproduisent les pauvres abrutis, les amoureux du litre et les sombres racistes. Ce sont de ces endroits où pas un poème naît, où pas une idée passe, où pas un rire n'existe. Des sortes de cellules étalées sur trois ou quatre départements, sans gardes autour d'elles, sinon les forêts basses et quelques points d'eau froide où boivent les gendarmes après tel ou tel meurtre sur telle ou telle enfant.
Telle est ma région natale, décharge sans grillage et main sale car sans gant.
Certes, les lignes d'incarnat du ciel laissé libre cosignent quelquefois, en compagnie du vent et de la solitude, des partitions capables d'émouvoir jusqu'aux ronces...mais ces grâces sont rares alors qu'il est fréquent, en scrutant l'horizon, de voir passer l'envie de la nue pendaison.
Corps pris dans la corde, les cordes et les promesses, d'une vie merveilleuse n'ayant pas lieu sans cesse.
Ma région natale est de ces gorges-là, rougies par la ficelle et insensible au chant.
Parce que silencieuse (MAIS BELLE !) comme une étoile filante qui tombe dans son champ
Et puis que l'on ramasse, et puis que l'on élève, comme son enfant
Afin qu'elle devienne grande et s'en retourne vivre auprès de sa maman...
La Vile Lumière
Autrement dit la Mort du rêve paysan
Voire l'arrêt de l'air
Au profit d'une bête, mystique et suffisante.
Dans ma région natale, rien ne suffit et rien ne suffira
C'est pour cela qu'elle est belle
Parce que la survie conditionne la plupart de ses pas
Et parce qu'elle est idiote,
Comme une fille qui goûte à sa première griotte
Depuis le cerisier
Et qui trouve ça bon
A cause du cerisier
Et car il est seize heures et que donc dans trois le soleil se couchera
Avec le cerisier
Blotti sur son épaule comme font les garçons parfois au cinéma
Et que ça durera le temps d'un souvenir
Le temps d'y repenser à chaque nouvelle cerise
Et à chaque main prise
Le temps de se construire
Avec le cerisier
Et grâce au cerisier
Voire même à tous les cerisiers
Qui peuplent ma région certainement imbuvable
Mais dont tous les fruits frais sont en fait des anges,
Des comestibles fables...
Max Ernst - Forest Part One |
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