jeudi 8 avril 2021

Résumé succinct

Vivre, écraser les heures comme le sabot d'un cheval le fait d'une touffe d'herbe

Et faire semblant jusqu'à la toute fin d'avoir de la maîtrise sur cette course au galop.

Echafauder des plans alors que le papier, la peau, est le tissu le plus volatile qui soit.

Se marier en prévision des vieux jours en oubliant qu'au cœur des jeunes jours déjà, la haine nous saute aux yeux.

L'autre est du bruit, de la carcasse qui déconcentre et grince sans s'arrêter et nous sommes pour lui, la même chose ou bien pire.

Vivre, semaine après semaine assister au ballet de la lumière et de l'obscurité pour, à partir de ce spectacle que nous ne regardons en vérité plus trop, régler notre réveil. Régler notre réveil pour une heure plus tard envahir les couloirs de métro, puis pour dix heures plus tard, régler le réveil à nouveau.

Vivre, attendre les week-ends, les vacances, les meurtrières desquelles tirer notre démence. On tient debout pour les dimanches et les quelques rencontres, avec une femme, un ami ou un film.

Vivre, s'écraser sous les heures car nous sommes la touffe d'herbe et qu'il n'y a rien qui puisse changer ce résultat. Aucune alchimie, manigance souterraine, ne pourra inverser, jamais, la vanité de l'homme. 

Non plus son masochisme. Car race destinée à mourir, elle s'empresse cependant à mourir davantage, via des guerres, des rêves ou du travail. Elle aurait pu pourtant, à défaut que d'atteindre quelque élixir fameux fortifiant pour deux siècles son sang, se consacrer à cultiver, main dans la main, amoureusement, des parterres de dimanches à prendre dans la semaine mais... Elle préféra d'autres richesses que celle vraie du Temps.

De là, par millions nous allons, lorsque la nuit s'intensifie et qu'il nous faut dormir, régler notre réveil avec la peur débile qu'un jour il dysfonctionne. Comme si garder par maladresse une ou deux heures à soi était un crime horrible. Comme si dormir, repousser le cheval dont la narine au loin dores et déjà frissonne, risquait de nous maudire.

Nous sommes maudits de naissance, tous et autant que nous sommes. Cessons de penser autrement et embrassons plus justement ces retards, ces erreurs et ces manques, qui de fait nous ressemblent.

Il y aura toujours des machines pour calculer, matraquer et produire.

Pour l'amour en revanche, je crains qu'il faille des Hommes.

Et moins de réveils, mon Dieu, moins de réveils !




Konstantin Somov - Les deux clowns





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