Elle avait l'odeur folle de ce qui n'est pas bon et se doit rapidement de mourir, un goût d'œuf vieilli
Et la couleur du suppuré. Pourtant je l'aimais d'un cœur fou et j'aurai pu brûler, deux fois, Jérusalem pour elle. Parce que sa bouche avait une langue terriblement douce contre laquelle ma langue, et bientôt tout mon corps, perdait sa pesanteur morbide. J'y oubliais, caressé, dorloté, la somme accumulée de mes regrets, le monstrueux montant des peurs. J'y devenais le parfait môme gobant sa toute première fraise, son tout premier quartier d'orange, son premier pain au sucre dans la boulangerie d'un de ses malls où ma mère aimait à faire ses courses une fois samedi venu. Extraterrestre sensation me faisant parcourir, sans bouger du fauteuil de son entre-deux lèvres, les mille chemins qui menèrent Paul, le Saint laideron, jusqu'à la route plantée d'éclairs comme d'autant de platanes, de la ville de Damas. Avec elle m'absorbant, j'entrouvrais facilement ces portes métalliques qui jadis me rejetaient. Sa langue était la clef de tout, de l'espace comme du temps.
C'est pourquoi ses défauts m'intéressaient fort peu.
C'est pourquoi, quand la maladie eut finit de la becter, avec sa langue à elle, je fus inconsolable.
Bien sûr dans le futur d'autres langues me voudront. Mais à quoi bon.
J'étais à présent, au présent, dans désert.
Qu'encore du sable, alors, ces prochaines seront.
Et Jérusalem tient debout tristement.
Luca Giordano - La conversion de Saint Paul |
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