La pluie nous proposait cette nuit une symphonie déstructurée dont chacune des notes tombait, lentement, d'un rebord de fenêtre à un autre. Ces ricochets verticaux et traînants n'étaient pas mélodiques pour un sou, pourtant, en y mettant du sien, on pouvait en tirer une sorte de rythme, une espèce de bande-son qui, bien que foncièrement aléatoire, semblait dire quelque chose. Pour cela cependant, il fallait adjoindre aux lentes chutes des gouttes, le murmure ouaté des sirènes d'ambulance signalant qu'à quelques mètres d'ici, des gus devaient être au plus mal. Tragédie d'un quotidien voyant sans pause ni vacances les tombes se remplir et les lits se vider.
Pour mes voisins, j'étais un carré de lumière sous-entendant certainement l'insomnie. Pour moi, j'étais un gardien de phare, passant et repassant sur la mer nocturne à la recherche des marins envoyés par le fond.
Pour elle, je ferai mieux de me coucher. Mais c'était impossible avec cette symphonie, qui plus est depuis que j'avais contracté mon serment enfantin, celui d'écrire toujours au mépris de la fin.
Sur les quatre abris-bus de la Gare de Lyon, deux étaient actuellement occupés par des hommes se grattant, et deux autres par des retours de garde. Les premiers fendaient le cœur des seconds. Et les seconds fendraient bientôt le cœur de ceux qui, au petit jour dans l'escalier, perclus les croiseront. Et ceux-là qui en ce dimanche matin partiront vers l'avenir d'une boulangerie trouveront de la pitié chez tel ou tel client commandant son gros pain.
C'est ainsi que l'amour et la haine fonctionnent, par ricochets mutiques, d'un bord à l'autre du regard, jusqu'à ce qu'heureusement vienne un nouveau soleil, perce un nouvel orage.
Elle avait raison. Il était temps pour moi de descendre et d'éteindre mon phare.
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