jeudi 12 novembre 2020

 Qu'on se blesse aisément dès lors que l'on descend ! 

Trottoir encore, troisième glissade, la cheville a dérapé et fait déraper tout pareil tout le reste du corps

Et me voilà par terre. Par terre encore, trottoir troisième.

J'avais déjà cru mourir les deux premières fois mais là 

Là, tandis que mes tendons dégueulaient comme du fil et que pour pas changer, mon tibia s'hérissait

Là, je me suis vu vert tout à fait

Avec par-dessus moi le gros couvercle

Et autour

Peut-être

Quelques humains aimés. 

Je me suis représenté comme jamais la terre et son silence

Bruyant de mille et un insectes

Et de racines en croissance. 

Comme jamais, j'ai aperçu la couleur dissolue 

- Lavée machine à des températures qu'enfers jalouseraient -

Du Noir original.

Sur ce trottoir, ensanglanté by myself,

Je m'y suis blotti presque

Dans ce Noir catacombal, cavernissime et phréateux ! 

Dans ce Noir si noir qu'il blanchit comme l'azote liquide en vérité réchauffe...

Je me suis senti lilial 

Dans ce Noir.

Et puis des forces sont revenues, par petits jets intermittents. 

Et ces forces ont donné naissance à des embryons, à des fœtus de sensation, 

Et de la sensation est venue le Cri, cette orange qu'on ouvre en face du soleil et dont du jus éclaire sa surface.

Et du Cri ma cervelle s'est remise dans ma tête et ma tête sur mon corps éclaté à la jambe en poussière. 

J'étais donc vivant.

Sur quoi, puisque de ce statut, j'ai ramené vers moi mes liens pulvérisés, tibia de sable, cheville de gelée, et je les ai fourré au grain près dans ma bourse.

Puis je suis remonté

Constatant malheureux

L'absence aux alentours.

...

Excepté...

Une silhouette ?

...

"Qui êtes-vous fantôme ? Qui êtes-vous qui êtes ? Parlez-moi je vous prie, sans l'exiger mais avec insistance, ici, je n'ai que le soleil et la douleur pour vivre, le soleil et la douleur, et la nuit, et le froid qu'elle déverse, alors une parole me sauverait beaucoup... ça me fluidifierait... je ne demande qu'un mot, non, une note suffirait !"

...

"Un la, un do, un mi, tel ou tel bémol, un fa qu'il soit dièse ou pas... Même un silence m'irait s'il était différent, musicalement écrit et prémices d'un si...."

...

"Une note putain, une seule ! Sache fantôme qu'ici je dégringole, c'est-à-dire que je tombe, jour après jour et seul. C'est pourquoi, un petit signe, un mot, une musique, un cri, me feraient un bien fou. Je ne sais pas si tu manges mais ce serait comme manger une moitié d'abricot. Ici, je n'ai que les noyaux, les pépins et les yeux des poissons. D'où ma requête actuelle. Parle-moi fantôme, exprime-toi silhouette !"

...

Ainsi c'était un rêve ?

Une machination de ma boîte crânienne. Ainsi c'était un rêve. Pour un peu, le trottoir, le tibia, le lilial et le Noir et le froid, c'étaient aussi des rêves. Tout rêve sauf le soleil. Tout rêve sauf sa lumière, son feu entraperçu au travers des étages au cours de ma descente et qui, malédiction, demeure inaccessible dès lors qu'au dehors à cause des immeubles et de leurs mauvais sorts, qu'ils jettent, comme ils jettent des hommes. Tout rêve. 

Il faut que je remonte, quitte à ce qu'elle soit du chiquet l'ascension.

Il faut que je remonte

"Silhouette,

Saurai-je un jour ton nom ? 


Remedios Varo - Voyage en spirale




 

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