Les souvenirs sont des cases toutes éloignées entre elles autant que les étoiles.
Et pire encore, si les souvenirs sont des étoiles, celles-ci sont filantes ou souvent invisibles comme en ces nuits profondes cadenassées de nuages.
Les souvenirs sont en vérité, davantage que des étoiles, des fleurs blanches uniques dans un parterre de fleurs blanches sacrément similaires. La plupart du temps, nous passons devant ces fleurs blanches sans en extraire une seule du paquet brillant devant nos yeux. Et puis, à la huitième promenade, pour X ou Y raison, nous finissons par voir une fleur blanche à l'allure différente. Elle est pourtant, cette fleur blanche, exactement semblable à tout son entourage et dotée à la virgule près des mêmes qualités de couleur et de masse. Mais, cette fois-là, à la huitième promenade, cette fleur blanche proémine, attire notre regard. Alors on s'en rapproche, comme si d'un seul coup cette fleur prenait le dessus sur l'intégralité des désirs et corvées encore en cours à cet instant, quand bien même l'on sait qu'en s'en rapprochant de la sorte, on aura l'air bête et faussement inspiré, comme tout lecteur de Socrate à l'université. Mais on s'en rapproche et nous allons jusqu'à sortir de leur torpeur nos narines et leurs poils. Nous sentons ensuite la fleur blanche avec application, car il s'agit de la sentir elle seule et non pas l'ensemble du parterre. Et l'espace d'une seconde, contre toute attente compte tenu des limitations de notre organe nasal, largement rendu sourd par le phénol des villes, nous y parvenons, nous la sentons unique. Malheureusement, dès la seconde qui suit, son parfum nous échappe, est rattrapé par tous les autres, il nous fuit au final.
Ainsi fonctionnent les souvenirs (et si le parfum reste, alors j'ai bien peur que vous ayez affaire avec un vieux regret qui lui, s'il tient de l'étoile, tend à tenir du soleil et s'il tient de la fleur, de la rose populaire).
Enfin je dis cela en prenant bravachement l'accent de vérité alors que je n'en sais rien, des souvenirs comme des fleurs. A peine ai-je vécu quelques déjà-vus et aperçus enfant, planqués derrière les planches de bois formant un terrain de pétanque, deux pieds vaguement fleuris... ah et aussi, ça me revient, dans la cour de l'école, il y avait un arbre cachant dans ses branches des grappes de salsepareilles... la légende racontait même qu'un gosse l'année d'avant en avait ingéré et qu'il avait fini, empoisonné, par dégueuler ses tripes sur un lit d'hôpital... mais à part ça, et ce saule pleureur dormant dans le jardin de mon grand-père et qu'on voyait depuis la gare (avant qu'elle ne soit reconstruite et qu'on bâtisse autour des murs comme des grillages obturant la vision)(mais pas le passage car en un jour même pas, un malin avait découpé un gros morceau de grillage, faisant gagner à tous une bonne minute de marche), plus rien à déclarer botaniquement parlant (exception faite peut-être de la pivoine, surnom pris par Julie pour qualifier sa tendance, mignonne, à rougir facilement)(je dis peut-être car si la pivoine est bien une fleur, il en va autrement de Julie et ses joues). A part ça donc, et ces tulipes nombreuses et caricaturales bordant de toutes teintes les édifices reproduits à l'échelle un vingt-cinq faisant le prix du ticket, et la fierté de son créateur, du méconnu Madurodam... Rien. Sauf s'il on considère que ces dizaines de pissenlits bien mûrs sur lesquels j'ai soufflé sont des fleurs méritant une mention (ce qui peut se débattre, tant universelle est, fut et sera cette petite activité comparable en plaisir à l'éclatement d'une feuille entière de papier bulle ou bien encore à l'ouverture d'une boîte à chaussures neuves, et tant traiter l'universel n'est pas le genre admis de la maison).
...Il faut croire que cette nuit était vide de nuages.
Les souvenirs sont des cases qu'on ouvre par hasard
Et qui parfois en elles
Renferment des séries de serres
Et des sourires qu'âge
Affermit avec grâce.
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