Un enfant criait, malheureux qu'on lui refuse un jouet et dans les faits, auditivement parlant, on aurait dit une mouette prise au piège. Si j'avais pu, je serais descendu lui prendre sa peluche mais descendre, pour moi, prend énormément de temps. Il y a d'ailleurs fort à parier qu'arrivant dans la rue afin d'acquiescer au caprice, sûrement légitime, de ce gosse inconnu, il soit devenu homme hurlant pour autre chose qu'un animal bourré de fibres creuses.
Il pleurerait d'amour, des causes d'une rupture, ou bien par anxiété en face d'une existence avare en ors et lauriers. Il pleurerait d'autre chose que cette fois quelques sous ne sauraient pas résoudre. Il crierait d'un manque immense de considération ou parce que ses deux mains, autrefois si précises à cueillir et capter la chair d'une orange tout comme celle d'une joue, se refermaient maintenant toujours avec retard, laissant tomber le fruit et flétrir le charme. Il crierait, mouette engluée dans du fil, parce que la mort - l'honteuse mort qui se cache sous une cape histoire qu'on ne voit pas à quel point elle rougit d'accomplir une telle tâche - auparavant lointaine et basée sur une île minuscule d'Asie ou dans les Appalaches, venait de s'établir à moins d'une centaine de petits kilomètres, parce qu'elle se rapprochait, soit en covoiturage, soit en prenant des trains et des navettes, et qu'il n'y avait plus moyen à présent d'éviter sa rencontre, même en tentant de partir à la dernière minute pour une sombre ville russe. Car la mort allait plus vite que lui, tant et si bien qu'admettons qu'il s'essaie malgré tout au voyage, à peine aurait-il posé le pied sur les dalles bicolores de la gare d'Irkoutsk, il verrait l'attendant au sortir de celle-ci, la faucheuse en pleine forme et tout sauf essoufflée par l'imprévu périple. C'est pour ça qu'il crierait tandis qu'enfin rendu à son niveau, je le verrai ensuite se mettre pieusement à genoux attendant qu'on l'emporte. Et les pièces dans ma poche prévues pour la peluche, ne seront rien qu'oboles, et la mouette des os étalés sur le sol.
Cet enfant mis à part, il me tardait d'avoir des nouvelles du fantôme. Lui seul savait un temps semblable au mien, c'est-à-dire une durée où un siècle voire deux passent entre chaque matin. Lui seul savait la non fragilité des dates et que cet appareil qu'est le calendrier, en vérité, n'est qu'une grossière farce au regard du réel de la flèche temporelle. Lui seul savait qu'hivers durent des années. Lui seul savait et je voulais, avec lui, ce vertige partager.
Adolph von Menzel - Intérieur d'église |
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