Pour ce qui était des rois, il le voyait déjà du haut de leurs tourelles, ce paria gigantesque tracé dans l'encre tiède, colosse crépusculaire à face de corneille bientôt ouvrant son bec sur toutes nos artères. C'est pourquoi ces régents urgemment prétextèrent avoir affaire ailleurs et s'exilèrent au sein des nacelles érigées par nos soins en direction des mers, des lueurs inoxydées de l'océan voisin. Nous, bêtement, nous restèrent, nourriture pour cet aigle aux ailes trempées du vin s'échappant de nos pères, de nos mères, de nos charmants bambins. Il ne mit pas longtemps à pleinement nous soumettre, soumis que nous étions, premièrement déjà, à la promesse de lendemains meilleurs où bonheur serait là, accessible, factuel, possible pour nos bras.
Maintenant que nos chairs n'ont même plus d'épaules et que c'est sur le ventre que s'avancent nos foules, de l'usine à la fosse que l'oiseau tient sous serre comme un gâteau sous cloche, on comprend que ce rêve était un lien fantoche, effiloché bouquet d'une soie mensongère cachant en vérité du barbelé féroce, de la ronce policière, une prison, piège moche. Pourtant nous continuons, quitte à relier ensemble les dépouilles de nos proches, à souder caravelles grâce à elles et au fond de nos poches.
Peut-être quelques-uns s'en iront pour de bon du côté du grand air, peut-être même qu'ils verront le délicieux ponton de la cité princière.
Où on les abattra, parce qu'il n'y a rien à faire.
Alfred Kubin - Vers l'inconnu |
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