Par-dessus le soleil étalait une lave, si vaporeuse et déconfite néanmoins chaude et l'encensoir d'une forme d'autre jour. De passé gigantesquement brûlé, noirci de part en part, où chaque homme et chaque femme avaient du cœur péri. S'amourachant jusqu'à plus soif, ils s'étaient découverts au gré des soirs une cendre, une poussière, un déhanché, accroupissement du tendre. S'affamant à la langue d'un liard dividende qu'ils ne partageaient plus - l'hostie s'écartelant désormais pour soi seul - ils tentèrent aux fenêtres de renclencher le jus. La croisée renâcla avant son ouverture et quand elle fut, c'est une neige en hardes aux gueules dentées et vives qui pénétra la chambre. Ils prirent froids, naturellement ces gens par l'hiver mordu. De quoi vomir du sang, réclamer des piqûres, de quoi des cordiaux à l'étude faire la nomenclature. Ils les essayèrent tous : des pommades aux bromures aux poudres d'argousier, des vulnéraires aux vieux mérous dont les globes oculaires contenaient paraît-il, derrière l'ovarien voile et dessous la pupille, un séduisant liquide guérissant du haut-mal. Aucun ne fut pratique.
Y avaient des losanges sur la nappe, de petites faces triangulaires, violettes, cyanes ou grises.
Par-dessus le soleil étalait une lave, jaune mantille au temps qui passe.
Pourtant nous nous aimâmes et des foyers se fondirent, maisonnées de bandits en disgrâce où nos fils et nos filles, sortis des marécages, bondissaient salissant sans que la propreté nullement s'en agace. Ils saccageaient mais impressionnament carreaux, meubles et vases conservaient intégral leur éclat initial. C'est que le bonheur laisse peu de traces.
Quant à l'enfance elle oui, elle les éclate en nombre les rangées de faïence, mausolée majolique qui se décomposera durant toute la vie. Ainsi la ruine pour la ruine se ruinera également, et nous mourrons sans souvenirs. A part peut-être un lot d'effusions chromatiques.
Y avaient des losanges sur la nappe, de petites faces triangulaires, violettes, cyanes ou grises.
Par-dessus le soleil étalait une lave, récépissé pour le regard.
Preuve faite qu'exister ne tient pas du fantasme et qu'il est au loin des nuages, des explosions, subatomiques coups de poignards, qui nous destinent par pur hasard à détenir des sensations, notamment celle de l'espace.
Nous ne sommes pas grand chose, un grain de sable dans une rose. Une goutte au sein d'une goutte, une maigre araignée sur le bord d'une baignoire, une mousse au sein d'une mousse. Quelle est l'eau, quel est l'arbre ? Quel est l’œuf ou la poule ? Ce n'est là qu'un détail. Attardons-nous plutôt au saisissement des failles, quêtons le fissuré, le discret fendillant par lequel la vie baille et cherchons à savoir comment faire pour qu'elle aille, bien, mieux, douée d'oreille musicale et du génie du feu...de ce feu se pâmant à la lueur des étoiles et qui transitoirement allume le merveilleux dans cette espèce grave née du fractal des cieux.
Sachons poétiquement notre géométrie et qu'au fond toute forme renferme une élégie.
Y avaient des losanges sur la nappe, de petites faces triangulaires, violettes, cyanes ou grises.
Par-dessus le soleil étalait une lave, qu'on se le dise, qu'on se le grave.
L'amour est dur mais il est là, ici, maintenant, sur cette table.
Ici, maintenant, grâce aux cadavres.
Ici, maintenant, grâce aux enfants.
Ici, maintenant, grâce aux entrailles lanugineuses qui tirées en tout sens font la lyre excellente d'un Orphée volte-face, argileux et souriant.
Nous serons tous pierres alors autant sourire, même aux picards après-midis.
Et ce même si ma mère intérieurement soupire,
Et ce même si je ne suis pas compris.
Y avaient des losanges...de petites faces...grises ou cyanes.
Dire je vous aime manquerait de classe
Alors je vous l'écris
Sur un morceau de nappe...
Dante Gabriel Rossetti - Proserpine |
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