L'Histoire n'est qu'un long compte-rendu de la bêtise humaine
Quant à la Philosophie, elle ne fait qu'étayer son immuabilité.
H.C.
D'un blanc tirant sur le violet, le ciel enfenêtré, parce qu'immuablement peint au cœur du timbre triste d'un lotissement de banlieue, n'annonçait à le voir, pour Serena, aucune innovation. La paperasse autour d'elle - et que le ciel cadrait cette fois - progressait pour sa part pathologiquement, patence syllogomane induite dès qu'un travail d'enquête s'effectue à partir d'un mystère d'importance. Ou plus précisément, dans ce cas-ci, à partir d'un improbable fendillement des moulures stylisant le plafond d'existence, à partir donc d'un trou de mémoire...non pas des voisins et monstres présumés...mais bien du Temps lui-même. Le Temps avait oublié ce qu'il s'était passé.
Le Temps ! Ce consigneur exaspérant de chaque faits et gestes, en ceci qu'il les produit et les permet car maître du mouvement, avait donc pris une sorte de pause, d'arrêt pour respirer alors que par essence (de par la décision de ce jeudi de juin du Parlement Adamantin), on l'enrôla pour être le principal poumon de tout le pulmonaire.
Cependant il est à remarquer, après un bref examen de l'Histoire, que cette absence, bien que stupéfiante et apte à gâter le sommeil des mieux lotis des loirs, n'était pas tout à fait une première. En effet et pour prendre un exemple récent afin d'illustrer rapidement mon propos, lorsque Yokozuna s'abattit de tout son poids depuis la troisième corde sur le torse de Bret "Hitman" Hart au cours du Wrestlemania 10 de 1994, quel spectateur assidu de ce celluliteux éboulement peut affirmer ne pas avoir assisté, impuissant ainsi qu'avide, à l'enfoncement terrible de la cage thoracique du né natif de Calgary ? Quel est celui qui peut, idem, nier avoir entendu, dans la suite directe de l'impact, une maximale quantité d'os, plexulaires et costaux, se faire la malle au creux de zones normalement réservées aux tibias et épaules ? Qui peut cela ? Personne !
Pourtant, aux faits illuminés par la latence d'une caméra, il s'avère que Bret, selon une scène sûrement mûrement répétée, se tira d'affaire ce soir-là en roulant sur le flanc (et donc en demeurant totalement indemne) ! Impressionnant réflexe de catcheur entraîné qui prit de court, comme avancé plus haut, tout le public présent au Madison ce soir-là. Mais pas parce qu'ils étaient toutes et tous mous du bulbe, même pas non plus à cause d'un de ces effets de foule faisant le ravissement des sociologues prostrés, non, point d'offense simpliste de ce genre peut convenir ici. L'affaire est plus grave, plus entêtante, plus immorale. Plus dangereuse également qu'une boxe fictive aux gants trempés d'acide ou de blocs de ciment...
L'affaire, vous l'aurez deviné, c'est le Temps et particulièrement sa façon d'échapper à ses contemporains. Si l'exemple du Wrestlemania ne vous a pas parlé malgré son évidence, je vous invite alors à repenser au dernier accident que vous avez vécu ; et j'entends "accident" dans son acception la plus rapprochée du paronomatique "incident", en ceci qu'il n'est nul besoin, pour que l'expérience réussisse, de vous remémorer des traumatismes douloureusement putrescents et que la chute banale d'un passant sur une plaque de verglas peut suffire, pour l'expérience, plus qu'amplement.
Bien, maintenant que vous vous souvenez de ce dos rigolo s'éclatant sur l'argent, je m'en vais vous poser une question : Que s'est-il passé ? Que celles et ceux (et je prévois, pour pareille occurrence, l'érection d'une majorité de "ceux") qui murmurent à présent dans leurs barbes et duvets en espérant que je les entende s'abstiennent sérieusement ! Nous sommes dans un lieu saint ici pas dans la vulgarité d'une salle de classe et comme dans tous les lieux saints, une unique personne parle.
Je continue donc : Que s'est-il passé ? Certes, un gaillard ébahi a glissé puis s'est retrouvé les quatre fers en l'air mais là n'est pas ce qui compte. Ce qui compte, ce n'est pas le fait en lui-même mais votre perception, exacte, de ce même fait précis. Alors retournez-y dans cette ruelle, de village ou de ville, où quelque chaussé pleutre, mal anticipant le coulissant d'un sol non salé, s'est étalé de tout son long, soumis qu'il fut sans y adhérer pour autant - parce que perfectionniste de nature - à la loi de Coulomb.
Qu'y voyez-vous dans le détail ? Outre le nez lippu et la bouche aquiline, par-delà les oreilles chassieuses ou les yeux en chou-fleur, qu'y voyez-vous, mon auditeur ? ...
Projetez-vous la bobine - et celle du victimaire - un dernier coup s'il le faut, c'est que ça me ferait plaisir que vous réalisiez, par vous-même, ce que je m'apprête à dire. Cela me ferait gagner quelques lignes et un peu d'empathie pour notre espèce humaine...
Bon ? Rien ? Vous n'avez rien remarqué d'autre que la chute rigolote ? Soit ! Mes ennemis raillent souvent mon goût pour la couverture mais n'est-il pas ce penchant obligatoire en quelque sorte quand on est au final entouré si pâlement ? Par de spectraux scénaristes de leur pensée à peine capables de retenir des tables non pas combien peut faire sept fois neuf mais que c'est sur celles-là qu'on pose les assiettes et les pièces de boeuf. Par des petits bras qui boulottent comme des lampes à pétrole et qui rangent tout au buffet et qued' dans la carafe ! Par des mectons, des mectones, d'une bêtise d'abri-bus et qui me lisent néanmoins, signe évident d'une volonté de bien faire mais bien faire est fortuit quand on part de trop loin. Or, vous êtes fort cuits les copains franchement, vous valez pas tripette, ce qui veut dire petite tripe, ce qui veut dire rien.
Bon ? Rien ? Vous n'avez rien remarqué d'autre que la chute rigolote ? Ah si ? Oui, c'est ça ! C'est tout à fait cela, j'applaudis*, bravo ! C'est ça ! C'est comme vous dites : "il y a eu comme une saute dans votre perception juste avant que le gus ne renonce à la gravité, devenant drôle tout à coup". Un à-coup du vivant, c'est ça, un micro-tremblement passant une sueur à notre échine tandis que ce monde, qu'on s'imaginait nôtre et calibré pour nous, se déforme étrangement. Elle paraît pas grand chose cette seconde qui tressaute avant que nous reviennent nos forces habituelles. Elle est pourtant tout mon sujet.
Car cette seconde où la réalité paraît s'absenter pour mieux se reconfigurer et qu'on puisse y faire face, cette seconde où l'instinct nous fait fermer les yeux sans pas toucher à nos paupières, cette seconde c'est justement "le Temps qui s'arrête" comme l'avance l'expression. Sauf qu'il s'arrête en continuant, ou plutôt trop discrètement pour que s'annule quelconque action. Et donc le passant tombera et donc la voiture engloutira le platane. Et donc Bret "Hitman" Hart rusera Yokozuna.
*
Après telle clarteuse introduction, il me paraît bienvenu d'expliciter enfin quel genre de "saute du Temps" rendit folle Serena. Pour ce faire, soucieux d'une variété de nerfs et de tons, je la cite à l'exact ci-contre :
"C'est toute une nuit de juillet qui disparut entière, avec dedans mon fils et une centaine d'autres !"
S'il serait tentant de moquer dans cette phrase une exagération (nuit, entière, centaine...), il l'est beaucoup moins au regard, encore une fois, de certains faits historiques troublants. Pour m'éloigner de l'anecdote et de l'incidentel, je m'en vais précisément vous causer de l'un d'eux en optant, à l'instar du ver gisant sur son crochet, pour le plus rutilant. Celui-ci nous heurtant au cours d'une période déjà très bavarde en massacres, il fut longtemps méconnu voire douté par les collecteurs d'épouvante et chenus nécrologues l'ayant avoisiné au hasard de précis submergés par le pire. Comme il est à prévoir concernant cette nuit affolant Serena - et ce malgré la multiplication des sources et des moyens de ruissellement - qu'elle finira en astérisques, annotations vidées de sens noircissant des bas-de-page ou des dédales d'appendices demeurant invisibles à toute espèce de lectorat car race trop soucieuse, celle-ci, de garder ses iris pour les événements gras...Pour des célébrations d'attentats terroristes ou des conversations, glaçantes à souhait, avec quelques mascottes de l'assassinat : tueurs en série comme tyrans politiques.
Les cauchemars dépendent eux aussi d'un timing, d'un odorat quant à l'ère du temps, s'ils veulent qu'on ne les pas oublie. Et ma paire de songeries pourtant abominables et dignes candidates au concours des légendes avait le nez coupé pour des raisons si diverses et si vastes, si terreusement mêlées à d'obscures racines, à des tunnels si complotant qu'ils rivalisent d'énigmes avec ces loteries de roussis ou de parmes que concocte le vent quand les nuages passent, que je les sais, ces raisons d'insuccès, appartenir ensemble à ce lopin vertigineux scintillant par-delà ma sincère omniscience et donc, fatalement, impossibles à décrire. Ces mondes d'outre-moi gérant intérêts et désintérêts d'un crime ou d'une naissance, d'un livre ou d'un sandwich, sont bien souvent pour moi la cause d'exaspérants regrets tant les ratages qu'ils exécutent paraissent, de par leur grossièreté, comme des faits exprès...
Des rues André Malraux et puis quoi d'autre encore ? Miro le vénéré ? Saint-Saëns dans le décor avec Senna, l'incinéré, qu'on fleurit et fleurit parce qu'il savait conduire très bien l'automobile ? Et Montesquieu qu'on cite alors qu'Octave Mirbeau nul ne le ressuscite, pas même ces fossoyeurs - qui fossoyèrent jusqu'à leur inscription, arythmique, dans les contenus professoraux - géniaux mais sage-femmes passables que sont nos chers surréalistes ** ? Et pas un mot sur Lovecraft qui ne soit pas teinté d'un mépris hiérarchique tandis qu'on se pignole sur Pagnol, Pasolini, Pavese et consorts ? Tandis que ça se rue, photographiant, dans des couloirs inondés d'hommes à barbe pour mater les bêtises de Basquiat ou Sheehan (je parle ici d'Heather et non du jeune Edward) ?
Cette liste d'erreurs pourrait continuer jusqu'au soir de ce monde mais comme il serait dommage que l'affrété déluge, que l'incendie immonde nous ratatine tous - c'est-à-dire moi - sans que fut faite enfin l'éclaircie autour des deux tracas que je vous ai promis, je la laisse en suspens. Et m’attelle plutôt, marionnettiste noueux par affections circonvolutionnaires, à donner du jeu et de l'aspect visible à ces cordes souillées dont l'exhumation in extenso dégoûtera, espérons-le, tout tentateur d'agir similairement avec autrui, camarades comme ennemis, humains comme animaux...
A SUIVRE DANS DEUX SEMAINES
Zdzislaw Beksinski - AA78 ou "La maison vide" |
* je m'applaudis à moi-même
** hors Breton of course
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