Combien, de neiges embarrassés, accusèrent le coup avant de s'effondrer ? Comme des loups sans meute...
Combien de ténèbres, de fait, en pleine journée nous causent ? Comme des lieux irradiés.
Combien prennent, prirent et prendront de ces tasses affligeantes, imprévisibles et longues plastifiant les poumons en leur coupant les bronches ? Comme des poissons qui n'en sont pas.
Combien d'armes éclatèrent pour un rien dans mille rues ? Comme verdict rendu à la barbe des juges.
Combien de citoyens, insupportés, ressentirent le besoin d'un iota s'exprimer ? Comme la peur, en passant, toujours, par le poste-télé...
Tout ce qu'ils avaient vu, écouté, touché, senti, perçu, ressenti, éprouvé paraissait secondaire depuis cet instant-là : tous ces chapelets de rhumes, tous ces rosaires de balades, équestres ou sans cheval, tous ces silences et toutes ces danses, toutes ces infinités...de données vaines...tous ces noms de chanteurs, d'actrices, d'acteurs, de cinéastes...tous leurs visages...tous ces mots rares..."catafalque"...et bouts de langues apprises..."venga a la ciudad"..."sorry my son"...tous ces cieux cramoisis qui furent vus en se rappelant là seulement que le ciel existait...toutes ces cours sous la pluie...et ces pupitres avec sur eux différents coups de griffe, changeant de profondeur selon l'année choisie...toutes ces amours, vaincues et froides ou encore globalement crépitantes, grâce à quelque distance ou des soins d'exception...toutes ces chansons qui en parlent, subtilement ou franco...toutes ces sérénades et tous ces coquelicots...toutes ces chemises noires d'avoir attendues qui replongent une peau, un soir et des serments...c'est sûr qu'avant elles étaient blanches...toutes ces masses, tous ces corps quittant corps pour ensuite quitter l'âme pour enfin quitter corps, encore et dans les flammes...toutes ces passes de la poisse entre deux plaisanteries vaguement intéressantes...toutes ces chevilles foulées et pour combien au juste de courses d'importance ? Et tous ces bars passés devant, avec dedans tous ces alcools et tous ces gars qui se vitrifient...et toutes ces banques, tous ces prêts, toutes ces rentes, toutes ces aigreurs d'estomac de petits comptes qui comptent leur argent car chaque pièce, rouges comprises, les pousse un peu plus loin de ce canon qui jadis bandait à bout portant...un peu plus loin du pont...
Il sert à ça l'argent : à désodoriser la misère qui nous prend...
Toutes ces vacances pas sidérales à rouler vers le sud...mais même pas le sud qui tinte...le sud qui sans boussole en preuve pourrait être le nord sans qu'on puisse s'en plaindre...tant il est sale et triste à souhait...ce sud de ceux qui dorment en tentes...entre deux trois pots d'échappement...ce sud des sanitaires, des dunes et des adolescents qui s'y font l'Expérience parfois contre leur gré...ce sud à jeter...et ces souvenirs s'y rattachant, des souvenirs sachant, par je ne sais quelle nostalgique tonique, par je ne sais quelle perversité et divergence du prisme, se lever merveilleux et avec élégance...comme s'ils étaient beaux...sous le soleil, inexactement...
Tous ces mensonges qui nous redorent les jours de trop grande vérité...toutes ces arborescences d'avant qu'on les devine ces fumeux incendies...toutes ces futaies qu'on vit s'allumer pour s'éteindre, des squelettes à leurs pieds...tous ces avis, ces impayés, ces avertissements, ces rendez-vous urgents avec des conseillers...toutes ces heures sacrifiées pour des paires de centimes...et tout ce même temps qu'on voulut rattraper en passant à l'orange...toutes ces tôles froissées pour la joie d'une seconde...et tous ces hôpitaux, débordés...tous ces lits dans les chambres et puis dans les couloirs et puis même parfois, tous ces lits au plafond, "c'est de l'espace gagné", et les malades du dessus bavent et reniflent en plein sur les babines des malades du bas, qui reniflent à leur tour, quant aux gus des couloirs, on ne s'en occupe pas, ils sont là qu'en pâtés, qu'en terrines aux goûts lentement s'affermissant jusqu'au passage du prêtre venu les récolter...tous ces prêtres sanglants, tous ces imams idem, tous ces rabbins déliquescents...et toutes ces foules, mon Dieu, toutes ces foules !
Et toutes ces missions...
Tout cela plus mille choses, des senteurs lavandières à l'aspect caoutchouc d'une goutte de sperme, des livres aux machicots, des araignées aux animaux observés splendidement dans des zoos sans se douter vraiment que ce sont les derniers, et qu'on est pas loin d'eux en termes d'extinction.
Tous ces bouquins sans aucune peau.
Tous ces seins léchés mal et toutes ces bites sucées comme de petits bâtonnets testant l'état grippal.
Tous ces froids sexes et ces mariages et tous ces gosses qui en rayonnent, en dégoulinent comme du miel avant qu'éduqués par des caves, tout ce nectar les abandonne.
Toutes ces caves et tous ces mômes.
Tous ces cachots à portes closes et tous ceux open-bar où ça boit comme ça peut, du jus de goyave équivoque, mais peut-être est-ce du feu ?
Tous ces bûchers qu'occidentaux perpétuent à nourrir en envoyant de la bouffe, petit sac de riz * par petit sac de riz, alors qu'ils meurent eux d'eau via la dysenterie...
Toutes ces bouteilles d'eau hors de prix sur toutes ces aires d'autoroute où se croisent prépubères et pères de famille, chacun ensuite se sciant à la Red Bull ou à une plus daronne caféine, avant d'aller s'écarquiller plus profond dans la nuit jusqu'à ne pas freiner et faire de leurs pares-brises de sacrées guillotines.
Tous ces accidents meurtriers, toutes ces comptines.
Tout ce concret qui ravine, rapplique exprès quand on vieillit, si jamais on vieillit et qu'on a conservé de quoi un peu penser.
Toutes ces rides mon bébé que je vais te léguer...quand tu voudras plus me voir à part pour déjeuner...quand je serai chenu et genoux excavés...que tu me diras qu'elle est belle ta prochaine, qu'elle porte chemisier et que tu portes sa chaîne...quand tu seras un adulte avéré, avec en tes vertèbres des angoisses familières dont tu n'arriveras pas, par bêtise, à me parler...quand tu la confieras, ta confiture, à d'autres maraîchers et complices de biture, plutôt qu'à ce papa désireux de t'aimer...
Je le sais bien, j'ai fait pareil.
(Avec le mien, j'ai fait pareil.)
Tous ces désirs en sel, en flocons de poussières impossibles à choper, tout cet évanouissement qui nous maintient debout avec au fond des yeux d'attentifs filets...si jamais rien qu'un bout, étrangement en fuitait pour nous tomber dessus...il faudrait être là pour pouvoir l'attraper et surtout plus le lâcher...ce polymère cossu...cette luciole annoncée depuis que nous sommes nés...il ne faut pas du tout et d'aucune façon qu'on la perde de vue...quitte à se déliter, il ne faut pas cesser sa pêche et sa battue, c'est un non-négociable ! Et ce même si déjà nous ne la voyons plus.
Ni ne l'écoutons, ni ne la touchons, ni ne la sentons, ni ne la percevons, ni ne la ressentons.
Quant à l'éprouver ? Soyons sérieux, nous sommes chiffons
Et entre Elle et nous le torchon a brûlé.
*
Parlais-je de la Nature ?
De la Vie ?
De l'Idée ?
Tous ces effets de manche ne me font pas marrer.
Je parle d'autre chose : du désir d'enfanter !
Pas forcément un mioche ou une mocheté mais d'enfanter tout de même de façon à ce qu'on veille, d'un oeil aimable éventuellement, sur mon berceau à moi aussi, et ce même si je pleure, et ce même si j'oscille, incontestablement.
Je désire qu'on me regarde comme une de ces fleurs rares qu'on entretient sous cloche.
Je désire qu'on me rêve dedans son lit très tard, qu'on pense à moi de la façon d'un fétiche ou d'un daté Ruinart et qu'on se cotise plusieurs nuits pour m'avoir.
J'ai ce désir indigne d'accaparer l'esprit.
Le désir et l'espoir qu'on s'aligne, accroupis, sous la neige de mon regard, soumis à mon pouvoir d'auteur récompensé et soucieux de lui plaire, de le baiser cet oeil et ce jusqu'à plus soif...
J'ai l'envie qu'on m'acquiesce et de casser la banquise dès lors que l'on me lasse.
J'ai cette faim de maîtrise, cette fringale mégalomane qui me tracasse le bide depuis que je suis tout petit.
Parce que je suis tout petit.
Et que mon berceau oscille
Comme un cercueil de glace.
*
Ce que là je veux dire ? C'est qu'avorton j'aspire à enfanter le Monde, non mieux, les Galaxies !
Et à faire de Saturne un hochet pour mon ongle ! Mon caprice perso version Montessori !
Capiche ? Compris ou pas compris ?
...tel épris qui croyait comprendre...
...finit par se définir...
...dans le reflet...
...d'une goutte d'ombre...
De quoi la faire partir, celle qu'il pensait suspendre, comme un trophée
Coupé du monde.
*
Le gros donc du désir est d'aimer en quinconce
Et de toute faire pour qu'ensuite chaque point se relie
Même si ça prend du temps et que le fil parfois picote comme la ronce
Ce n'est qu'ainsi qu'on coud vies et constellations :
Ensemble et en s'aidant, par de vieux discours d'unisson
Sur la juste beauté de ce rouge horizon
Flambant à nos épaules
Telle une main maternelle
Une maison
Faite de sel.
Plan de l'atelier de M. Fernand Khnopff |
* = balles
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire