Allez, sur ce, je vous laisse. Bon courage et puis chance !" Et le gus disparaît serti d'une bonne action...
Mais je l'avais pas demandé sa pupillaire onction ! Qu'il m'ait en pitié, en considération, comme un rat sur les rails, je m'en serai bien passé comme l'alcyon d'un trou de balle. Ces salauds font de ma jambe une mine épouvantable où piocheraient immenses, dans des égouts bavasses, tous les embastillés et reclus dégueulasses ayant tué de sang froid suite au choix d'une face des galeries de gamines en pleine fleur de l'âge. Ils font de mon handicap le crime des apaches, sacrifiant, scarifiant, le cheveu de son crâne tandis que moi mon âme, puisque en état de marche, ne fait que sautiller entre les nénuphars.
Et quand c'est pas la pitié au coulé maquillage, c'est la haine gauchère qui fournit la menace. On me regarde mortellement, en une incarnation européenne du diable. On me regarde comme ça, j'exagère pas d'un watt, comme une portion maudite d'un cancer possible rien que par mon contact. Comme un truc qu'on veut pas et que pourtant on croise. Et souvent c'est les femmes, des mamans la plupart, qui me la servent cette passe. Elles craignent que je déteigne, sur leurs ovaires par contumace et qu'en m'ayant vu là, leurs ovules se crassent ou pire...quand elles sont plus enceintes, que ma pétée démarche n'atteignent leurs philintes. petit machin fort démocrate qu'est cet enfant âgé de cinq qu'à leurs poignes elle trimbale. Cachez donc ce cradingue que je ne saurais voir ! Et donc elles baissent les yeux, guérissant quelque escarre que je produirais sur eux...
Mais putain moi je marche, je fais que ça sur la pointe : me déplacer dans ces couloirs de métros et de gares où on aimerait que je crève, d'un souffle au cœur barbare. Si je pouvais camper constamment dans le noir, me tapir infini dans le tissu du soir, soyez sûr que ce serait fait, je veux pas gêner, je veux pas d'histoire ! Mais faut encore que je vois des squares et que je m'y déplace...
M'en veuillez pas messieurs et dames !
Et puis il y a les Monstres de cette monstrueuse race, guildes de banlieusards et d’illettrés notoires qui sont parmi mes préférés, paradoxalement, parce que moins dans le détail quand il s'agit du sens. Eux me détestent sans égard, me fourbissent des oeillades ouvertement bestiales sans l'idiot double-jeu du semi-paroissial ni l'once de "Dieu m'en garde" des poulettes ovipares. Eux m'abhorrent, tout couillons qu'ils sont, au moins à la loyale. Il se fiche de moi comme il se doit et comme l'amour se propage, c'est-à-dire à l'horizontal. Ils m'imaginent sans état d'âme, avec tout ce qu'il faut de recueillement sauvage pour que je sois certain de ne pas être un humain mais un mage, de ces genres de sorciers sur lesquels on crache avant de les brûler...sûrement pour lubrifier les flammes.
Eux, qui sont majoritaires dans mon quartier actuel, et qui de par ma jambe en rien me considèrent sont cependant les rares vrais amis qu'ils me restent. Etant donné qu'un frère se doit de nous pousser à prouver le contraire, et que ces maints connards, via l'uniformité de leurs soins détestables, m'obligent aux poèmes ainsi qu'à dénicher tel ou tel génie sur le coin de ma table...
De beaux génies qui se promènent
Et que nul ne regarde.
Max Ernst - Le baiser |
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