Rien que des nuits.
Partout, étalées, longilignes, elles tapissaient d'angoisses nos palais et nos yeux.
On y voyait que des ombres et savourait que du vieux...
Conserves dépassées, poires sures, salpicons biscuités
Mi-ténèbres, mi-sciure.
C'était ça de moins pour l'ennemi...
Encore fallait-il pas mourir
Mais pas mourir alors relevait du magique...
On en avait vu tant, des harnachés et des splendides
S'assoupir puis se réveiller vides...
Tant de familles, de proches, de voisins et de commerçants qu'encore hier on ne pouvait pas sentir
Finalement s'endormir, sans parfum, tout en nous laissant tristes...
Tant de cages thoraciques creusées à même chemise
Ou à même la peau quand il s'agit des filles
Comme ces seigneuries rousses ne pouvaient pas partir
Sans qu'on les déshabille
Et les fourre d'épines...
Couronnées de salives, griffées à l'intérieur
Elles éclataient ensuite à la façon du verre
Ou d'un pétale de fleur...
Et des rousses comme ça nous en vîmes des milliers
Brûlées vives
Malgré le froid polaire et l'absence d'allumettes, de réchaud, d'éclair et de silex.
C'est peut-être juste que c'était pas notre ère
Pas notre alunissage
Ou qu'on payait pour nos bagages...
J'en sais zéro pourcent
De ce qui poussa ces rangs barbares à nous mettre à l'amende aussi sauvagement.
Certains disaient que c'était une vengeance
J'y croyais pas tellement
Car je connaissais du monde manquant de s'évanouir
A la seule vue du sang...
Il devait y avoir autre raison
A cette folie extravagante...
Une sous-jacence de saucisson
Ou de billets de banque...
Un truc, une illusion,
Un maléfice pour qu'évidente devienne l'idée de nous chasser
Encore pire que les puces et ce d'après une...décision.
L'histoire, moi, comme je l'ai dit
Je ne la connaissais pas, excepté quelques bribes qui roulaient des tontons
Des soi-disances selon quoi par le décret d'un homme
Ayant su avaler l'intégrité d'un peuple
On aurait mérité pareille libération
De "l'hormone du meurtre"...
Pour ma part je maintiens que ça ne tenait pas debout
Bien que l'ogre existât
Et qu'il nous mangeait nous
Qui ne mangions pas...
Ou alors des petits bouts...
Soit d'organdi, soit de taffetas
Que poivraient de maux de ventre
D'impurs extraits de poux...
Et encore,
J'exagère le repas,
Pour de vrai, on mangeait nos tibias.
Cela faisait onze jours qu'on avait pas vu d'aube, ma mère et...
Ma mère...
*
Cela faisait douze jours que je n'avais pas vu d'aube.
Rien que des nuits.
Totales, elles tapissaient de deuils impossibles mes iris et ma bouche...
Que n'aurais-je pas fait alors pour m'en débarrasser,
De toute cette poussière et de toute cette cendre,
Pour reprendre seulement une douche, quelque fut son offrande.
Au treizième jour la lumière fut
Et je fis la même chose
Priant pour que futur
Se souvienne des os.
Giovanni Battista Piranesi - Restes de l'aqueduc de Néron |
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