Quant à Esther justement, outre les milliers de volts qui dormaient sous sa peau et les vénéneuses armées inscrites sur ses lèvres, elle cachait, à la vue de tous (car tous étaient frileux ou terriblement concupiscents), une bonté d'exception et un limpide esprit capable certainement de redonner la vie, d'inverser les courants. Et donc, si la photo en surface était belle, bien que légèrement glacée comme un portrait idiotement retouché, ce même cliché plongé sous le sodium penthotal réservait des surprises inénarrables et franches. Malheureusement et ce malgré la croyance populaire, la vodka ne faisait pas partie de ces sérums qui poussent à l'honnêteté, elle désinhibe seulement certaines primesautières volontés - là on va lui sauter au cou ou se risquer, plus naturellement, à un mot d'esprit de mauvais goût - et n'assure aucunement la montée des aveux de grande qualité. Dans le meilleur des cas, irradié par cette blanche ivresse, on ne peut se retenir d'appeler son répertoire pour lui dire, abusivement, à quel point nous l'aimons. Dans le pire des cas, on est pris d'une fièvre malsaine, parente en rien avec l'euphorique audace d'un coeur qui se décide.
Pour notre émouvant binôme, le suspense persistait donc quant à savoir s'il pencherait vers un entrain favorisé ou vers un mal de crâne tout à fait déprimant. Un élément de taille, toutefois, pesait dans la balance et pouvait en secret aiguiller son mouvement. C'est qu'Esther et Valentin, tout fougueux qu'ils étaient, n'avaient pas encore ensemble partagé l'acte de chair le plus grandiose et le plus effrayant...
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Paul Klee - Flores aux rochers |
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