Samus Aran est une femme. La combinaison bleue arpentant
cent et un couloirs obstrués par des jets de vapeur ou des vagues d'aliens mécontents est
une femme. L’amas de cubes en mouvement qui passe d’une salle à l’autre et bleuit progressivement la carte est une femme. Le souffle paniqué, rapide et décisif qui gonfle
sous la pèlerine de ce scaphandre ultramoderne est une femme. Samus Aran est une femme mais mon
père est un homme.
Mon père, il est un peu comme moi, mais en plus gros, mais
en plus gras. Une sorte de version ratée de moi-même. Sans grâce aucune et tout
en défaillance. Je suis, certes, moi aussi, une version ratée de moi-même mais mon père
vraiment, il s’effondre dans les grandes largeurs. Parce qu’il est un menteur
patenté dont la mauvaise foi ferait verdir d’envie tous les politiciens. "Il est
plus fort que nous ce gars, il ne se démonte pas d’un pouce, même la main
plongée dans le pot de rillettes, il oserait prétendre qu’il ne mange que des
fruits ou des produits laitiers !" C’est un piège humain, mon père. Un piège
façonné par des années d’usine et de repli sur soi. Un piège humain qui tue ma mère
avec habilité.
Alors pour ne pas mourir ma mère est partie à la neige et j'ai dû rester seul avec mon père. Sept jours ensemble, dans la nuit continue du nord de
la France. Sept jours passés davantage avec Samus Aran qu’avec mon géniteur au
corps de crapaud lourd. Mon Dieu, mon père, quand il mange, c’est bien un
mélange entre une saloperie de grenouille et un bovin putride ! Quand il mange, mon
père, on dirait qu’il sort des camps et que la nourriture remplit jusqu’à son cœur.
Il garde la bouche ouverte aussi, quand il mange mon père. Et cela me répugne follement et
fait des dîners avec lui des moments douloureux.
Pourquoi es-tu un monstre, papa ? Je lui pose cette
question, presque de travers, presque en me reculant. Je ne suis pas un
monstre. Je suis ton père et j’aime ta mère. Pourquoi tuer ma mère alors si tu
l’aimes tant ? Je ne la tue pas. Je l’aime. Elle, elle aimerait seulement que je fasse plus de choses dans la maison, comme le ménage ou la bouffe le
soir mais moi, je n’aime pas ça, ce n’est pas mon rôle. Quel est ton rôle dans
ce cas ? Je ne sais pas. Puis, ses deux yeux bleus plein d’abattement me
fixent, puis, il esquisse un sourire que je sais forcé et faux - et sans doute
commandé par les familles d’antidépresseurs qui s’ébattent actuellement dans sa cervelle
vieillie.
Mon père mange toujours. Il me promet qu’il va faire
attention une fois que ma mère rentrera et il mange toujours. Son ventre est
gros. On pourrait y faire vivre des enfants sans problème. Il reprendra le
sport. Il me le promet. Le sport et la vie civilisée. Tandis qu’il me ment et mange à l’aide
de ses mains et la bouche grande ouverte, un de mes nerfs explosent.
Le fantasme que j’ai eu tant de fois logé au creux des yeux
se réalise enfin. Je viens de prendre mon couteau à steak et de le planter dans
la joue gauche de mon père. Le fantasme se réalise enfin ! L’action prend forme,
enfin, j’agis ! Je ne suis plus là à imaginer d’impossibles scenarii alors
que l’existence réelle me passe sous le nez, alors que les baisers se font sans moi et
que tout le monde gagne en baignant dans mes larmes. Je fais, je suis ! Un
premier coup de couteau bientôt suivi d’un second puis d’un troisième. Le sang
coule dans l’assiette et sur les œufs au plat préparés par mon père.
Il est choqué. Son cœur rempli de nourriture lâche prise
sous l’effroi. Le boom boom graisseux devient silence total. Le petit chien, d’habitude
surexcité autour de la table, est parti se réfugier dans le
salon. Il n’aboie pas. Il sait que j’ai raison. Une plaie se dessine largement
sur la joue de mon père en train de trépasser. La suite de mon fantasme me dit
qu’il faut qu’elle s'épaississe.
M’appuyant sur mon couteau et aidé de mes deux mains boostées
par la musculation, j’agrippe la chair ensanglantée de la joue paternelle. Et j’écarte,
j’y vais de toutes mes forces, parmi les nerfs, le sang, et les articulations. J’enfonce
mes doigts dans un réseau de dégueulasseries cartilagineuses qui semblent ne pas avoir de
fin. Et j’écarte, encore et toujours. Les os craquent, les nerfs sifflent et
font un bruit d'éponge. Et j’écarte, vraiment, j’écarte de toutes mes forces.
Le trou doit grandir, je dois effacer au maximum le visage de mon père.
Parfois, je reprends mon couteau, je le plaque à droite, je le plaque à gauche,
histoire de gagner quelques centimètres. Je le repose ensuite et je
reprends mes mains. Je les enfonce profondément et continue d’écarter comme on
déchire du papier cadeau.
Mon père est mort et la moitié gauche de son visage n’est
plus qu’un trou béant. Qu’un humide fossé où repose une langue molle. Mon
fantasme, sorti de mes yeux bleus et posé sur la table, me dit que ce n’est pas
fini. Je vois le trou. Je ne reconnais plus mon père. J’agis. Sous la faible
lumière d’une ampoule bon marché, je sors mon sexe et commence à l’exciter. Je
vois le trou. Entrebâillement sanglant, ouverture sur le monde.
Une fois durci,
j’insère mon sexe dans le trou devant moi. Et je vais, et je viens, la peau de
mon sexe frotte contre les os brisés et la salive recouvre la pointe de mon
gland. Et je vais et je viens, pendant cinq bonnes minutes. Avant d’éjaculer sur ses dents ébréchées et sur sa langue molle.
Je me retire. Le plus dur est fait. Je passe dans le salon
où le chien flippe sa race. Je l’attrape par le col et le flanque dehors. Qu’il
se fasse bouffer par les chats du voisin, je n’aime pas les chiens (je n’aime
pas non plus les chats du voisin parce qu’ils ont tué le mien mais je les préférerai toujours aux chiens). La télé est
allumée. Elle parle d'importantes chutes de neige du côté des Etats-Unis. Je
ressens pour ma part une forte chaleur au niveau de la nuque. Sans doute est-ce là mon âme qui
essaie de s’enfuir ?
Je remonte dans ma chambre. La nuit est là et Samus m’attend.
Samus est une femme armée d’un rayon plasma qui peut OS nombre de ses ennemis. Mais Moi,
je ne suis pas son ennemi. Je suis même tout le contraire ! Et je vais lui
prouver en la sortant fissa de cet enfer. J’appuie sur START. Le thème principal se
fait entendre. Les couleurs crient et balaient ma rétine. J’appuie sur DROITE. J’agis ! Enfin...
...Pendant que dans la cuisine, mon père, après avoir
débarrassé la table, s’apprête à manger, ni vu, ni connu, un bon morceau de
flan.
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Super Metroid Bluie Suit Glitch - BlueBandanaJake |